Birmanie : la « Dirty List » de l’ONG Burma Campaign UK épingle Total Energies

Birmanie : la « Dirty List » de l’ONG Burma Campaign UK épingle Total Energies

19 Octobre 2021 – Aujourd’hui, l’ONG Burma Campaign UK annonce avoir ajouté 20 entreprises à sa « Dirty List » en raison de leurs liens avec l’armée birmane. Parmi elles, Total Energies et ses partenaires (Chevron et PTTEP) dans le cadre de l’emblématique champ gazier de Yadana.

La « Dirty List » désigne des entreprises qui sont en relation d’affaires avec l’armée bimane ou qui s’engagent dans des activités qui aident à financer celle-ci, fournissent des équipements ou des services à l’armée, ou sont liées à des projets entraînant des violations des droits de l’homme ou la destruction de l’environnement. « Maintenant que les revenus des entreprises d’État sont perçus par l’armée, les relations d’affaires avec les entreprises d’État ont été ajoutées comme critères d’inscription sur la liste » souligne l’ONG. Total Energies, qui fournit des revenus du gaz à l’armée, se voit épinglée pour sa relation avec la Myanmar Oil and Gaz Entreprise (MOGE).

Si Burma Campaign UK a donné aux entreprises la possibilité de répondre et de corriger toute information incorrecte ou obsolète, la réponse de Total Energies ne l’a pas convaincue. Plus de huit mois après le coup d’Etat du 1er février 2021, les revenus du gaz sont toujours l’une des principales sources de financement de la junte militaire. Total Energies – avec le champ gazier de Yadana – demeure mise en cause en tant que source de devises pour un régime militaire criminel. Le groupe n’a pas donné suite à la principale demande portée par la société civile et par le gouvernement d’unité nationale (NUG) en résistance, qui consiste à ce que l’ensemble des paiements à la junte soient suspendus et placés sur un compte bloqué jusqu’au retour d’un gouvernement démocratiquement élu.  

Mark Farmaner, le directeur de Burma Campaign UK, souligne que si « les Birmans font tout ce qu’ils peuvent pour empêcher les revenus d’aller à l’armée, boycottent les entreprises militaires, ne paient pas les factures d’électricité, on ne peut pas en dire autant d’entreprises comme Total », avant d’ajouter que « les entreprises fournissant des services, des équipements et des revenus aux militaires sont complices des violations des droits humains qu’ils commettent ».

Lors de l’inauguration de l’exposition d’artistes birmans « Fighting Fear » qui a eu lieu le 18 septembre à Paris, des personnalités ont interpellé la France et souligné le rôle de Total en Birmanie, appelant à des décisions fortes pour mettre un terme à ce scandale français qui veut qu’une entreprise soit en mesure d’influer sur le positionnement de l’Etat.

En gardant le silence ou en reprenant à son compte l’argumentaire du groupe pour justifier le statu quo, l’Etat français fait la démonstration de sa connivence. En parallèle, il s’oppose avec véhémence à la mise sous sanctions internationales du secteur gazier en Birmanie. Burma Campaign UK note que tout «comme sous la précédente dictature militaire, le lobbying de Total auprès du gouvernement français pour s’opposer aux sanctions sur le pétrole et le gaz est un facteur expliquant que l’Union européenne n’impose pas de sanctions sur ce secteur et permet ainsi à Total de continuer à financer l’armée.»

Au final, ce sont des parlementaires qui font honneur à notre pays. Des sénateurs français ont récemment interpellé Total Energies lors de l’examen de la résolution portant sur la reconnaissance du gouvernement d’unité nationale. Ces voix s’inscrivent résolument dans le prolongement de la tribune de parlementaires parue dans Le Monde le 1er juin, demandant à la France des actions plus fortes et une pression accentuée sur Total Energies. Elles n’ont pas encore été entendues.

La sénatrice du Nord, Michelle Gréaume, rappelle que l’annonce de Total Energies, prise sous la pression des ONG, de suspendre (partiellement) ses versements aux actionnaires (notamment la MOGE) n’est qu’une micro-réponse à un gigantesque problème. Le sénateur de la Haute-Loire, Olivier Cigolotti, souligne que l’apport financier du secteur des hydrocarbures à un pouvoir illégitime est (toujours) un problème. Enfin, Mme Joëlle Garriaud Maylam, sénatrice représentant les Français hors de France, rappelle la demande faite à Total Energies visant à ce que les paiements soient placés sur un compte bloqué jusqu’au retour d’un gouvernement démocratiquement élu. Cette demande est toujours d’actualité, tout comme celle de la mise sous sanctions internationales du secteur gazier.

Nous devons, pour le peuple birman et ses aspirations démocratiques, tarir cette source de revenus qui alimente une junte criminelle. Mais la France s’y oppose. L’inscription de Total Energies sur la « Dirty List » de Burma Campaign UK était attendue : seules des mesures fortes permettront de l’en déloger.