Myitsone : un pion sur l’échiquier chinois ?

Myitsone : un pion sur l’échiquier chinois ?

Mais pourquoi donc la Chine a-t-elle récemment remis sur la table le projet de barrage de Myitsone, dans l’état Kachin ? Suspendu depuis 2011 à la suite d’une contestation populaire d’envergure, ce projet controversé, porté par la Chine, fait de nouveau parler de lui : la contestation gronde de nouveau face à la perspective de son éventuelle reprise. Alors que la décision des autorités birmanes se fait attendre, nous revenons sur ce dossier, à l’image de l’importance des intérêts et des investissements chinois en Birmanie.

Le projet de barrage hydro-électrique de Myitsone dans l’état Kachin

Comme le fait valoir Bertill Linter, un journaliste suédois qui couvre la Birmanie depuis des décennies, la Chine n’est pas sans savoir qu’un sentiment « anti-chinois » est observable dans le pays et que la mise en œuvre de ce projet très largement contesté ne ferait que l’accentuer. Alors quels sont les enjeux ? La question se pose d’autant plus que le projet de Myitsone n’est pas d’une importance stratégique majeure pour la Chine, comparé au projet de zone économique spéciale (ZES) et de port en eau profonde à Kyaukphyu dans l’état d’Arakan, et de la construction d’une voie rapide jusqu’au Yunnan, permettant de relier cette province chinoise à l’Océan Indien.

Myitsone : de quoi s’agit-il ?

En 2006, la junte militaire, sous le régime du général U Than Shwe, signe un protocole d’accord avec la Chine relatif au développement hydro-électrique de la Birmanie. Cet accord comprend le projet de Myitsone, avec la construction d’un barrage hydro-électrique porté par la Chine, situé à environ 42 kilomètres en amont de Myitkyina dans l’état Kachin.

Selon cet accord, qui n’a cependant jamais été rendu public, la plupart de l’énergie générée par ce barrage (90 %) est censée être exportée vers la Chine. Sous la junte birmane, aucune critique publique du projet n’est possible. En 2009, l’entreprise chinoise « China Power Investment Corporation » débute les travaux, avec la participation du conglomérat birman « Asia World ». Ce barrage de 6000 MW mobilise 3,6 milliards de dollars (USD) d’investissements chinois.

En septembre 2011, alors même que les travaux sont en cours, le projet de barrage de Myitsone est suspendu. L’administration du président U Thein Sein prend cette décision au motif qu’il est  « contraire à la volonté du peuple ». Dans le cadre du processus d’ouverture du pays, le projet de Myitsone fait en effet l’objet d’une certaine attention au niveau international et de fortes contestations sur la scène nationale.

Au niveau international, la Birmanie est encore un pays sous sanctions. La décision de suspension est un gage d’ouverture vis-à-vis des Occidentaux, avec la mise à distance « affichée » du puissant voisin chinois.

Sur la scène nationale, la mobilisation initiale de contestation porte sur les impacts environnementaux du projet. Des villageois et des défenseurs de l’environnement se mobilisent pour dénoncer un impact environnemental et social dévastateur : inondation potentielle d’une surface « équivalente à la superficie de Singapour », déplacement de milliers d’habitants de la région, perturbation de la sédimentation du fleuve, dégradation de l’agriculture…

La dimension symbolique de Myitsone est également en cause, en tant qu’emblème Kachin et lieu de confluence des deux rivières formant la source du fleuve Irrawaddy, qui traverse le pays du nord au sud et que les birmans appellent « fleuve mère ». La contestation devient alors emblématique de la lutte des minorités ethniques pour le respect de leur environnement et de leurs droits, et de leur demande de plus d’autonomie.

La position d’Aung San Suu Kyi : avant et après son arrivée au pouvoir

Lorsqu’elle était dans l’opposition, Aung San Suu Kyi a rejoint la contestation du projet de Myitsone. Lors de son arrivée au pouvoir en 2016, la Ligue nationale pour la démocratie (LND) a constitué une commission de vingt membres, parmi lesquels le Ministre en chef de l’état Kachin. Chargée d’évaluer les projets hydroélectriques sur le fleuve Irrawaddy, cette commission a transmis un rapport au bureau de la Présidence il y a plus d’un an. Mais son contenu n’a, jusqu’à présent, pas été rendu public.

