Shwe gaz: un projet pharaonique aux conséquences dévastatrices

Shwe gaz: un projet pharaonique aux conséquences dévastatrices

Le projet gazier « Shwe Gas », qui a été mis partiellement en service en juillet 2013, établit de dangereux précédents et entraîne des violations des droits de l’homme notamment des confiscations des terres, de mauvaises conditions de travail, des atteintes à l’environnement, et l’exacerbation des tensions avec les minorités ethniques.

C’est pourquoi de nombreuses voix s’élèvent pour en demander la suspension tant que ces problèmes fondamentaux ne sont pas résolus et que le gouvernement n’ouvre pas la voie à des investissements responsables dans le futur.

Pipeline-leaving-Maday-Island-en-route-to-China.-Photo-provided-by-Shwe-Gas-Movement1
AFP

 UN PROJET D’EXTRACTION PHARAONIQUE

Le projet comprend aujourd’hui un port en eau profonde et 800 km de pipelines qui traversent la Birmanie jusqu’en Chine afin de couvrir ses besoins énergétiques : un gazoduc et un oléoduc acheminent du gaz naturel pompé à l’ouest de la Birmanie, et du pétrole brut venant du Moyen-Orient et de l’Afrique, à destination de la Province du Yunnan.

Le projet est une joint-venture entre le groupe étatique birman très controversé, la Myanmar Oil and Gas Enterprise (MOGE)[1] et l’entreprise pétrolière nationale chinoise, la China National Petroleum Corporation (CNPC).

L’entreprise sud-coréenne Daewoo International, a commencé à explorer les côtes birmanes à partir de 2000. En 2004, elle a découvert une grande quantité de gaz naturel dans le Golfe du Bengale et a signé un accord avec la CNPC. Celle-ci s’occupe maintenant de la vente et du transport des ressources. D’autres entreprises sud-coréennes chinoises et indiennes se sont associées au projet.

Lorsque la construction du projet a commencé en 2009, les populations espéraient, comme le promettaient les entreprises, qu’il y aurait un impact positif sur l’emploi, les infrastructures, l’éducation, la santé etc. Ces espoirs ont vite été déçus.

Le projet qui devrait rapporter 1,8 milliard de dollar US à la Birmanie chaque année, et près de 54 milliard sur 30 ans s’appuie sur un système de répartition des bénéfices totalement injuste, qui met de côté les communautés locales et qui est à l’origine d’impacts sociaux, économiques et environnementaux importants. La menace et le rejet qu’il représente pour les communautés locales risque d’affecter l’ensemble des projets des investisseurs étrangers à moins qu’un cadre règlementaire incluant les mécanismes de partage des bénéfices et une politique fédérale sois mis en place.

Map credit shwe gas

DES CONSÉQUENCES DÉVASTATRICES

De nombreux rapports montrent que la construction des pipelines du projet Shwe gas est responsable de violations des droits de l’homme massives : déplacements forcés, travail forcé, discrimination, meurtres violences sexuelles et autres formes de violences.[2]

En outre, le Shwe Gas Movement, organisation de défense des droits de l’homme et de la justice environnementale,  a publié un rapport qui révèle des faiblesses criantes dans le cadre juridique birman en ce qui concerne les industries extractives,  entraînant des violations des droits de l’homme, des dommages environnementaux et une mauvaise répartition des revenus.

Dans un rapport intitulé « Bonne gouvernance et industrie extractive en Birmanie » (Good Governance and the Extractive Industry in Burma), le groupe  examine les lois et les conventions actuellement en vigueur, mesurant les manquements aux normes internationales de la Birmanie. Le rapport montre des lacunes importantes dans les domaines de la conservation de l’environnement, les droits humains, la transparence des recettes et la gestion des ressources naturelles. Le rapport suggère en outre que les nouveaux investissements devraient être interrompu jusqu’à ce que ces lacunes en matière de gouvernance sont réparées.

