Vers une législation européenne ?

Vers une législation européenne ?

Il est primordial que toute nouvelle entreprise investissant en Birmanie soutienne et participe au développement économique et social de la nation sur le long terme.

 L’Union européenne (UE) devrait exiger des sociétés qui font des affaires en Birmanie de faire respecter les normes relatives aux droits de l’homme. Des mesures contraignantes fortes de  responsabilisation et de transparence financières en Birmanie devraient être mises en place, avec la société civile, s’appuyant sur les instruments existants tels que les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et les Lignes directrices de l’OCDE pour les entreprises multinationales.

Les codes de conduite non contraignants se sont révélés être des outils inefficaces et seraient dangereusement inappropriés en Birmanie. Compte tenu du niveau de corruption généralisé et d’un piètre bilan en matière de droits de l’homme, il est essentiel de veiller à ce que les nouveaux échanges et  investissements ne contribuent pas aux problèmes du pays, comme le travail forcé. Cela pourra être fait notamment par : la mise en place d’exigences contraignantes pour évaluer et corriger toute incidence négative des investissements sur les droits de l’homme ; la publication des revenus et des activités des entreprises; la création d’instruments de plaintes efficaces et de règlement des différends.[1]

LES DIRECTIVES COMPTABLES ET TRANSPARENCE DE L’UNION EUROPÉENNE

Le 12 juin 2013, Les députés européens ont voté l’introduction de règles obligeant les sociétés cotées en bourse dans l’UE ainsi que les grandes entreprises non cotées opérant dans les secteurs du pétrole, du gaz et de l’extraction minière et forestière, à publier l’ensemble des paiements supérieurs à 100 000 euros qu’elles versent aux gouvernements des pays où elles opèrent, pour chaque pays et chaque projet. Ce vote fait suite à l’accord informel conclu entre le Parlement européen, les États membres et la Commission au terme de nombreux mois de négociations. Il aligne l’UE sur des règles de transparence similaires qui ont pris effet cette année aux États-Unis dans le cadre de la loi Dodd-Frank.

Grâce à cet accord , les citoyens du monde entier seront mieux à même de demander des comptes à leurs gouvernements pour l’exploitation des ressources naturelles de leur pays.

Point primordial, la réglementation de l’UE ne contiendra pas d’exemptions. Plusieurs sociétés pétrolières avaient déclaré que le droit pénal de certains pays interdisait la divulgation des paiements aux gouvernements. Mais les exemples cités par le secteur n’ont pas convaincu les législateurs de l’UE.

NÉCESSITÉ D’UNE LÉGISLATION ADAPTÉE A LA BIRMANIE

La Confédération Syndicale Internationale demande une  législation spécialement appliquée à la Birmanie assurant une responsabilisation des entreprises, contribuant à la fois au développement durable tout en favorisant le travail dans des conditions décentes – particulièrement dans un pays où les violations des droits de l’homme et du travail restent monnaie courante et où l’Etat de droit est quasi inexistant – afin que les investisseurs soient tenus responsables de leurs agissements.

L’exemple des Etats-Unies :

Les Etats-Unies ont mis en place des obligations de reporting pour les entreprises américaines investissant en Birmanie.  Le « Burma Responsible Investment Reporting Requirement » approuvé fin mai 2013 (à consulter ici, en anglais) par le Département d’Etat demande ainsi aux nouveaux investisseurs dans le pays (à partir de 500 000 US$) de leur fournir des informations sur les opérations réalisées et leurs politiques d’investissement en matière de droits de l’homme, conditions de travail, lutte contre la corruption, relation avec les militaires ou paramilitaires, etc.

Ces exigences de transparence s’appliquent à toute entreprise qui investit plus de  500,000 US$ en Birmanie, et à toutes les entreprises américaines qui font un partenariat avec la Myanma Oil and Gas Enterprise (MOGE), compagnie pétrolière qui constitue la principale source de revenus du précédent gouvernement militaire. Ces dernières doivent en informer le gouvernement des États-Unis dans les 60 jours après signature du contrat avec la MOGE.

La directive oblige les entreprises américaines à s’assurer du respect du droit des travailleurs et de la protection de l’environnement, mais aussi à déclarer tout paiement excédant 10 000 US$ effectués à des organismes gouvernementaux ou des fonctionnaires, à informer de tout contact avec l’armée  et à dévoiler les détails concernant tout achat de terrains ou de biens immobiliers.

Les entreprises sont tenues de soumettre leur rapport dans les 180 jours suivant la signature du contrat, puis tous les ans, au mois de juillet. Les rapports seront rendus publics sur le site Web de l’ambassade américaine qui vient de rouvrir à Rangoun.

Les entreprises américaines sont déjà soumises à des lois régissant les investissements étrangers, notamment la loi Dodd-Frank, adopté par le Congrès en 2010, qui exige une transparence financière des industries pétrolières, gazières et minières. Ces exigences de transparence financière concernant les investissements en Birmanie sont les premières à s’appliquer à tous les domaines économiques.

