Le gouvernement birman a récemment formé une commission consultative destinée à trouver une solution durable pour la minorité rohingya et à garantir la sécurité des résidents de l’État d’Arakan. La conseillère d’État Aung San Suu Kyi, connu pour son silence sur la question, a choisi de nommer l’ancien secrétaire des Nations Unies, Kofi Annan, pour présider cette commission. Composée de six membres birmans et de trois membres de la communauté internationale, elle devra analyser la situation des violations de droits humains dans l’État d’Arakan pour établir les faits et identifier les solutions possibles. En effet, la minorité ethnique rohingya subit depuis des décennies exécutions, tortures, détentions arbitraires, travaux forcés et nombreux autres abus qui ont forcé des dizaines de milliers de personnes à quitter le pays. Le gouvernement birman confine dans une quarantaine de camps plus de 120 000 rohingyas, privés des services de bases tels que la santé ou l’éducation, et les autorités renient la citoyenneté de près d’un million de rohingyas, tout en leur infligeant continuellement des restrictions de leurs droits fondamentaux.
Si la mise en place de cette commission a été saluée par la société civile birmane et plusieurs responsables politiques internationaux, les organisations rohingyas et un grand nombre d’organisations internationales ont fait part de leurs inquiétudes. En effet, l’un des objectifs principaux de cette mission est de rendre, dans un an, un rapport qui évaluera objectivement les faits, identifiera ceux qui perpétuent les abus et présentera des recommandations claires pour protéger la minorité. Toutefois, la situation est alarmante et nécessite la mise en place de mesures urgentes pour que les violences et discriminations cessent avant la publication du rapport de la commission. Les organisations appellent le gouvernement birman à lever dès maintenant toutes les restrictions humanitaires dans l’État d’Arakan, à autoriser l’accès de la minorité aux services de bases comme l’éducation et la santé et à lever l’interdiction de déplacement imposée aux rohingyas. Par ailleurs, elles soulignent l’échec du gouvernement à nommer un commissionnaire rohingya.
Le premier voyage de la commission dans l’État d’Arakan a eu lieu le 6 et le 7 septembre. Cette première étape avait pour objectif d’améliorer les relations entre les communautés bouddhistes et musulmanes grâce à la rencontre des leaders religieux, des organisations de la société civile arakanaise, des déplacés internes et des parlementaires. Il devait aussi leur permettre d’identifier les besoins des différents acteurs.
La visite de Kofi Annan dans l’Arakan a été perturbée par plusieurs centaines de bouddhistes nationalistes qui ont manifesté dès son arrivée à Sittwe – la capitale de l’État d’Arakan –, arguant que la présence, au sein de la Commission, de trois membres non-birmans provoquerait des interférences dans les affaires internes du pays. Le 30 août, le Parti National d’Arakan avait par ailleurs lancé une proposition parlementaire demandant à ce que les trois experts non birmans soient remplacés par des spécialistes locaux. Si cette proposition n’a pas été approuvée par le parlement et que le gouvernement a rappelé que la présence de ces membres était due à la pression grandissante de la communauté internationale, elle dévoile les fortes tensions autour de la question. De nombreux membres du parlement, notamment du Parti National d’Arakan, se sont dits inquiets à l’idée que la commission puisse pousser le gouvernement à attribuer la citoyenneté aux Rohingyas, allant ainsi à l’encontre de la loi de 1982 sur la citoyenneté. Le porte-parole de la Ligue Nationale pour la Démocratie, Zaw Htai, a précisé que le gouvernement travaillerait en accord avec la constitution et les lois actuelles, ajoutant que le gouvernement n’était en aucun cas obligé de suivre toutes les suggestions de la commission. Cette intervention témoigne du peu d’implication du gouvernement birman sur cette question et fait craindre que la commission dirigée par Kofi Annan ne soit surtout une façon de gagner du temps auprès de la communauté internationale.