La mine de cuivre de Monywa

La mine de cuivre de Monywa

Letpadaung, Sa Bal et Kyae Sin étaient les 3 montagnes principales de la division de Sagaing qui en compte 33. Riches en cuivre, elles font l’objet d’attentions particulières de la part du gouvernement birman, des pays voisins et des entreprises d’extraction minière depuis quelques années et au détriment des paysans et villageois vivant sur place.

Ce vif intérêt à eu des conséquences rapides : la montagne Sa bal a déjà totalement disparue et Kyae Sin, n’est plus qu’une colline fréquentée par les camions, où la végétation a laissé place à la poussière. Exploitée depuis 2010, Letpadaung s’est vu amputée d’une partie de son flanc et a été le théâtre de multiples violations des droits de l’homme, notamment des confiscations de terres massives.

La mine de Monywa illustre le désastre écologique des projets d’extraction minière, l’impact économique et social sur les communautés locales et enfin la répression brutale des manifestations pacifiques.

DSC_0141Ce projet massif est mené par l’entreprise chinoise Wan Bao et le conglomérat militaire birman UMEHL (Union of Myanmar Economic Holdings Ltd, aussi connue sous le nom de U Pai) en collaboration avec le gouvernement birman qui reçoit 51% des profits de l’activité. Des milliers de personnes vivant autour de la montagne ont déjà quitté la zone et 26 villages restent encore sur la liste des « zones à évacuer ».

Les compensations proposées aux paysans pour qu’ils quittent les terres sur lesquelles ils travaillent depuis des générations ne leur permettent pas de changer de vie et les terrains qu’on leur propose en échange sont difficilement exploitables. Depuis toujours, travailler la terre est leur métier, leur seule source de revenu et leur moyen de subsistance. Ce mode de vie traditionnel leur convient et il ne souhaite pas le changer. Bien que les entreprises se soient engagées à créer des emplois, les paysans n’y croient pas et les salaires proposés seraient insuffisants pour leur garantir un même niveau de vie. La majorité des paysans refusent donc toujours les compensations qui les condamnent à un avenir incertain et risqué.

DES MANIFESTATIONS SÉVÈREMENT RÉPRIMÉES

Sans alternatives viables, les villageois, rejoints plus tard par les militants de Rangoun et les moines bouddhistes, ont organisés des manifestations dès 2012. Mais fidèles à leurs habitudes, les autorités ont eu recours à de vieilles méthodes violentes pour mettre un terme au mouvement de protestation qui s’amplifiait. La police anti-émeute a attaqué des camps des manifestants situés atours de la mine de Letpadaung, utilisant des canons à eau et des bombes fumigènes contenant du phosphore. Les gaz projetés contre les manifestants et les feux qui se sont répandus dans les camps ont brulés les militants. Une centaine de blessés – majoritairement des moines – ont dû chercher des soins médicaux dans des hôpitaux de fortune.

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Après l’intervention de la police sur le site de Monywa. Photo postée par le site birman Eleven.

Cette violence ainsi que les nombreuses arrestations arbitraires et le harcèlement dont ont été victimes les militants contre la mine depuis que l’opposition au projet a débuté attestent que les réformes en Birmanie ne sont que superficielles. Le chemin est encore long pour que la liberté d’expression, de réunion et d’association, les droits fonciers et la primauté du droit soient respectés en Birmanie.

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Blessures suites à la répression des manifestations en 2012

UN DÉSASTRE ÉCOLOGIQUE

Malgré les incidents de 2012, le projet continue. Chaque jour l’activité des camions s’intensifie et se rapproche des villages de Letpadaung provoquant bruit et poussière. Les conséquences écologiques se font de plus en plus sentir :

  • l’acide qui est utilisé pour séparer le cuivre de la pierre, s’infiltre dans la terre et les pluies (particulièrement pendant la saison des pluies) le propagent dans les sols. les cultures sont contaminées et certaines terres ne sont déjà plus cultivables.
  • L’utilisation de produits chimiques pollue l’eau, l’air et la terre. Cela affecte directement la santé des villageois. Des problèmes respiratoires, des tumeurs  et d’autres problèmes de santé ont été détectées sur un grands nombre de villageois, sans qu’aucune mesure de dépistage n’ait été mise en place, ni aucun soin apporté.
  • Les dynamites, utilisées presque quotidiennement, font trembler la terre et brisent les puits des fermes agricoles (presque tous ceux du village ont ainsi été détruits). Sans puits,  l’accès à l’eau notamment pendant la saison sèche se complexifie et restreint l’irrigation des cultures.
  • Les bulldozers qui travaillent sur la montagne de Letpadaung, traverse les terres des paysans, endommageant leur terrain et détruisant leurs récoltes.
  • Le découpage des montagnes au bulldozer est responsable de la déforestation et de la destruction de la faune et de la flore locale.
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Ce qu’il reste de la montagne de Kyae Sin

LA STRATÉGIE DES AUTORITÉS : HARCELER ET DIVISER POUR MIEUX RÉGNER

Les autorités locales rendent régulièrement visite aux villageois afin de maintenir la pression. Elles leurs rappellent systématiquement que le projet d’extraction minière ne sera jamais abandonné et que s’ils n’acceptent pas les compensations prévues contre leur terres, l’argent sera utilisé pour le développement du projet minier ; le message est sans équivoque : quoi qu’il advienne, ils seront chassés de leur village et de leurs terres. Pour les pousser à bout, les autorités vont même jusqu’à restreindre l’accès des villageois à l’éducation et à la religion: dans le village de Watt Hmey, elles ont fermé de force le monastère et l’école du village et ont interdit aux enfant d’aller à l’école dans les villages voisins.

Ces derniers mois, la pression s’est accentuée. En novembre, des clôtures ont été installées autour des terres de paysans qui n’avaient pourtant pas signé d’accord ni accepté de compensations. Malgré leurs protestations elles n’ont pas été retirées et ils ont reçu l’ordre de quitter leurs maisons. 26 villages sont concernés et qualifiés d’ « illégaux ». Cela  signifie qu’à tout moment les autorités peuvent venir prendre par la force les maisons et les terres des familles restantes.

Les communautés n’ont jamais eu de  contacts directs avec les entreprises qui gèrent les mines de cuivre de la région de Letpadaung. Celles-ci ne se sont jamais données la peine de les consulter. Tout passe par l’intermédiaire des autorités locales et les leurs pressions portent leur fruits: des centaines de familles ont déjà quitté leurs terres et des tensions se sont créées entre les villageois.

Le projet doit être suspendu afin qu’il y ait une évaluation approfondie de ses impacts sur les communautés locales et sur l’environnement, que des mesures soient mises en place pour limiter les impacts environnementaux futurs, qu’une compensation financière soit versée pour les dommages déjà subis et que de nouvelles terres exploitables soient attribuées aux paysans dont les terres ont déjà été confisquées.

Pour en savoir plus :

Lire l’article: Les paysans : les grands perdants d’une Birmanie en transition
Explorer la Galerie de photos: Letapdaung, ses villageois, ses richesses et sa mine de cuivre
Lire le communiqué de presse d’info Birmanie du 30 novembre 2012 : « Les organisations de la société civile et les groupes communautaires condamnent la répression violente des protestations contre la mine de cuivre de Letpadaung en Birmanie »
– Regarder la vidéo de la DVB sur la protestation en cours (octobre 2013)

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