Élections municipales de Rangoun : un mauvais présage pour les élections générales de 2015 ?

Élections municipales de Rangoun : un mauvais présage pour les élections générales de 2015 ?

Samedi 27 décembre 2014, pour la première fois depuis 60 ans les citoyens de Rangoun se sont rendus aux urnes pour des élections municipales. Le Comité de développement de la ville de Rangoun (YCDC) n’avait été pas été renouvelé au suffrage populaire depuis 1949.

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Ces élections, qui représentent un test crucial pour les élections nationales historiques de novembre prochain, ont été attentivement suivies par les spécialistes. Ce sont surtout les conditions du scrutin qui ont été observées car les personnes élues seront moins influentes que les personnes nommées, bien plus nombreuses au sein du Conseil de la ville. Et pourtant, nombre d’observateurs ont déclaré que le vote était profondément biaisé par les restrictions concernant les candidats, les campagnes et l’accès au vote.

En effet, des modalités de scrutin très strictes n’ont permis qu’à 400 000 personnes de voter sur les 5 millions que compte la capitale économique. Seule une personne par foyer avait le droit de voter. De plus, certaines clauses encadraient strictement les conditions pour se porter candidat, fixant des conditions d’âge restrictives et interdisant l’affiliation à un parti politique.

Ainsi, un peu moins de 300 candidats, dont des hommes d’affaires, d’anciens fonctionnaires et des activistes étaient en compétition pour les 115 sièges du YCDC. La plupart des postes clés seront ensuite attribués par nomination.

Alors que les responsables des élections affirmaient que le scrutin serait transparent, libre et équitable, les campagnes électorales ont été quasiment voire complètement inexistantes. D’une part l’affichage a été interdit par les autorités qui ont déclaré que des campagnes publicitaires pourraient « dégrader la ville de Rangoun ». D’autre part, après 50 ans de dictature, les politiciens n’étaient pas habitués à courtiser leurs électeurs. Certains votants n’ont ainsi découvert les noms des candidats qu’au moment d’entrer dans les urnes.

Malgré le flou entourant les candidats et leur programme, les habitants étaient déterminés à exercer leur droit de vote. Pour beaucoup ce scrutin représentait la première occasion de voter sous le gouvernement dit « civil » et l’une des rares opportunités de peser sur les décisions concernant le développement économique de la ville. La construction d’autoroutes, la hausse des loyers, les embouteillages croissants, les mauvaises conditions d’assainissement et le faible contrôle de la pollution seront notamment prises en charge par le YCDC.

« Il est très difficile d’avoir de grandes attentes car c’est la première élection municipale depuis 60 ans» témoigne Khin Maung Tun, un habitant du canton de Thaketa de 50 ans, « Mais nous sommes venus pour voter et montrer notre état d’esprit ».

Les résultats ont été publiés le 30 décembre. Les candidats Htay Aung, Khin Hlaing, Aung Min and Khin Maung Tint, respectivement des districts est, ouest, sud et nord de la ville, ont été élus au YCDC et les médias ont déplorés le faible taux de participation (26%).

Win Cho, activiste pour les droits de l’homme et candidat qui conteste les résultats du district ouest, a déclaré : « le YCDC et le gouvernement divisionnaire [de Rangoun] n’ont pas été équitables ». Susanna Hla Hla Soe, candidate défaite, affirme que certaines restrictions de campagne « s’appliquait à certains candidats mais pas à d’autres ».

Ce scrutin illustre les nombreuses difficultés qui doivent être surmontées pour que les élections générales de 2015 soient justes et équitables. En effet, les potentiels candidats ne savent pas faire campagne, un amendement assure 25 % des sièges du Parlement aux militaires, la tenue des élections reste en grande partie contrôlée par les militaires et il est difficile pour les citoyens de se sentir concernés par la politique alors que cela fait plus d’un demi-siècle qu’ils ont été exclus du processus décisionnaire.

Les dernières élections générales en 2010 avaient été largement entachées par les accusations de fraudes et caractérisée par l’absence du parti d’opposition d’Aung San Suu Kyi qui avait boycotté le vote. Les élections partielles de 2012 tenues dans une poignée de circonscriptions à travers le pays ont été considérées plus libres et lui ont permis d’entrer au Parlement pour la première fois. Elle restera, cependant, exclue de la course à la présidence en 2015 alors que son parti a de grande chance de remporter le scrutin de novembre prochain si l’on se fie au succès remporté en 2012.