Il en va de même du protocole d’accord conclu avec la Chine en 2006. Aung San Suu Kyi appelait à ce qu’il soit publié avant d’arriver au pouvoir. Mais depuis sa prise de fonction, le contenu du document n’a jamais été dévoilé.

En 2016, lors d’une visite en Chine, Aung San Suu Kyi déclarait être favorable à une solution satisfaisante pour les intérêts à la fois de la Chine et de la Birmanie. Un jeu d’équilibriste précaire, qui explique la position délicate dans laquelle se trouvent les autorités birmanes face à la reprise de la contestation populaire ces derniers mois.

Si la Chine ambitionne vraiment de reprendre le projet de barrage de Myitsone, alors les autorités birmanes se trouvent désormais « entre le marteau et l’enclume ». Car, tout le monde s’accorde pour dire que cette reprise serait pour le gouvernement en place de l’ordre du « suicide politique ».

Pressions chinoises pour la reprise du projet Myitsone

En décembre 2018, les autorités chinoises ont remis le projet sur la table. Dans le contexte d’un cessez-le-feu unilatéral décrété par l’armée birmane dans le nord du pays, la Chine rencontre des responsables Kachin et fait pression sur eux en vue de la reprise du projet.

Au début de l’année 2019, l’ambassade chinoise en Birmanie déclare que la population de l’état Kachin n’est pas opposée à la reprise du projet. Ces propos suscitent de vives réactions dans l’état Kachin : ils sont perçus comme une pression inacceptable exercée par la Chine.

Le 13 janvier 2019, l’ambassadeur chinois en Birmanie affirme que le report du projet de Myitsone pourrait nuire à la confiance des investisseurs en Birmanie et ajoute que le projet est crucial pour générer l’énergie requise par le projet de corridor économique entre la Chine et la Birmanie (China Myanmar Economic Corridor), au sujet duquel les deux pays ont conclu un accord en septembre 2018.

La mobilisation contre le projet renaît et se développe

En réaction aux annonces de la Chine, la contestation contre le projet de barrage de Myitsone reprend et s’amplifie : des leaders spirituels, des partis politiques et des Kachin manifestent publiquement leur opposition au projet et appellent à sa cessation.

En janvier 2019, les villageois déplacés lors des débuts de la construction du barrage demandent au gouvernement d’annuler le projet. Les autorités chercheraient à les faire taire en les privant des aides humanitaires qu’ils perçoivent en tant que déplacés.

Les opposants au projet de Myitsone dénoncent de nouveau son impact humain et environnemental dévastateur à l’échelle du pays s’il venait à être repris : inondation d’une vaste superficie, déplacement subséquent de 10 000 civils, destruction de l’écosystème de la rivière Irrawaddy…

Le Cardinal Maung Bo va jusqu’à déclarer que le barrage de Myitsone signerait l’arrêt de mort du peuple birman. Il craint un désastre environnemental et un facteur de guerre chronique dans l’état Kachin et considère qu’avec ce projet, la Birmanie va perdre l’Irrawaddy au nom de la cupidité d’une superpuissance qui joue un rôle accru dans le pays depuis la crise Rohingya…

Il demande à Aung San Suu Kyi d’écouter le peuple et de respecter la promesse faite avant d’arriver au pouvoir. Plusieurs mises en garde sont exprimées par ceux qui s’opposent au projet : les gouvernements « qui arrivent au pouvoir mais ne travaillent pas pour le peuple ne survivent pas. »

Le 7 février 2019, près de 10 000 manifestants se rassemblent en signe de protestation à Myitkyina, capitale de l’état Kachin.

Manifestation à Mytikyina contre le barrage de Myitsone le 7 février 2019

Lors d’une autre manifestation qui a lieu le 1e avril 2019 à Rangoun, Aung Soe Myint, l’un des meneurs de la campagne de contestation, déclare que le projet contesté est « l’un des enjeux les plus pressants du pays » et souligne que la population n’accepte pas sa mise en œuvre. Tun Lwin, ancien météorologue et fondateur de Myanmar Climate Change Watch,  met également en garde sur le fait que le barrage compromettrait l’approvisionnement en eau de la Birmanie, déjà confrontée à des pénuries d’eau en conséquence du réchauffement climatique.

