Condamner la traite d’êtres humains : un travail de longue haleine pour la Thaïlande

Condamner la traite d’êtres humains : un travail de longue haleine pour la Thaïlande

InfoBirmanie, en partenariat avec Terre des Hommes France (TDH), la Fédération Internationale Terre des Hommes (FITDH), et Foundation for Education and Development (FED) participe à un projet visant à réduire la vulnérabilité des migrants entre la Thaïlande et la Birmanie. Cet article d’Info Birmanie est le sixième de notre série qui vise à rendre compte de la situation pressante des migrants birmans en Thaïlande et du contexte de cette migration.

Depuis quelques années maintenant, la Thaïlande tente de rendre justice aux victimes de la traite, parmi lesquelles on compte de nombreux birmans.

Les premières condamnations pénales ont vu le jour en 2017 à Bangkok, lors d’un procès sans précédent impliquant un haut gradé de l’armée thaïlandaise, des politiciens locaux et des policiers. L’étendue de ce trafic (in)humain est dénoncée depuis des années par de nombreuses ONG (Human Rights Watch, Fortify Rights…). C’est en 2015 qu’il éclatera sous le regard de la communauté internationale suite à la découverte de fosses communes en pleine jungle thaïlandaise, là où se cachent les camps de transit pour migrants. Parmi les victimes, de nombreux Rohingya.

La volonté de rendre justice…

Le 21 octobre 2019, la Thaïlande a “remis” à la Birmanie plus d’une cinquantaine de victimes birmanes de la traite d’êtres humains. La lutte contre ce phénomène est une entreprise de longue haleine. 

En août dernier, le directeur de la Division Thaïlandaise de la Lutte Contre la Traite des Personnes, annonçait qu’au cours de ces deux dernières années, le nombre de victimes birmanes était le plus élevé, comparé aux ressortissants d’autres pays (Laos, Cambodge…).  En parallèle à ce trafic illégal, il faut noter qu’environ 20 000 travailleurs birmans entrent légalement en Thaïlande chaque mois afin de trouver du travail, dans le cadre d’un accord visant à favoriser les déplacements par voie légale. 

Depuis 2014, la justice thaïlandaise a connu environ 1335 affaires de traite d’êtres humains et ordonné aux trafiquants de régler aux victimes une indemnisation totale de plus de 130 millions de bath (soit 4,3 millions USD) pour les dommages subis. 

Cette année, la Thaïlande a par ailleurs secouru plus de 1000 victimes de ce trafic. Il y aurait, à l’heure actuelle, plus de 550 victimes placées dans des centres de réhabilitation thaïlandais qui attendent d’être reconnues dans leur citoyenneté birmane. Le nombre de victimes est bien sûr supérieur, mais difficile à chiffrer précisément. Selon l’index de la Fondation Walk Free, la Thaïlande compterait environ 610 000 personnes réduites en esclavage, pour une population de 69 millions d’habitants.

Mais une volonté parfois ralentie

Le rôle du gouvernement, en théorie, est d’accompagner les victimes dans leurs démarches en justice. Mais le cadre ne semble pas encore très établi à ce niveau. De plus, dans 99 % des cas, les trafiquants d’êtres humains ignorent les condamnations rendues par les juges et très peu de procès aboutissent réellement. Les victimes n’ont reçu leur indemnité que dans 5 des 1335 affaires évoquées ci-dessus. 

Le gouvernement thaïlandais envisage de modifier une loi de 1999 concernant la lutte contre le blanchiment d’argent. L’objectif serait d’utiliser les avoirs des contrevenants, saisis par le Bureau de lutte contre le blanchiment d’argent (AMLO), afin d’indemniser les victimes. Quatre séances publiques ont eu lieu cette année pour discuter de l’éventuelle modification législative. Car les avoirs saisis sont actuellement, selon la loi, propriété de l’Etat. Le gouvernement doit encore examiner cette possibilité de réforme, mais aucune date n’a été annoncée pour l’instant.

Un avocat qui a suivi plusieurs affaires sur cette problématique souligne que, bien souvent,  les victimes ne reçoivent jamais l’indemnité à laquelle elles ont droit. Les trafiquants ne possèdent en général pas la somme exigée. Et la peine de prison à laquelle ils peuvent être condamnés rend la collecte des fonds impossible. Précarisées, les victimes encourent le risque d’être de nouveau ciblées et touchées par le trafic. 

Si on peut constater une certaine volonté de rendre justice aux victimes du fléau de la traite d’être humain en Thaïlande, il reste donc encore un long chemin à parcourir pour permettre à toutes les victimes d’obtenir effectivement réparation et justice. 

 Le 27 novembre 2019

Margot Meyer