Les principes fondamentaux de responsabilité sociale et environnementale

Les principes fondamentaux de responsabilité sociale et environnementale

LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE RESPONSABILITÉ SOCIALE ET ENVIRONNEMENTALE DOIVENT S’APPLIQUER ET ETRE RESPECTES 

Il est primordial que toute nouvelle entreprise investissant en Birmanie soutienne et participe au développement économique et social de la nation sur le long terme.  C’est pourquoi les entreprises doivent s’appuyer sur les instruments existants tels que les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et les Lignes directrices de l’OCDE pour les entreprises multinationales.

Aung San Suu Kyi a clairement exprimé la position du camp démocrate au sujet des investissements étrangers en Birmanie, mettant l’accent sur la nécessité de transparence et de redevabilité de ces investissements : « Faire des affaires de façon saine repose sur le respect de l’Etat de droit. Ceux qui souhaitent investir en Birmanie devraient se pencher sur les lois concernant l’investissement, qui sont pour l’instant inexistantes.[1]» Elle souligne que ces investissements doivent avant tout bénéficier à la population birmane, notamment en favorisant la création d’emploi et le respect de l’environnement. «  Je voudrais demander à ceux qui investissent en Birmanie ou qui le feront à l’avenir de mettre au premier plan le respect de la loi, des facteurs sociaux et environnementaux, les droits des travailleurs, la création d’emploi et la promotion des compétences technologiques.[2]»

LES MÉCANISMES ET CODES DE CONDUITES INTERNATIONAUX 

  • Les Lignes directrices de l’OCDE pour les entreprises multinationales

Plus communément appelés, les principes directeurs de l’OCDE, il s’agit de recommandations que les gouvernements adressent aux entreprises multinationales exerçant leurs activités dans les pays adhérents ou à partir de ces derniers. Ils contiennent des principes et des normes non contraignants destinés à favoriser une conduite raisonnable des entreprises dans un environnement mondialisé, en conformité avec les législations applicables et les normes internationalement admises. »[3]

Mécanisme :

Bien que les principes directeurs de l’OCDE ne soient pas juridiquement contraignants la « procédure de circonstance spécifique » est un outil particulièrement intéressant entre les mains de la société civile. Cette procédure permet aux parties prenantes à un investissement de déposer un recours auprès d’un PCN (Point de Contact National) qui aura pour mission d’aider à la résolution du litige portant sur l’application des Principes directeurs en offrant ses bons offices. Un PCN peut être saisi par toute personne intéressée.
S’il n’existe pas de procédure de sanction, la perspective pour une entreprise de voir son image écornée a des facultés dissuasives. De plus, certains investisseurs comme la « Norwegian Government Pension Fund », l’un des deux fonds souverains norvégien, se réfèrent entre autres aux plaintes liées au non-respect des  principes directeurs de l’OCDE pour leurs investissements[4].
 
En Birmanie :

La procédure de circonstance spécifique a été à plusieurs reprises à l’encontre d’entreprises de  pays de   l’OCDE opérant en Birmanie, deux exemples peuvent être donnés à ce stade.

En 2008, le Point de Contact National coréen a rejeté la plainte déposée par l’ONG Earth Rights International à l’encontre des entreprises Daewoo International, et Korean Gas Corporation (KOGAS). La plainte concernait des allégations de violation des principes directeurs de l’OCDE dans le cadre de l’exploitation des gisements de gaz de Shwe, dans l’Etat Rakhine, à l’ouest du Pays. Selon les plaignants, « des violations des droits de l’homme tels que la réinstallation forcée et des violations du droit à la liberté d’expression sont liés au projet. Les entreprises auraient omis de divulguer des informations aux communautés locales sur le projet, ces dernières n’aillant d’ailleurs pas participé à toutes les évaluations d’impact du projet »[5].

