Le gouvernement birman a annoncé la libération de 102 prisonniers le 22 janvier, rapportant à plus de 1 200 le nombre officiel de prisonniers d’opinion libérés depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement semi-civil du président Thein Sein en 2011. Toutefois, selon l’Association d’Assistance au Prisonniers Politiques en Birmanie (AAPPB), sur les 102 prisonniers relâchés, seuls 52 sont effectivement des prisonniers politiques, il reste ainsi une soixantaine de prisonniers politiques incarcérés et 408 activistes attendent toujours leur procès. L’ordre gouvernemental a également commué 77 peines de mort en prison à vie.
Cette amnistie présidentielle ferait suite à l’appel du Secrétaire d’Etat adjoint américain Antony Blinken à libérer tous les prisonniers politiques du pays.
Parmi les personnes amnistiées figurent le Néerlandais Phillip Blackwood, qui a été condamné à deux ans et demi de prison pour avoir utilisé, pour la promotion de son bar, une image psychédélique de Bouddha. Ses deux collègues birmans incarcérés en même temps que lui n’ont par contre pas eu cette chance.
Les libérations qui ont commencé la semaine dernière surviennent juste avant que le nouveau Parlement dominé par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) de l’opposante Aung San Suu Kyi ne fasse sa rentrée le 1er février. La LND a remporté une victoire éclatante aux élections du 8 novembre, battant à plate couture le Parti pour la Solidarité et le Développement de l’Union (USDP) arrivé au pouvoir en 2011 après 49 ans de dictature militaire. Durant ces décennies de régime militaire, l’incarcération de plus de 2 000 journalistes, militants et même comédiens était en grande partie à l’origine des sanctions imposées par l’occident à la Birmanie.
Info Birmanie salue cette nouvelle vague de libération mais rappelle que de nombreux prisonniers politiques ou activistes en l’attente d’un procès restent derrière les barreaux. Par ailleurs, le gouvernement de Thein Sein continue d’arrêter et d’inculper des défenseurs des droits de l’homme pour des raisons politiques. Pour Bo Kyi, secrétaire de l’AAPPB, le gouvernement a simplement libéré 102 prisonniers qui allaient être relâchés prochainement ou qui auraient déjà dû être libérés précédemment. Il rajoute que sur 1 235 prisonniers libérés depuis 2011 par l’administration Thein Sein, 409 d’entre eux sont toujours en procès et 84 toujours en prison. “La plupart d’entre eux protestaient contre le gouvernement, par exemple contre la confiscation des terres et la mine de cuivre de Letpadaung” précise-t-il.
Suivant ses vieilles habitudes, le gouvernement birman a mis sous les feux des projecteurs son amnistie du 22 janvier, tout en procédant à de nouvelles incarcérations de défenseurs des Droits de l’Homme.
Ashin Gambira, ancien moine et leader de la révolution Safran de 2007 a par exemple été de nouveau arreté, la veille de l’amnistie, pour être entré illégalement sur le territoire birman. De même, Patrick Khum Jaa Lee, qui travaille pour une ONG locale, a été condamné le jour de l’amnistie à six mois de prison pour un post sur Facebook accusé d’ « insulter l’armée ». Selon sa femme, rencontrée par Info Birmanie, cette accusation est injustifiée et servirait principalement à intimider le couple qui milite activement en faveur de la minorité ethnique des Kachins, dont la branche armée est en conflit avec le gouvernement birman. Enfin, Chaw Sandi Htun agée de 25 ans et membre de la LND, a également été condamnée fin décembre à six mois de prison pour diffamation après avoir tourné en dérision sur Facebook les nouveaux uniformes de l’armée.
Par ailleurs, quelques 70 étudiants sont actuellement jugés pour avoir participé à une manifestation pacifique contre la Loi Nationale sur l’Éducation en mars 2015. Parmi eux, 50 étudiants sont toujours en prison et encourent une peine allant jusqu’à 9 ans de prison ferme. Depuis leur arrestation « L’état de santé d’un nombre important d’étudiants s’est dégradé« , a affirmé Thet Min, médecin mandaté par le principal syndicat birman pour leur rendre visite en prison.
Info Birmanie craint que l’effet d’annonce de cette libération massive de prisonniers ne fasse oublier à la communauté internationale que les activistes birmans continuent d’être incarcérés pour des motifs politiques. « Il est important de rappeler que beaucoup de prisonniers politiques sont toujours derrière les barreaux et que les lois répressives n’ont toujours pas été abrogées » a déclaré Cécile Harl, coordinatrice de l’association. « Le Président Thein Sein avait une occasion en or d’envoyer un signal fort pour clôturer son mandat, en libérant immédiatement et sans condition, l’ensemble des prisonniers politiques birmans. Il n’aura pas joué le jeu jusqu’au bout. »