Les destructions de villages Rohingya continuent : le rapport accablant de l’ASPI

Les destructions de villages Rohingya continuent : le rapport accablant de l’ASPI

25 juillet 2019

L’Australian Strategic Policy Institute (ASPI) publie un rapport alarmant, « Mapping conditions in Rakhine State », qui met en doute, images satellitaires à l’appui, les affirmations des autorités birmanes selon lesquelles des mesures seraient prises en vue d’assurer le retour des Rohingya dans des « conditions sûres et dignes ». Rien n’indique qu’un tel retour soit préparé, la nouveauté de ce rapport consistant dans ses sources documentaires, qui révèlent, en particulier, que la destruction de villages Rohingya a continué bien après août 2017, tout au long de l’année 2018 et jusqu’à présent.

Dans sa recherche, l’ASPI n’a pas trouvé trace d’un plan étendu visant au retour des Rohingya dans des « conditions sûres et dignes ». Sur la base d’une cartographie actualisée des 392 villages Rohingya endommagés ou détruits en 2017 identifiés par l’ONU, l’ASPI corrobore les inquiétudes sur ce qui attendrait les Rohingya en cas de retour en Birmanie.

Le rapport interactif de l’ASPI souligne en particulier que :

  • Plus de 320 villages ne montrent aucun signe de reconstruction
  • Au moins 40 % des villages affectés par la destruction en 2017 ont été complétement rasés
  • Au moins 45 camps ont été construits ou élargis (certains camps sont considérés comme destinés aux Rohingya déplacés internes et/ou aux Rohingya actuellement au Bangladesh)
  • Six camps militaires ont été construits ou étendus sur le site de six anciens villages Rohingya
  • 58 autres villages ont été brûlés, partiellement ou entièrement détruits en 2018 et l’imagerie analysée révèle d’autres destructions de sites en 2019

L’ASPI met notamment cette politique de destruction en perspective avec la législation birmane. En application de la loi sur les terres dites « vacantes,  vierges ou en friche » amendée en 2018, ceux qui vivaient sur de telles terres avaient jusqu’au 11 mars 2019 pour demander l’obtention d’un permis d’occupation. Dans le cas des Rohingya, cette procédure inaccessible a pour conséquence de les exposer en cas de retour – hypothétique  – sur leurs terres à une expulsion, une amende, voire à une peine de prison. L’ASPI souligne par ailleurs que les terres brûlées passent sous gestion gouvernementale par application de la loi sur la « gestion des catastrophes naturelles » en tant que zones sinistrées. La politique de la terre brûlée a ses propres desseins.

Alors que toutes les données obtenues par l’ASPI indiquent que les Rohingya ne pourraient pas retourner sur leurs terres, le rapport questionne la nature du projet gouvernemental en cours. L’ASPI a passé au crible 46 camps dans l’état d’Arakan et le projet de l’ASEAN sur le rapatriement, dévoilé par la presse en juin dernier. Il en ressort que les conditions envisagées pour le retour des Rohingya s’apparentent à celles qui prévalent actuellement pour les déplacés internes maintenus dans des camps. Les quelques constructions réalisées récemment sont des camps bien plus que des habitations, dans un contexte ultra-militarisé et de déni de droits.

Ce rapport rappelle enfin que les quelques Rohingya ayant tenté de retourner en Birmanie de leur propre initiative, au début de l’année 2018, ont été interpellés par les autorités birmanes et, pour certains d’entre eux, condamnés à des peines de prison. Il a été rapporté qu’ils devaient être transférés au centre de transit de Hla Pho Khaung situé dans l’état d’Arakan, dont les modalités de fonctionnement et d’administration sont tout aussi inquiétantes.

Alors que les autorités birmanes annoncent l’envoi d’ici la fin de cette semaine d’une délégation au Bangladesh en vue « d’expliquer ce qui est mis en œuvre pour le retour et la relocalisation des Rohingya », que le projet de l’ASEAN a été mis sur la table et que le Bangladesh mène des discussions avec la Chine au sujet de leur rapatriement, les conclusions de l’ASPI doivent être relayées, entendues et prises en compte.

Tant que les Rohingya ne bénéficieront pas de garanties préalables en termes de citoyenneté, de liberté de mouvement, de droits, de sécurité et de justice, ils ne pourront pas rentrer. La politique des autorités birmanes s’inscrit malheureusement dans la continuité des crimes perpétrés à leur encontre. Cette continuité doit amener ceux qui sont en mesure de peser à toute mettre en œuvre pour s’assurer qu’un retour dans de telles conditions ne soit pas mis en œuvre.

 Contact : Sophie Brondel 07 62 80 61 33 sophie@info-birmanie.org