  • L’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives (ITIE)

Présentation :

L’Initiative pour la Transparence des Industries Extractives se décrit elle-même comme étant « une coalition de gouvernements, de sociétés, de groupes venant de la société civile, d’investisseurs et d’organisations internationales ». Elle a pour but de soutenir « le renforcement de la bonne gouvernance dans des pays riches en ressources naturelles à travers la publication détaillée et la vérification des paiements faits par les sociétés et les revenus des gouvernements venant du pétrole, du gaz et des activités minières ».

Les critères de l’ITIE :

Tous les paiements matériels, versés par les entreprises aux gouvernements, au titre de l’exploitation pétrolière, gazière et minière (« les paiements ») et toutes les recettes matérielles, reçues par les gouvernements de la part des entreprises pétrolières, gazières et minières (« les recettes »), sont publiés et diffusés régulièrement au grand public sous une forme accessible, complète et compréhensible.

Lorsque de tels audits n’existent pas, les paiements et recettes font l’objet d’un audit indépendant crédible, conformément aux normes internationales en matière d’audit.

En Birmanie :

Leur soutien à l’ITIE est souvent cité par un certain nombre d’entreprises comme preuve de leur probité. Ainsi Total cite l’initiative dans son état des lieux sur ses opérations en Birmanie en 2009[6]. Il est cependant à rappeler que c’est à l’initiative seule du gouvernement que les mécanismes de l’ITIE peuvent être mis en œuvre. Bien que le gouvernement birman en parle depuis 2012, il n’a pas encore rejoint le groupe des pays candidats, le soutien du groupe Total à l’initiative n’a donc aucune influence sur la transparence de ses activités en Birmanie. Toutefois, la société civile a déclaré en septembre 2013 que le pays devrait postuler au titre de membre du groupe en décembre.

Total, ainsi que les autres acteurs de l’industrie extractive, désirant investir dans ce pays ont donc un rôle majeur à jouer afin d’inciter Naypyidaw à concrétiser ses engagements et à rejoindre les 23 pays candidats à l’initiative. Le guide des entreprises ITIE rappelle d’ailleurs cette importance du rôle incitateur des entreprises auprès des gouvernements, ainsi que la nécessité de soutenir cette initiative même dans le cas où l’entreprise en question publie déjà des informations sur ses paiements aux gouvernements[7].

carte-EITI-pays

  • Principes Directeurs des Nations Unies sur les entreprises et les droits de l’Homme

Principes fondateurs :

Les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme : mise en œuvre du cadre de référence « protéger, respecter et réparer » issu du rapport du Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des droits de l’Homme et des sociétés transnationales et autres entreprises, John Ruggie.

Le 17 juin 2011, le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies adoptait des « Principes directeurs sur les droits de l’Homme et les entreprises ». Cette adoption à l’unanimité est, à juste titre, considérée comme un évènement majeur pour la protection des droits de l’Homme et pour l’évolution du concept de RSE.

Il a fallu 18 ans pour arriver à ce résultat ; l’idée avait été lancée par la conférence mondiale des droits de l’Homme de Vienne, dès 1993, qu’il fallait entraîner ces acteurs majeurs de l’économie et du social que sont les entreprises à s’engager au service du respect des droits de l’Homme.

Plusieurs tentatives se sont succédées, confiées à des rapporteurs et comités ad hoc. En 1999, le Secrétaire Général des Nations Unies a lancé le Pacte Mondial, dont 4 des 10 Principes sont relatifs aux droits de l’Homme. Puis la Sous-commission des droits de l’Homme des Nations Unies a tenté d’élaborer un traité sur le sujet, que les États ont, à travers la Commission des droits de l’Homme, refusé d’examiner en 2004. Le Conseil des droits de l’Homme, nouvelle appellation de la Commission, mandate en juin 2005 un « Représentant spécial du secrétaire général des UN pour les droits de l’Homme, les entreprises transnationales et autres entreprises », le professeur John Ruggie, universitaire connu pour avoir participé à l’élaboration du Pacte Mondial.

