Armée birmane : un projet d’achat d’avions Airbus à arrêter !

Armée birmane : un projet d’achat d’avions Airbus à arrêter !

CP 8 décembre 2020 – La campagne citoyenne Justice for Myanmar (JFM) publie aujourd’hui des documents relatifs à un projet d’achat d’Airbus par l’armée birmane, censé avoir lieu d’ici/le 30 décembre 2020. Il concerne 2 Airbus CASA C-295s[1] de la Royal Jordanian Air Force pour la somme de 38,6 millions de dollars USD.

JFM demande à la Jordanie de ne pas procéder à cette vente qui, selon sa source, est en cours[2]. Si cet achat devait avoir lieu, toute implication de la société Airbus dans la maintenance de suivi et la délivrance de formations certifiées au bénéfice de l’armée birmane serait susceptible d’enfreindre le régime de sanctions de l’Union Européenne en vigueur.

Or, le projet d’achat relatif à cet appareil de transport tactique inclut, selon les documents dévoilés, la formation de 8 pilotes et de 4 mécaniciens « au sein des installations de formation militaire d’Airbus CASA, basé à Séville en Espagne (ou) d’une centre de formation adapté en un autre lieu (ou) chez le client en Birmanie ». La société privée impliquée dans la transaction est Aero Sofi Co. Ltd, basée au Novotel de Yangon et dirigée par l’ancien PDG de Air Mandalay, Sai Kham Park Hpa. Elle s’engage à fournir une assistance complémentaire dans la formation technique de l’équipage en fonction de ses besoins, tandis que la proposition mentionne que « tous les services de maintenance après-vente et de pièces détachées seront fournis de tout temps selon les lignes directrices de Airbus-CASA-OEM ».

Dans le cadre de la publication de ces informations, Info Birmanie interpelle Airbus. La Birmanie fait l’objet d’un embargo sur les armes de l’Union Européenne, étendu en avril 2018 aux « biens à double usage » pour couvrir les produits et technologies qui peuvent être utilisés tant à des fins civiles que militaires[3]. Le rappel de cet embargo et de sa portée est d’autant plus important que, selon nos sources, une délégation d’Airbus Helicopters s’est rendue en Birmanie à l’automne 2019 pour prospecter sur le marché birman. 

Il convient par ailleurs de s’assurer qu’Airbus met tout en œuvre pour s’assurer du respect de ses obligations en matière de « diligence raisonnable » dans le cadre des Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme[4].

Yadana Maung de JFM déclare : « Si l’achat des C-295 se poursuit, ils seront probablement utilisés pour transporter des troupes dans des zones ethniques, soutenant les crimes internationaux de l’armée. Nous appelons le gouvernement jordanien à s’abstenir de vendre des armes à l’armée birmane, y compris des avions C-295… Airbus et ses partenaires doivent mettre fin à tous les liens directs et indirects avec l’armée birmane, y compris la formation et le soutien technique ».

Selon les documents rendus publics par JFM, l’armée a également signé un contrat en 2019 pour le réaménagement luxueux d’un Airbus A 319-112, préalablement utilisé par Myanmar Airways International, une compagnie aérienne détenue par les groupes KBZ[5] et 24 Hours . La société Aero Sofi est également impliquée dans cette transaction de plus de 4,8 millions de dollars US, dont le statut ne peut être confirmé par JFM. Tout service après-vente incluant Airbus serait susceptible d’enfreindre l’embargo sur les armes de l’UE. Comme le souligne JFM, la propriété de cet Airbus de KBZ par l’armée soulève aussi des inquiétudes sur la « diligence raisonnable » d’Airbus en matière de droits humains et des parties tierces à la vente.

Airbus doit s’engager à respecter l’embargo en vigueur au sein de l’Union Européenne et a un rôle important à jouer pour bloquer le projet de vente documenté des 2 Airbus CASA C-295s de la Royal Jordanian Air Force en refusant de fournir la moindre assistance ou formation –  qu’elle qu’en soit la forme – sur ses appareils au profit d’une armée mise en cause pour les crimes les plus graves en droit international.

Contacts presse :

Yadana Maung, Justice For Myanmar Email: media@justiceformyanmar.org Sophie Brondel, coordinatrice d’Info Birmanie 07 62 80 61 33 sophie@infobirmanie.org


[1] Selon le site d’Airbus, le C-295 est « entièrement certifié et fonctionne régulièrement jour et nuit dans des missions de combat dans toutes les conditions météorologiques extrêmes ».

[2] JFM mentionne par ailleurs que les documents ont été fournis au Projet de signalement de la criminalité organisée et de la corruption (OCCRP), un consortium international de journalistes d’investigation qui a révélé des lacunes dans la réglementation des sanctions de l’UE. L’OCCRP a pu confirmer auprès d’une source jordanienne proche de l’accord en cause que la Jordanie vend les avions, bien que la source ne sache pas à quel pays ils sont vendus. L’OCCRP consacre un article à ce sujet. JFM publie également d’autres documents budgétaires du Ministère de la défense, dans lesquels les technologies d’Alcatel sont identifiées dans les demandes de budget, destinées aux communications militaires.

[3]  Article 3 du RÈGLEMENT (UE) 2018/647 DU CONSEIL du 26 avril 2018 modifiant le règlement (UE) no 401/2013 concernant des mesures restrictives instituées à l’encontre du Myanmar/de la Birmanie

[4] Ces principes directeurs ont été approuvés par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU dans sa résolution 17/4 du 16 juin 2011.

[5] Selon les enquêteurs de la Mission d’établissement des faits de l’ONU, KBZ doit faire l’objet d’une enquête pour sa contribution directe et substantielle à la commission de crimes contre l’Humanité : le groupe KBZ opère des mines de jades et de rubis avec la Myanmar Economic Holdings Limited (MEHL), conglomérat de l’armée, et a fait don de près de 2,5 millions de USD à l’armée en 2017 durant sa campagne contre les Rohingya.