76ème Session de l’Assemblée générale de l’Onu : une échéance importante pour le peuple birman

76ème Session de l’Assemblée générale de l’Onu : une échéance importante pour le peuple birman

CP Le 13 septembre 2021 – Le 14 septembre s’ouvrira la 76e session de l’Assemblée générale de l’Onu. Pour le peuple birman, cette session est une échéance importante sur la scène internationale : Tant la junte que le représentant permanent actuel de la Birmanie à l’Onu, U Kyaw Moe Tun –  qui a courageusement pris position contre la junte – sont candidats pour représenter la Birmanie à l’Onu.

Un comité désigné par le président de séance en début de session et composé de 9 Etats – parmi lesquels la Russie, la Chine et les Etats-Unis – a la charge d’examiner l’accréditation des représentants des Etats membres à l’Onu et devra donc se pencher sur le contexte birman issu du coup d’Etat militaire du 1er février. 

Dans une lettre ouverte publiée le 13 septembre, dont Info Birmanie est signataire, 358 organisations de la société civile à travers le monde s’adressent aux représentants permanents des États membres de l’Assemblée générale des Nations Unies, soulignant à quel point il est important que U Kyaw Moe Tun conserve son siège aux Nations Unies. 

Nommé en 2020 par le gouvernement birman démocratiquement élu, U Kyaw Moe Tun a pris position contre la junte dès le 26 février – “Nous continuerons à nous battre pour un gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » – appelant les États à ne pas reconnaître ou légitimer la junte, tout en « apportant son soutien au mouvement de masse des manifestants pacifiques défiant les tentatives illégales et brutales de la junte pour gouverner la Birmanie. » Depuis, il n’a cessé de représenter la Birmanie au nom du gouvernement d’unité nationale (NUG) en résistance, formé en avril par des membres élus du Parlement dont la victoire électorale a été confisquée par le putsch militaire du 1er février. 

Dans une résolution adoptée en juillet, l’Assemblée générale des Nations Unies (A/RES/75/287) a condamné dans les termes les plus forts « les violences excessives et meurtrières des forces armées birmanes depuis le 1er février 2021 ». Elle a aussi appelé les militaires à «respecter la volonté du peuple librement exprimée par les résultats des élections générales du 8 novembre 2020 » et à « rétablir la démocratie sous un gouvernement civil représentant la volonté du peuple birman. » Bien que non contraignante, cette résolution – ainsi que les déclarations du Conseil de sécurité sur la Birmanie – devraient guider le choix du représentant de la Birmanie à l’Onu.

Cet enjeu de la désignation du représentant de la Birmanie à l’Onu est très important, tout en se distinguant en partie de celui de la reconnaissance du gouvernement d’unité nationale (NUG) en résistance, comme l’illustre deux notes d’analyse récentes publiées par le Special Advisory Council – Myanmar (SAC-Myanmar), une organisation créée par des experts internationaux pour soutenir le peuple birman dans sa lutte pour la démocratie, la justice et les droits de l’Homme.

Dans une note du 23 août (Briefing Paper: Recognition of Government), le SAC-Myanmar passe au crible les critères internationaux et conclut que le NUG répond aux critères de reconnaissance internationale en tant que gouvernement de la Birmanie.

Dans une note distincte du 11 août (Briefing Paper: Myanmar’s representation in the United Nations), le SAC-Myanmar revient sur l’enjeu de l’accréditation à l’Onu et sur les différents dénouements possibles lors de cette 76ème session de l’Assemblée générale. Cette question devrait faire l’objet d’un examen sur le temps long – jusqu’à la fin de l’année – à moins qu’elle ne soit mise au débat en début de session. Si le choix du représentant de la junte paraît improbable, deux options semblent se présenter: la désignation du représentant actuel ou le choix d’un siège vacant pour la Birmanie. La déclaration de guerre de résistance prononcée par le NUG le 7 septembre pourrait éventuellement renforcer le risque de cette dernière option.

Toujours est-il que l’appel à la résistance armée du NUG était prévisible, après des mois d’impasse et d’inertie de la part de la communauté internationale. Il est accompagné d’un code de conduite pour les combattants et d’un programme de prise en charge des déserteurs civils et issus des forces de sécurité. Depuis des mois, des civils ont déjà pris les armes au sein des People’s Defence Forces (PDF). L’appel à la résistance armée est le reflet de la volonté des birmans d’en finir avec la dictature et la répression. Depuis le début du soulèvement populaire contre les militaires, il n’est plus question pour les birmans d’un énième compromis qui finirait par se faire à leur détriment. Les birmans veulent la démocratie – dans tout ce qu’elle implique – et cette aspiration est si forte qu’ils sont prêts à risquer leurs vies pour faire tomber les militaires.

Livré à lui-même face à la junte – ce “gang de criminels” de nouveau mis en cause pour des crimes contre l’Humanité – le peuple birman ne renie pas son pacifisme, mais prend les armes par manque d’alternative, confronté à l’un des régimes les plus brutaux au monde. Plus de 1000 tués, plus de 8000 civils arrêtés, des milliers de blessés et de disparus, plus de 200 000 déplacés internes depuis le 1er février, un pays plongé dans la terreur et le chaos, tel est le bilan de la junte[1]… Un birman souhaitant expliquer le recours aux armes a d’ailleurs partagé sur les réseaux sociaux cette citation de Churchill refusant de négocier avec Hitler: «On ne négocie pas quand on a la tête dans la gueule du tigre ». Derrière cette image, la terrible réalité de la population birmane, seule face à la barbarie, prenant le risque d’une répression accrue dans sa lutte contre la junte. La communauté internationale a toute sa responsabilité dans le drame qui se joue en Birmanie, les appels au dialogue étant l’apanage de ceux qui ne subissent pas la répression de l’armée birmane.

Info Birmanie regrette que l’appel aux armes ait été rendu inéluctable. Des contacts en Birmanie, qui vivent dans la clandestinité depuis le coup d’Etat, expriment la crainte d’un engrenage de la violence et d’une répression croissante, en écho aux mots du photographe birman anonyme primé lors du festival de photojournalisme international Visa pour l’image : “Il va y avoir davantage de sacrifices et de souffrance”…Mais à la place des citoyens birmans que ferions-nous, voyant nos frères, soeurs, parents, enfants, maris, épouses, grand-parents, amis, collègues, voisins… se faire tuer, torturer, emprisonner? Que ferions-nous face au règne de la violence et de l’arbitraire et à l’absence d’action décisive de la communauté internationale?

A la veille de l’ouverture de cette 76ème session, nous demandons à la France d’appuyer par tous les moyens possibles l’accréditation de U Kyaw Moe Tun comme représentant de la Birmanie à l’Onu, qui sonnerait comme un désaveu de la junte sur la scène internationale. La France doit aussi entendre l’appel de la Communauté Birmane de France, qui lui demande de collaborer avec le NUG. Le peuple birman, dans ses aspirations légitimes à la démocratie, en a grandement besoin. “Encore combien de morts”, imploraient les birmans en mars.

Contact Presse :

Sophie Brondel, coordinatrice d’Info Birmanie sophie@info-birmanie.org 07 62 80 61 33


[1] Pour plus d’informations sur le contexte : le dossier publié par Progressive Voice et Altsean Burma : United Nations General Assembly Accreditation for Myanmar