Au terme d’un premier mandat de trois ans, il a fait adopter en juin 2008 par le Conseil un « cadre conceptuel et des principes d’action afin d’ancrer le débat sur les entreprises et les droits de l’homme ». Il s’articule autour de trois principes fondamentaux :

  1. l’obligation de protéger incombant à l’État lorsque des tiers, y compris des sociétés, portent atteinte aux droits de l’homme ;
  2. la responsabilité des entreprises de respecter les droits de l’homme ;
  3. la nécessité d’un accès plus effectif à des mesures de réparation pour les victimes.

Suite à de très nombreuses concertations avec des institutions internationales engagées dans la construction d’autres normes (ISO, OCDE, Banque Mondial, Union Européenne), un consensus associant organisations d’employeurs, d’employés et de défense des droits de l’Homme s’est construit, débouchant sur l’adoption unanime par le Conseil des droits de l’Homme, en juin 2011, des Principes directeurs sur les entreprises et les droits de l’Homme. Ils sont organisés en trois piliers déduits du cadre de 2008 : « protéger, respecter, remédier ».

Les principaux apports de ces Principes directeurs sont :

  1. L’affirmation du rôle central de l’Etat dans la protection et la promotion des droits de l’Homme vis-à-vis des entreprises ;
  2. La priorité donnée à l’approche par les risques ;
  3. la responsabilité étendue à la chaîne de valeur ;
  4. le droit international écrit et obligatoire des droits de l’Homme et du droit du travail pris comme référence.
  • La déclaration tripartite de l’OIT sur les entreprises multinationales et la politique sociale

Présentation :

Face à la montée en puissance des multinationales dans les années 60-70, l’organisation internationale du travail a initié des travaux dont l’objectif était « l’établissement de directives internationales dans son domaine de compétence »[8]. Cette initiative aboutit à l’adoption, en 1977, par le Conseil d’administration du Bureau international du Travail, de la Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale (la Déclaration sur les EMN), les principes énoncés par cet instrument de portée universelle sont destinés selon les dires mêmes de l’organisation « à guider les entreprises multinationales, les gouvernements, les employeurs et les travailleurs dans des domaines tels que l’emploi, la formation, les conditions de travail et de vie et les relations professionnelles »[9]

La déclaration a été révisée en 2000 pour inclure les principes fondamentaux et droits au travail, puis en 2006 pour une mise à jour des instruments de l’OIT auxquels elle fait référence.

Selon le professeur Isabelle Daugareilh, « cet instrument conçoit la RSE dans quatre domaines l’emploi, la formation, les conditions de travail et de vie et les relations professionnelles »[10].

Mécanisme :

La déclaration tripartite n’étant pas un instrument contraignant, il ne s’agit pas d’une réelle « procédure de résolution de litige pour non-respect d’une norme »[11]. Néanmoins, en ce qu’elle permet de faciliter le dialogue entre employeurs et syndicats tout en donnant à ces derniers une arme supplémentaire dans leurs revendications, elle mérite d’être analysée.

Critiques 

S’il a le mérite de ne pas être trop longue (délai de traitement d’un an), ce mécanisme soufre d’un manque de popularité auprès des Etats et des syndicats comme le démontre le nombre peu élevé de saisine du bureau malgré l’ancienneté de l’instrument. Le fait de limiter les possibilités de requête aux situations concrètes est aussi à déplorer.

Un accord[12] entre l’organisation et l’Etat birman a permis l’instauration d’un mécanisme de plainte au profit des personnes victimes de travail forcé. Cette procédure est ouverte aux victimes, mais aussi aux membres de leurs familles ainsi qu’à toute personne ayant un intérêt à agir. Le gouvernement s’en en outre engagé à ce que les plaignants soient à l’abri de toutes représailles.