Lors de cette manifestation d’avril, près de 200 personnes en provenance de tout le pays se sont réunies pour mettre en place un comité national chargé d’élaborer une stratégie de campagne contre le projet de barrage de Myitsone. Des environnementalistes, des scientifiques, des écrivains, des moines et des représentants de la société civile demandent à l’unisson aux autorités birmanes l’abandon définitif de ce projet, en solidarité avec la population de l’état Kachin. Ils ont également lancé une campagne de récolte de fonds auprès de la population dénommée « Un Dollar », en vue d’offrir une compensation à la Chine en dédommagement de l’abandon du projet. Le 20 avril à Rangoun, près de 700 personnes ont participé à un panel de discussion intitulé « la volonté nous rendra l’Irrawaddy », mené par des fondations et des organisations de la société civile : la campagne « Un Dollar » est diffusée à cette occasion et une lettre ouverte mentionnant l’idée d’une compensation est adressée au président chinois.

Le 22 avril, des milliers de personnes ont de nouveau manifesté à Waimaw dans l’état Kachin pour protester contre le projet de barrage de Myitsone.

La position actuelle des autorités birmanes

Mais les autorités birmanes tardent à faire connaître leur décision. La presse locale rapporte que les trois ministres de l’état Kachin qui ont été contraints à la démission en janvier 2019 l’auraient été à la demande d’Aung San Suu Kyi. Cette décision fait craindre une volonté de reprise du projet de barrage sous la pression de la Chine, car parmi les ministres « démissionnaires » se trouve le Ministre des ressources naturelles et de l’environnement de l’état Kachin, un farouche opposant au projet de Myitsone.

Quelle est la légitimité d’un contrat signé par la junte militaire ? Cette question ne sera pas posée. Depuis le début de l’année 2019, des négociations seraient en cours pour changer la taille, l’échelle ou même la localisation du projet de Myitsone et proposer un projet alternatif à l’opérateur chinois.

Des déclarations d’Aung San Suu Kyi font cependant craindre à ceux qui dénoncent les effets dévastateurs du projet qu’il soit finalement mis en œuvre.

Le 14 mars dernier, Aung San Suu Kyi  a en effet appelé à davantage « d’ouverture d’esprit » au sujet du projet de Myitsone. Elle fait valoir que son gouvernement ne peut pas simplement « faire ce qu’il veut » avec des contrats signés par le gouvernement de U Than Shwe. Et met en garde contre un isolement de la Birmanie, si chaque gouvernement qui arrive au pouvoir échoue à respecter les accords conclus par le précédent.

Elle précise néanmoins que toute décision des autorités concernant les grands projets du pays sera prise en considérant leur impact économique, social, politique et environnemental. « Nous ne sommes pas en politique pour être aimé, mais dans l’intérêt du pays. » a-t-elle alors déclaré. Le 20 mars, Aung San Suu Kyi ajoutait que ce projet de 6000 MW devait être considéré sous « une perspective plus large ». Ces propos ont suscité énormément de réactions à travers le pays et contribué au développement de la mobilisation de contestation.

Les réactions au sein de la classe politique, et au-delà

Si les déclarations d’Aung San Suu Kyi restent ambivalentes, d’autres acteurs de la vie politique du pays ont des propos nettement plus tranchés.

En février 2019, lors d’une rencontre avec des responsables religieux dans l’état Kachin, le commandant en chef des forces armées Min Aung Hlaing a déclaré que la décision finale sur le projet de Myitsone dépendait des souhaits de la population et du parlement.

Le vice-président de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), ministre en chef de la région de Mandalay, Zaw Myint Maung, a publiquement affirmé que son parti se tenait aux côté du peuple. En janvier 2019, un parlementaire de la chambre haute, Khun Win Thaung, de l’état Kachin, déclarait à l’Irrawaddy : « L’état Kachin a une longue expérience avec la Chine et ne peut pas éviter de s’engager avec ce pays, on doit dépendre ou compter sur la Chine d’une façon ou d’une autre… Les autorités doivent faire preuve d’intelligence quand elles prennent une décision : si le gouvernement ne peut se décider, il devrait essayer de rendre ce projet acceptable pour la population. » 

Le Ministre de l’investissement et des échanges économiques extérieurs a pour sa part affirmé que l’électricité produite serait rendue à la Birmanie, car « la Chine produit plus d’électricité que de besoin pour couvrir sa consommation domestique ». Une affirmation potentiellement contredite par les déclarations chinoises déjà mentionnées, selon lesquelles la Chine a besoin de cette électricité dans le cadre du China Myanmar Economic Corridor. Le Ministre met aussi en avant l’importance des investissements déjà entrepris dans le projet et l’existence d’autres sites susceptibles d’accueillir des projets hydroélectriques. Les autorités seraient en train de rechercher d’autres sites pour produire l’électricité dont le pays a besoin, sans affecter les populations et l’environnement.

