En 2014, le calvaire des Rohingyas continue

En 2014, le calvaire des Rohingyas continue

Les Rohingyas, une minorité apatride de Birmanie, ont enduré des décennies de violences, de persécutions et de discriminations… qui dure encore. Le 3 juin 2012, a marqué le début d’une nouvelle série de pogroms contre les Rohingyas et d’autres communautés musulmanes. Depuis, les campagnes de haine menées notamment par des moines bouddhistes, ont contribué à installer un climat de racisme contre les Rohingyas. Plutôt que d’essayer de calmer le jeu, le gouvernement de Thein Sein refuse toujours de reconnaitre la citoyenneté des Rohingyas et multiplient les discriminations à leur encontre.

Sans aucune protection de l’État et malgré les appels au calme de la communauté internationale, les Rohingyas sont depuis près de deux ans les victimes de violences et de discriminations continues. Human Right Watch parle de « nettoyage ethnique ».

Environ mille Rohingyas ont été détenus illégalement dans l’État d’Arakan après les violences de juin 2012. La plupart restent en prison, et au moins 68 sont morts en détention avant le mois décembre 2012. Les centaines de détenus Rohingyas qui ont été accusés et condamnés ont été discriminés et  privés de leurs droits à une représentation juridique et au droit d’être jugé de façon équitable.

Les événements du début de l’année 2014 semblent montrer que ce climat de haine à leur égard se consolide et que sans véritable mobilisation, les violences continueront.

Dans la nuit du 13 janvier 2014, un groupe d’homme constitué de policiers et de civils arakanais est entré dans le village de Kiladaung, au sud de Maungdaw, dans l’État d’Arakan. Les individus se sont introduits dans la maison d’une famille Rohingya. Le mari, voyant le groupe armé s’approcher a eu le temps de se cacher. Ils ont alors demandé à sa femme ses objets de valeur, ses bijoux ainsi que de l’argent. Refusant de céder à l’extorsion, elle a été violée et tuée par les forces de sécurité. Les cris de ses enfants ont réveillé les villageois qui se sont approchées et les violences ont débuté.

La police a ouvert le feu sur les villageois. Sept personnes ont été tuées, dont 3 enfants Rohingyas. Quatre personnes ont été blessées par balle et au moins 100 Rohingyas ont été arrêtés. Selon plusieurs sources, les forces de sécurité locales et les populations Arakanaises, profiteraient du chaos généré par les violences et les tensions pour piller les propriétés des Rohingyas du village : bétail, riz, objets de valeur, etc.

Les forces de sécurité auraient alors fait courir la rumeur qu’un officier de police avait été tué durant l’incident. Ce meurtre  se serait finalement avéré et les autorités locales ont ordonné aux policiers de la région d’arrêter sans distinctions, tous les hommes et les garçons Rohingyas âgés de plus de 10 ans dans les zones des alentours, pour trouver le responsable du meurtre.

Depuis le début des violences de 2014, plusieurs centaines de Rohingyas ont été forcées de fuir pour se cacher et au 23 janvier les différentes sources parlaient d’au moins 70 morts Rohingyas dont des femmes et des enfants. Ce nombre pourrait être beaucoup plus important mais les restrictions imposées par le gouvernement empêchent aux organisations humanitaires, aux journalistes nationaux et internationaux ainsi qu’aux observateurs indépendants, l’accès aux zones concernées.

Ces détentions arbitraires élargissent encore l’étendue des violations des droits de l’homme commises dans la région et devraient immédiatement cessées” a declaré Matthew Smith, le directeur de Fortify Rights.

Pour Tun Khin, le président d’une organisation de défense des Rohingyas (Burmese Rohingya Organization UK – BROUK), « Cette attaque fait partie d’un plan systématique d’intimidation, de menaces et de violences qui est en train de créer un climat d’apartheid où les Rohingyas sont isolés du reste de la population, déplacés dans des camps et pour beaucoup, forcés à fuir le pays. La situation est extrêmement critique et nécessite une intervention humanitaire au plus vite pour sauver les vies des Rohingyas. »

Et en effet, un climat de haine ne cesse de se développer contre la minorité. Alors que les violences éclataient de nouveau dans l’Arakan à leur encontre, plus de 10 000 moines bouddhistes, dont le célèbre extrémiste Wirathu et un grand nombre d’affiliés au mouvement 969, se réunissait à Mandalay le 15 janvier afin de réfléchir à une proposition pour restreindre les mariages inter-religieux. En juin 2013, ce groupe disait avoir réuni 3 millions de signatures en faveur du projet de loi interdisant le mariage entre les femmes bouddhistes et les hommes musulmans. Cette conférence leur a permis de récolter plus de signatures mais aussi de manifester leur soutien à l’amendement de la loi relative à l’enregistrement des partis politiques, proposé au Parlement en août 2013. Ils semblent ainsi vouloir retirer aux Rohingyas leur droit à former des partis politiques, à se présenter comme candidat et à voter pendant les élections.

Info Birmanie se joint à BROUK pour appeler à la mise en place d’une enquête internationale et indépendante sur les violences. Celle-ci permettrait d’établir la vérité mais aussi de prévenir d’autres attaques, puisque les auteurs des violences pourraient être tenus pour responsable de leurs actes.

Les Nations Unies ont appelé le gouvernement birman à mettre en place  » une enquête rapide, complète et impartiale » et à « s’assurer que la justice soit rendue aux victimes et à leurs familles« . Toutefois, les chances pour que le gouvernement birman instaure une telle enquête sont bien maigres. Cela fait en effet plus de 20 ans que les Nations Unies ne cessent d’appeler le gouvernement birman à mener des enquêtes approfondies et impartiales sur les violations des droits de l’homme, notamment  lors des résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies. Chaque appel à jusque-là été ignoré.

Info Birmanie appelle le gouvernement de Thein Sein à :

1) Relâcher immédiatement les Rohingyas arrêtés
2) Garantir à tous les Rohingyas de l’État d’Arakan des conditions de sécurité adaptées
3) Prendre des mesures contre les personnes impliquées dans le viol et les meurtres des villageois Rohingyas.
4) Autoriser un libre accès aux médias internationaux pour qu’ils puissent couvrir l’événement.

Info Birmanie appelle les Nations-Unies, l’OIC, L’UE, les États-Unis et la France à:

1) Soutenir une intervention humanitaire dans l’État d’Arakan pour sauver les vies des Rohingyas.
2) Continuer de réclamer une équipe d’experts internationaux indépendants pour enquêter sur les faits, notamment sur ce qu’il s’est réellement passé dans le village de Kiladaung à Maungdaw.
3) Faire pression sur le gouvernement du président Thein Sein pour que les crimes contre l’humanité sans cesse perpétrés contre les Rohingyas cessent.

Pour en savoir plus:
Article Focus sur les Rohingyas : Lire
Communiqué de presse « Une enquête internationale est nécessaire pour mettre fin au massacre des Rohingyas » : Lire