Recommandations de la Confédération Syndicale Internationale :

  • Les entreprises doivent respecter les droits de l’homme, ce qui signifie ne pas porter atteinte aux droits fondamentaux des populations et traiter les violations engendrées par certaines pratiques. Toute entreprise qui fait des affaires en Birmanie (via le commerce ou l’investissement) seraient tenus de respecter les normes internationales en matière de droits de l’homme, notamment celles identifiées par l’Organisation internationale du travail (OIT) relatives aux au travail, à la protection de l’environnement et à la corruption. Le champ d’application de cette exigence devrait s’appuyer sur les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et les Lignes directrices de l’OCDE pour les entreprises multinationales (ainsi que des directives de l’OCDE relatives aux investissements dans les zones à déficit de gouvernance et des zones propices aux conflits, la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers et la Convention des Nations Unies contre la corruption) Les entreprises ont également une responsabilité supplémentaire pour éviter ou atténuer les effets négatifs de leurs impacts sur les droits de l’homme liés à leurs activités, ou aux produits et services offerts par leurs partenaires commerciaux. Cette obligation s’étend à toutes les relations commerciales liées à des activités commerciales, de produits ou services.Les entreprises seraient tenues de mettre en œuvre des procédures équitables  approfondies et crédibles de garantie des droits de l’homme, afin d’évaluer tous les impacts réels ou potentiels indésirables liés au commerce ou aux investissements, y compris ceux des partenaires commerciaux, et de publier cette évaluation sur un site internet centralisé (maintenu par un organisme expert faisant autorité) avant de finaliser l’investissement.  Les Principes directeurs de l’ONU applicables aux études de l’impact des accords de commerce et d’investissement sur les droits de l’homme est également instructif pour guider les composantes d’une évaluation compétente. Il est primordiale qu’une telle réglementation procédurale s’appuie à la fois sur des experts indépendants (comme l’OIT) et les groupes concernés, notamment les syndicats.
  • Les entreprises seraient également tenues de divulguer leurs partenariats commerciaux directs ou indirects, y compris leurs chaînes d’approvisionnement en Birmanie.
  • Lorsque des impacts négatifs réels ou potentiels sont identifiés, un plan d’action pour remédier ou prévenir ces effets dans un délai raisonnable doit être publié et accompagné par une étude d’impact. Ce plan d’action devrait être élaboré en consultation avec les groupes concernés, y compris les syndicats, et être mis à leur disposition dans les langues concernées. En outre, l’entreprise doit établir et maintenir un processus permettant d’identifier ses impacts environnementaux et sur les droits de l’homme. Les entreprises ont une obligation continue de fournir des garanties procédurales, notamment par la publication de rapports ou de  bilans d’activités annuels. Le public doit également être en mesures d’accéder et de commenter ces rapports.
  • Certains secteurs économiques portent un risque plus élevé de violation des droits de l’homme et de l’environnement – notamment les industries extractives, du bois et les grands projets d’infrastructure. Toute entreprise ayant des activités dans ces secteurs, ainsi que les autres secteurs qui peuvent être identifiés comme étant à risque élevé après une évaluation initiale secteur par secteur, devrait faire l’objet d’un examen et se soumettre à une procédure d’autorisation  de ses plans d’action par un groupe d’experts indépendants avant le début du partenariat économique.
  • Les entreprises devraient consentir à un processus d’examen en cas de  violation de ces  exigences et ce, indépendamment d’une une action en justice qui pourrait être engagée devant un tribunal compétent. Les personnes concernées ou leurs représentants pourraient porter plainte auprès d’un organe d’experts faisant autorité. La plainte devrait être examinée conjointement avec toutes les preuves et, un rapport final comprenant des recommandations spécifiques, le cas échéant, sera publié. Des efforts devraient d’abord favoriser l’implication volontaire de l’entreprise afin de mettre en place un plan d’assainissement compatible avec les recommandations. Si aucun plan n’est préparé ou s’il n’est pas appliquée dans son intégralité, alors l’entreprise serait tenu d’accepter un examen par un arbitrage ad hoc, à la demande du plaignant afin de rendre la, décision exécutoire. Les prestataires pourraient aussi demander réparation devant les tribunaux. Nous recommandons que toute législation accorde explicitement  aux tribunaux du pays d’origine de l’entreprise la compétence pour entendre les réclamations civiles et pénales commises en Birmanie.
  • Les entreprises ne seraient pas autorisées à inclure des  termes dans leurs accords  avec le gouvernement birman qui menacent de limiter la capacité du gouvernement birman à réglementer ou à faire respecter les lois relatives à ces droits dans le cadre de cette proposition
  • Enfin, le cadre très fragile des relations industrielles en Birmanie crée un risque accru pour les entreprises d’être directement associées ou de contribuer aux abus. Pour renforcer ce cadre, les entreprises seraient tenues de prendre des mesures proactives pour améliorer la liberté d’association, notamment en s’engageant auprès des syndicats à adopter et promouvoir la transparence, une attitude ouverte envers leurs activités (ou exiger que leurs partenaires commerciaux prennent des engagements de ce type). Cela comprend, entre autres, le droit d’accès aux travailleurs et à leur lieu travail, en s’abstenant de tout acte qui aurait pour effet de décourager les travailleurs à l’exercice de leurs droits de l’homme à former ou à s’affilier à un syndicat et de négocier collectivement, ou d’empêcher toute véritable opportunité de négocier collectivement et de faire en sorte que des installations soient disponibles pour les activités syndicales.

Lire le rapport : Investissements et droits de l’homme en Birmanie- Propositions de la CSI


[1] The government of Burma also has an international duty to protect people from human rights violations by third parties, including businesses. Governments should strongly encourage the government of Burma to ensure that its laws give full effect to this duty.  Additionally, governments should encourage the government to ensure that revenues from trade and investment are directed to support long-term economic and social development, including education, health and social services.