Le projet en lui-même est également responsable de conséquences dévastatrice pour le pays :

  • Le projet prive le pays de l’énergie dont la Birmanie aurait besoin pour se développer et réduit les chances d’électrification et de création d’emploi en Birmanie. Les prix de l’énergie flambent et les populations n’ont majoritairement pas accès à l’électricité. Le projet va produire des trillions de pieds cubes de gaz qui pourraient être utilisés pour accélérer le développement économique et social de la Birmanie. Toutefois, les ressources naturelles locales seront acheminées en Chine et la construction des pipelines a dégradé les conditions de vie des communautés.
  • Des milliers d’agriculteurs et de pêcheurs ont vu leur terre confisquées ou devenir inutilisables à cause des dommages environnementaux provoqués par le projet: les travaux et les aménagements réalisés bloquent les routes empruntées par les populations locales, les zones de pêches ne sont plus accessibles ou trop polluées pour être utilisées, les entreprises jettent leurs déchets dans les champs, les bulldozers détruisent les terrains etc. Le mode de vie des communautés a donc été totalement chamboulé et leur condition de vie profondément dégradée.
  • La perte de leur moyen de subsistance conduit les populations à travailler temporairement pour le projet Shwe gas, mais le projet emploie des hommes, des femmes et des enfants dans des conditions effroyables. Les salaires perçus sont dérisoires. Le montant annoncé est 6,25 dollars US par jour mais les villageois ne reçoivent que 2 dollars et s’ils se plaignent, ils sont renvoyés.
  • Les femmes sont discriminées – salaires et compensations encore plus faibles – et sont les premières victimes de l’industrie du sexe qui se développe autour du projet.
  • Le projet manque totalement de transparence : les populations ne sont pas informés, y compris lorsqu’il s’agit de leur terre, de leurs compensations et des impacts sur leur environnement. Le manque de consultation des communautés locales a pour conséquences la mise en place de projets philanthropiques des entreprises qui ne répondent pas aux besoins des populations.
  •  Des défauts dans les pipelines provoquent des fuites de gaz, des explosions et des incendies qui effraient les populations et dégradent leur environnement. Les trous des pipelines sont réparés avec des pièces de caoutchouc, comme s’il s’agissait de pneus.
  •  Le harcèlement et les intimidations des communautés sont monnaies courantes notamment lorsqu’elles montrent leur désaccord. La semaine dernière (le 26 septembre 2013), 10 activistes ont encore été condamnés à 3 mois de prison pour avoir protester contre le projet.
  • Le renforcement de la présence militaire accentue la corruption locale : les investisseurs s’accordent avec l’armée pour confisquer les terres des résidents. 2000 villageois Palaung ont déjà été déplacés sans compensation adéquate.
  • Le projet alimente les tensions et les conflits armés dans le pays car les pipelines traversent les régions particulièrement sensibles (notamment l’État Arakan et Shan). Le renforcement de la présence militaire, l’exploitation intensive des ressources naturelles, l’accaparement des terres et la destruction de l’environnement dans ces régions, exacerbent les conflits.

 Pour en savoir plus :
Vidéo du Shwe Gas Movment – « The Source of Trouble » 2013
Rapport du Business & Human Rights Resource Centre : “Business & human rights in Myanmar: A round-up of recent developments” – Août 2013
Rapport du Shwe Gas Movment “Drawing the line: the case against China’s Shwe
gas project, for better extractive industries in Burma” – septembre 2013
Site du Shwe Gas Movement


[1] La MOGE conclut des accords de joint-venture avec les groupes étrangers dans le domaine de l’énergie. Elle est considérée comme la vache à lait du régime birman.

[2] ERI Photo essay: Selected impacts of the Shwe natural gas & Myanmar-China oil transport projects http://www.earthrights.org/multimedia/essay/photo-essay-selected-impacts-shwe-natural-gas-myanmar-china-oil-transport-projects; Northern Shan Farmers’ Committee (NSFC) Shan farmers oppose the

Shwe pipelines http://business-humanrights.org/media/shan-pipeline-april-2013.pdf