  • Le Pacte mondial des Nations Unies

Présentation :

Créé à l’initiative des Nations Unies en 2000, le Pacte Mondial est, selon les dires mêmes de l’institution « un pacte par lequel des entreprises s’engagent à aligner leurs opérations et leurs stratégies sur dix principes universellement acceptés touchant les droits de l’homme, les normes du travail, l’environnement et la lutte contre la corruption »[13]. L’objectif est double, inciter les entreprises dans le monde entier à conduire leurs activités en respectant Les Dix Principes énoncés et  mobiliser l’action à l’appui des grands objectifs des Nations Unies, y compris les objectifs du Millénaire pour le développement. Le Pacte Mondial a notamment pour avantage d’accueillir des participants autres que les entreprises, permettant ainsi à des acteurs de la société civile de « donner des conseils d’expert, demander des comptes aux entreprises quant à leurs engagements et à leurs manquements, encourager les initiatives responsables, apporter des connaissances qui peuvent faciliter l’application du Pacte »[14].
Dix principes relatifs aux droits de l’homme, au droit du travail, à l’environnement, à la lutte contre la corruption.

En Birmanie 

Parmi les entreprises parties au Pacte Mondial se trouve la CNPC (China National Petroleum Corporation) / PetroChina, déjà considérée comme étant l’un des principaux clients du régime soudanais (cf. supra). En partenariat avec le coréen Daewoo International, elle est  à l’origine d’un projet d’exploitation du champ gazier offshore de Shwe[15], qui risque de s’accompagner d’un impressionnant cortège de violations de droits de l’homme comme cela a déjà été le cas pour les projets de Yadana et Yetagun[16]. Considérant le fait que l’entreprise n’a pas été rayée de la liste du Pacte Mondial pour son soutien au régime d’Omar El Béchir, il parait peu probable qu’elle le soit pour son soutien à l’ancienne junte, violation avérée des droits de l’homme ou pas.


[1] Cité dans l’article de CNBC “Myanmar like a rich child living off trust fund” (29 février 12)
[2] Cité dans l’article de The Irrawaddy “Suu Kyi Asks Investors at Davos to Help Burma” (29 janvier 11)
[3] OCDE, Les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, Editions OCDE, 2011. http://www.oecd.org/dataoecd/43/30/48004355.pdf
[4] OECD Watch, EUROSIF, The OECD Guidelines and Socially Responsible Investment, 2007, p 4-5. http://oecdwatch.org/publications-fr/Publication_2241-fr
[5] OECD Watch, «Korean NCP Rejects OECD guidelines complaint against Daewoo International and KOGAS», 27/11/2008.
http://oecdwatch.org/news-en/korean-government-rejects-oecd-complaint-against-daewoo-international-and-kogas.

[6] Total, « Total au Myanmar : état des lieux », septembre 2009, p. 11. http://birmanie.total.com/fr/publications/Total_au_Myanmar_etat_des_lieux.pdf
[7] PRESCOTT (D.), « Guide des entreprises ITIE : comment les entreprises peuvent soutenir la mise en œuvre », ITIE, p. 13.
http://eiti.org/files/French.pdf
[8] Organisation Internationale du Travail, Déclaration de principes tripartite sur les entreprises multinationales et la politique sociale, Genève, 2006.
http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/—ed_emp/—emp_ent/documents/publication/wcms_124923.pdf
[9] Id.
[10] DAUGAREILH (I.), Responsabilités de l’entreprise transnationale et globalisation de l’économie, éd. Bruylant-LGDJ, 2010.
[11] DAUGAREILH (I.), Responsabilités de l’entreprise transnationale et globalisation de l’économie, éd. Bruylant-LGDJ, 2010.
[12] ILO, Forced Labour Mechanism. http://www.ilo.org/yangon/complaints/lang–en/index.htm.
[13] Site de l’United Nations Global Compact. http://www.unglobalcompact.org/languages/french/index.html.
[14] Idem.
[15]Global Compact Critics, “CNPC/PetroChina’s contyroversial dealing with Burma”, Friday, March 27, 2009. http://globalcompactcritics.blogspot.fr/2009/03/cnpc-petrochinas-controversial-dealings.html

[16] Shwe Gas Movement, Supply and command: natural gas in western Burma set to entrench military rule, 2006, p.24-41.
http://www.shwe.org/wp-content/uploads/2011/03/SUPPLYANDCOMMAND.pdf