Sanctions de l’UE contre la MOGE : une dérogation qui fait tache ? 

Sanctions de l’UE contre la MOGE : une dérogation qui fait tache ? 

CP Le 22 février 2022 – L’Union Européenne vient de placer la Myanmar Oil and Gas Enterprise (MOGE) sous sanction, touchant pour la première fois au très lucratif secteur du gaz pour les généraux birmans. Cette décision doit entraîner le gel des fonds de l’entité et l’interdiction de mettre des fonds ou des ressources économiques à la disposition de la MOGE.

Mais cette annonce de l’UE révèle la prégnance d’intérêts corporatistes et « régaliens » puissants, dès lors qu’il s’agit de toucher aux intérêts supposés des opérateurs européens, et donc de TotalEnergies. L’UE a en effet assorti sa décision d’une dérogation taillée sur mesure, qui la prive d’effet immédiat dans toutes ses implications pour les opérateurs européens encore présents en Birmanie. Selon l’UE, cette dérogation « permettra à des opérateurs de l’Union de procéder au déclassement de puits pétroliers et gaziers conformément aux normes internationales et de résilier les contrats conclus avec ladite entité.»

Les coulisses des tractations menées sur ce dossier – et en particulier le rôle de la France – mériteraient qu’on s’y attarde. Il reste aussi à savoir comment cet «article 4 quinquies ter » ajouté au règlement (UE) n°401/2013 va être interprété et appliqué[1]. Cette clause permet-elle à TotalEnergies de poursuivre les versements à la MOGE jusqu’au 31 juillet 2022, valant alors blanc-seing pour alimenter la junte en centaines de millions de dollars US (250 millions sur 6 mois selon les estimations) jusqu’à la cession à venir ? La dérogation semble en tout cas rendre possible le transfert de parts à la MOGE, ce qu’il aurait fallu précisément empêcher !

La mise sous sanction de la MOGE par l’UE est saluée par la société civile birmane et internationale,  car elle n’a eu de cesse de l’exiger au nom du peuple birman depuis le coup d’Etat militaire. Mais les dérogations n’étaient certainement pas à l’agenda de la société civile.

Comme le secteur gazier est bien le secteur clé à sanctionner au niveau international pour tarir les flux de devises étrangères alimentant la junte birmane, il faut maintenant que les Etats-Unis, avec leur régime de sanctions extraterritoriales, emboîtent le pas à l’UE, sans dérogation !

Contact presse :

Sophie Brondel sophie@info-birmanie.org + 33 (0)7 62 80 61 33



[1] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=OJ:L:2022:040:FULL&from=en  

Article 4 quinquies ter : « Par dérogation à l’article 4 bis, les autorités compétentes d’un État membre peuvent autoriser le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés appartenant à l’entité inscrite à l’entrée 10 de la liste figurant à l’annexe IV, ou la mise de certains fonds ou ressources économiques à la disposition de cette entité, dans les conditions que ces autorités compétentes jugent appropriées, après avoir établi que ces fonds ou ressources économiques sont nécessaires aux fins:
a) de tâches liées au déclassement de puits pétroliers et gaziers conformément aux normes internationales, telles que l’élimination des déchets, les activités de remise en état des sites nécessaires à la sécurité et à leur réhabilitation environnementale, la fourniture de l’assistance technique s’y rapportant, et au paiement des taxes et droits y afférents ainsi que des salaires et prestations sociales aux salariés; ou b) du transfert, avant le 31 juillet 2022, d’actions ou d’intérêts qui est nécessaire à la résiliation de contrats conclus avec l’entité inscrite à l’entrée 10 de la liste figurant à l’annexe IV avant le 21 février 2022.»