La liberté de religion doit être placée au coeur du processus de démocratisation en Birmanie

La liberté de religion doit être placée au coeur du processus de démocratisation en Birmanie

Déclaration du réseau européen pour la Birmanie– 27 janvier 2014

Les membres du Réseau européen pour la Birmanie appellent le gouvernement birman à assurer la protection et la promotion du droit universel à la liberté de religion et de conviction pour tous les peuples de Birmanie, tel qu’énoncé dans l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Nous exhortons la communauté internationale à faire pression sur le gouvernement birman et sur tous les acteurs politiques et de la société civile du pays pour veiller à ce que la liberté religieuse soit au cœur du processus de réforme du pays.

Depuis le début des violences dans l’État d’Arakan en juin 2012, la question de la liberté de religion a pris un tournant préoccupant en Birmanie. La vague de violences anti-musulmanes en 2013 a mis en lumière des préjugés installés de longue date. Discrimination, haine et persécutions liées à la religion ou à l’origine ethnique, sont devenues monnaie courante en Birmanie, émanant aussi bien de la société que du gouvernement et de l’armée. Les discours de haine ont continué de façon effrénée, et les discriminations sont flagrantes. Enfin, les violences sont commises en toute impunité.

Les violations de la liberté de religion ou de conviction affectant les chrétiens en Birmanie ont aussi été largement documentées[1], notamment par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme en Birmanie[2], ainsi que par une organisation de défense du droit des Chins, une ethnie chrétienne de Birmanie.  Le dernier rapport de la Chin Human Rights Organisation (CHRO) sur les violations de la liberté religieuse rencontrées par les Chins a été publié en Janvier 2014[3].

La Constitution de 2008 en Birmanie reconnaît le droit à la liberté de religion ou de conviction, mais prévoit aussi des exceptions qui permettent au gouvernement de restreindre ces droits en les subordonnant à « l’ordre public, la moralité, la santé et à d’autres dispositions de la Constitution ». La Constitution reconnaît spécifiquement le « bouddhisme comme étant la religion pratiquée par la grande majorité des citoyens », mais reconnaît aussi le christianisme, l’islam, l’hindouisme, l’animisme, comme des religions « existantes » dans le pays. Il est aussi indiqué que le gouvernement doit « fournir une assistance et  protéger les religions qu’il reconnaît ».

Le Département d’État des États-Unis cite la Birmanie comme un pays particulièrement préoccupant dans son rapport annuel sur la liberté religieuse dans le monde.

Le Réseau européen pour la Birmanie appelle instamment le gouvernement birman à prendre les mesures suivantes :

  1. Amender la Constitution et toutes les lois pour s’assurer qu’elles tiennent compte des principes énoncés dans l’article 18 de la DUDH, qui spécifie que : «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites » ;
  2. Signer et ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ;
  3.  Inviter officiellement le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion et de conviction à visiter le pays et à rencontrer les représentants des différentes communautés, les acteurs politiques ainsi que les organisations de la société civile sans restrictions ni entraves [4];
  4. Adopter les principes et les propositions énoncées dans le rapport le plus récent du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conviction, qui porte notamment sur les discours de haine ( A/HRC/25/58 26 Décembre 2013) [5] , et le Plan d’action de Rabat sur l’interdiction de l’appel à la haine nationale, raciale ou religieuse qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, qui a été adopté par le Rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté d’expression et d’opinion et le Rapporteur spécial sur la liberté de religion et de conviction à Rabat en Octobre 2012 [6];
  5. Prendre des mesures appropriées pour lutter contre les discours de haine, et traduire en justice toute personne qui incite à la violence pour des motifs de race ou de religion ;
  6. Traduire en justice les auteurs des violences contre les communautés religieuses ;
  7. Abolir les Na Ta La, « écoles d’entraînement pour le développement de la jeunesse dans les zones frontalières ethniques », contrôlées par les militaires, et instituer un système d’éducation unique dans le cadre du Ministère de l’éducation où tous les élèves sont traités de manière égale et sans discrimination basée sur la religion et l’ethnicité ;
  8. Abolir le ministère des Affaires religieuses et le remplacer par une commission des affaires religieuses indépendante et impartiale ayant pour mandat d’éliminer toutes les formes de discrimination religieuse;
  9. Supprimer l’obligation d’inscrire la religion sur la carte d’identité;
  10. S’assurer que le programme d’éducation comprenne un enseignement équilibré et indépendant des différentes religions, afin de promouvoir la compréhension et le respect ;

Les membres du Réseau européen pour la Birmanie exhortent les acteurs politiques, la société civile et les leaders des différentes communautés religieuses, à prendre la parole contre l’intolérance religieuse, la haine et la violence, à promouvoir le dialogue et la compréhension inter-religieuse, et à prôner  la liberté de religion et de conviction pour tous.

Les membres du Réseau européen pour la Birmanie exhortent l’Union européenne (UE) à appliquer à la Birmanie les lignes directrices de l’UE sur la promotion et la protection de la liberté de religion et de conviction[7], adoptée le 24 Juin 2013, et, dans le cas des individus persécutés pour avoir défendu la liberté de religion et de convictions, appliquer les orientations de l’UE concernant les défenseurs des droits de l’homme[8]. Nous appelons l’Union européenne à accorder la priorité à la liberté de religion et de conviction dans le dialogue sur les droits de l’homme qu’elle va engager avec la Birmanie en 2014.

Enfin, les membres du Réseau européen pour la Birmanie exhortent l’UE, et les États membres, à fournir de toute urgence un soutien financier et une expertise pour renforcer les initiatives de promotion du dialogue inter-religieux, la lutte contre les discours de haine et promouvoir la liberté de religion et de croyance. Nous demandons instamment à l’UE de renforcer son soutien et son engagement avec la société civile en Birmanie, pour la promotion et la protection des défenseurs des droits de l’homme, en particulier ceux qui sont engagés dans la promotion de la liberté de religion ou de conviction.

 Organisations signataires:

Action Birmanie
Association Suisse-Birmanie
Austrian Burma Centre
Burma Action Ireland
Burma Aktion Germany
Burma Campaign UK
Burmese Rohingya Organisation UK
Christian Solidarity Worldwide
Info Birmanie
Norwegian Burma Committee
Polish Burma Solidarity
Social Democratic Students Burma Project, Sweden
Swedish Burma Committee