Les déclarations d’Aung San Suu Kyi suscitent de l’incompréhension. U So Thein, un ancien ministre de l’ancien président et actuel membre du parlement, interroge la situation d’incertitude actuelle : « Les responsables politiques actuels se sont aussi opposés au projet de Myitsone lorsque nous étions au gouvernement. Je ne comprends pas pourquoi il y a maintenant des discussions au sujet de sa reprise ». Il préconise de renoncer au projet une bonne fois pour toutes, quitte à indemniser la Chine de ses conséquences.

Myitsone et l’influence croissante de la Chine en Birmanie  

L’analyse publiée dans le Global Times, un média détenu par la Chine, illustre assez bien la « propagande » chinoise : elle fait valoir que l’opposition au projet de Myitsone serait motivée par des considérations politiques et que certaines organisations seraient encouragées par des « forces occidentales » tentant de nuire aux relations entre la Chine et la Birmanie… « L’expert » chinois cité par ce média met également en avant des bénéfices pratiques du projet pour la Birmanie (électricité et emploi). Pour un autre « expert » chinois, c’est la crédibilité des autorités birmanes qui est en jeu, ainsi que leur capacité à assurer un environnement sain aux investisseurs étrangers. Ce dernier argumentaire ressemble à celui récemment développé par… Aung San Suu Kyi.

Les pressions de la Chine pour la reprise du projet de barrage de Myitsone sont emblématiques : la Chine est de nouveau « au cœur » de la vie économique et politique birmane.

Le pic des investissements chinois en Birmanie remonte à l’année fiscale 2010-2011 après l’arrivée au pouvoir du président U Thein Sein. L’année suivante, les investissements chinois ont entamé leur déclin, après que le projet de barrage de Myitsone ait été suspendu.

Entre 2014 et 2016, il y a ensuite eu une augmentation régulière des investissements chinois. En dépit d’une méfiance du public vis-à-vis de ces investissements, la crise Rohingya et les condamnations occidentales ont ramené la Birmanie dans l’orbite de la Chine. Ce pays est de nouveau le partenaire économique et stratégique majeur de la Birmanie.

Bien que Singapour soit devenue le premier investisseur dans le pays depuis janvier 2019, devant la Chine, celle-ci occupait encore le premier rang en 2018. La Chine reste également le premier partenaire commercial de la Birmanie et son « protecteur diplomatique », grâce à son droit de veto au sein du Conseil de sécurité de l’ONU. Elle joue également un rôle dans les négociations de paix, tout en soutenant la quasi-totalité des organisations ethniques armées dans le nord du pays. Comme le souligne un observateur, la Chine ne veut pas la guerre, mais un conflit non-résolu ; elle ne veut pas la paix, mais une stabilité favorable à ses intérêts. Et ceux-ci sont nombreux.

Belt and Road Initiative (BRI) et China Myanmar Economic Corridor (CMEC)

La Chine a clairement rattaché Myitsone au China Myanmar Economic Corridor, et par extension à la Belt and Road Initiative. De quoi s’agit-il ?

La Birmanie est située à un carrefour stratégique dans le cadre de la Belt and Road Initiative (BRI). Entre l’Asie du sud et du sud-est, entre l’Océan indien et la province enclavée du Yunnan. Le projet de la BRI est une « route de la soie des temps modernes » par laquelle serait créée un réseau de routes commerciales, terrestres, fluviales et maritimes reliant la Chine l’Europe en passant par l’Asie centrale, la Russie et le Moyen-Orient. Révélé en 2013, le BRI comprendra à terme soixante-dix pays et les deux tiers de la population mondiale.

En septembre 2018, la Birmanie a signé un protocole d’accord avec la Chine pour la mise en œuvre du China Myanmar Economic Corridor (CMEC), devenant ainsi partenaire dans le cadre de la BRI, qui se présente à l’heure actuelle comme « la source la plus significative d’investissement et d’appui à la croissance économique en Birmanie ».

En dépit de critiques croissantes relatives au rôle de la Chine et au risque du « piège de la dette », le gouvernement birman s’affiche de plus en plus favorable à la BRI. Le corridor économique entre la Chine et la Birmanie (CMEC) va s’étendre sur 1700 km. Partir du Yunnan, traverser les principales villes économiques de la Birmanie (Mandalay, Rangoun…) et aller jusqu’à la côte au niveau de la zone économique spéciale (ZES) de Kyaukphyu dans l’état d’Arakan, avec un projet de port en eau profonde donnant un accès direct à l’Océan indien. L’enjeu pour La Chine ? Importer le pétrole sans passer par le  détroit de Malacca et développer la province enclavée du Yunnan… Dans le cadre de la CMEC, la Chine a trente projets en vue. A ce jour, la Birmanie a conclu des accords relatifs à neuf d’entre eux.

Des critiques se lèvent pour dire que la BRI risque d’entraîner un endettement insoutenable pour le pays et de générer davantage de conflits dans les zones concernées. Pourtant, la Birmanie a signé un protocole d’accord pour étudier la proposition d’une autoroute entre Muse et Mandalay. Et à Rangoun, le projet controversé de « nouvelle ville » fait partie du CMEC. Les deux pays sont aussi tombés d’accord sur la mise en oeuvre de trois zones de coopération économique dans les états Shan et Kachin.

Des sources proches des investisseurs chinois affirment que Pékin a investi au moins 6 milliards de dollars dans l’état Kachin (dont les 3,6 milliards dans le projet de barrage de Myitsone).  Le Journal Irrawaddy a d’ailleurs publié une infographie : « 30 years of chinese investment in Myanmar » permettant de visualiser l’ampleur des projets d’investissement chinois à travers le pays : la Chine compte en particulier de très nombreux projets dans le secteur de l’énergie, qui représente 67 % du total de ses investissements.

Dans le cadre de la protestation contre la reprise du projet de barrage de Myitsone, des voix birmanes se lèvent pour mettre en question la souveraineté du pays et s’interrogent sur la marge de négociation des autorités birmanes face au géant chinois.

Intérêts chinois v. intérêts birmans ?

La volonté de reprise de Myitsone est-elle réelle ou affichée ? Aung San Suu Kyi s’est rendue en Chine en avril dans le cadre d’un 2e Forum consacré à la Belt and Road Initiative (BRI). Au cours de sa rencontre avec le Président chinois Xi Jinping, le projet controversé de Myitsone n’a pas été évoqué, selon la Présidence birmane. A l’issue du Forum, la Birmanie et la Chine ont signé deux nouveaux protocoles d’accord et un accord dans le cadre de la mise en œuvre du CMEC.

La visite d’Aung San Suu Kyi avait été précédée de celle du commandant en chef de l’armée birmane Min Aung Hlaing, qui a rencontré le président chinois le 10 avril et indiqué que le BRI comprenait de nombreux projets susceptibles de bénéficier à la Birmanie, ajoutant que les militaires étaient prêts à coopérer pour leur mise en œuvre.

Le gouvernement chinois va-t-il renoncer au projet de barrage de Myitsone en échange de certains avantages économiques et stratégiques en lieu et place d’une importante compensation financière comme cela a déjà été évoqué ? Pour en revenir à l’hypothèse formulée au début de cet article, il se pourrait que Myitsone ne soit qu’une diversion, un stratagème dans les négociations en cours dans le cadre du CMEC et de la BRI, comprenant des projets bien plus stratégiques pour la Chine. 

En conclusion

Au-delà du projet de barrage de Myitsone, le débat actuel indique que les projets d’infrastructure et de développement doivent être gérés avec plus de transparence, associer les populations et répondre au « bien commun ». En l’absence de paix et de système démocratique fédéral en Birmanie, les grands projets sont plus à même d’être source de déstabilisation supplémentaire et d’exposer les populations à des conséquences néfastes. Sous cet angle, Myitsone n’est que « l’arbre qui cache la forêt ».

23 mai 2019