L’accord politique de l’UE sur les minerais du conflit risque de laisser perdurer un commerce meurtrier

L’accord politique de l’UE sur les minerais du conflit risque de laisser perdurer un commerce meurtrier

Malgré sa rhétorique sur la responsabilisation des entreprises, l’Europe a accordé la priorité au profit, au détriment des personnes, ont déclaré des organisations de la société civile après l’adoption par les institutions de l’Union européenne (UE) d’une loi visant à encadrer le commerce européen des minerais issus de zones de conflit.

L’extraction et le commerce des minerais sont liés à des conflits et à des atteintes aux droits humains partout dans le monde. L’UE est une destination majeure pour les minerais, importés en Europe sous forme brute et sous forme de composants de produits du quotidien – téléphones et ordinateurs portables, moteurs et bijoux notamment.

La Birmanie est particulièrement impacté par ces minerais du conflit. En effet depuis plus de 50 ans, les ressources naturelles, sont au cœur des conflits opposant l’État central aux minorités ethniques. Le contrôle de ces ressources constitue une revendication politique des minorités aspirant à une gestion autonome de ressources naturelles de leur territoire.

confrontation letpadaung

Au terme de plusieurs mois de négociations, les institutions de l’UE sont parvenues à un accord sur une loi visant à s’assurer que les minerais importés dans l’UE sont achetés de manière responsable et ne financent ni n’alimentent des conflits et des violations des droits humains. Cet accord est un pas dans la bonne direction, mais la loi risque au final de ne pas atteindre, loin s’en faut, l’objectif fixé. Les législateurs européens ont cédé aux exigences des grandes entreprises, en excluant du champ d’application de la loi la grande majorité des compagnies européennes commercialisant les minerais.

« La décision prise mercredi 15 juin ne s’applique absolument pas aux entreprises qui importent des produits contenant des minerais. C’est une initiative timorée de réglementation du commerce des minerais provenant de zones de conflit, qui contraindra les seules entreprises importatrices de minerais sous forme brute à effectuer des contrôles basiques, a déclaré Iverna McGowan, directrice du Bureau d’Amnesty International auprès des institutions européennes. L’UE est tenue par le droit international de protéger les droits humains, mais ne s’acquitte qu’à moitié de ses obligations. Les investisseurs et les consommateurs européens n’auront toujours pas la certitude que les entreprises avec lesquelles ils font affaire se comportent de manière responsable. Cette loi changera peu – trop peu – de choses. »

En acceptant de soustraire ces entreprises à la loi, l’UE mise sur l’espoir qu’elles choisiront de se procurer des minerais de manière responsable, sans être tenues de le faire. Cela a déjà été tenté, par la mise en place de normes non contraignantes. Elles n’ont que des effets restreints : trop rares sont les entreprises qui prennent des mesures pour contrôler leurs chaînes d’approvisionnement en termes de conflit et de risques liés aux droits humains.

« Si nous saluons les efforts de ceux, particulièrement au sein du Parlement, qui se sont battus pour une Europe où la norme en matière de commerce est le commerce responsable, nous sommes déçus que l’UE ne traduise pas ses paroles en actes, a déclaré Michael Gibb de Global Witness. Les lois européennes étant désormais moins contraignantes que celles d’autres pays, l’UE devient le maillon faible de la chaîne d’approvisionnement en minerais. Cet accord reste important, mais l’UE aurait dû aller bien plus loin pour tirer parti d’une occasion unique de faire vraiment changer les choses. »

L’accord prévoit d’évaluer la loi en termes d’efficacité quelques années après son entrée en vigueur.

« Cette loi ne peut être qu’un premier pas. Elle doit être rapidement mise en œuvre, afin d’être bientôt étendue aux entreprises qui importent des produits finis contenant ces minerais, a déclaré Maria van der Heide, d’ActionAid. Les populations dans les zones de conflit ou à haut risque ne bénéficieront de leurs richesses en ressources et ne seront libérées du joug des violences liées au commerce des minerais du conflit que si les entreprises d’un bout à l’autre de la chaîne d’approvisionnement adoptent des pratiques responsables. »

Les populations qui continuent de subir les conséquences du commerce irresponsable, ainsi que les organisations de la société civile dans le monde, vont tourner leur regard vers les gouvernements européens pour s’assurer que la loi tienne ses promesses, à savoir garantir que les entreprises européennes s’approvisionnent de manière responsable. Alors seulement, l’Europe et ses entreprises contribueront aux avancées mondiales pour rendre la chaîne d’approvisionnement en minerais plus transparente, responsable et durable.

Notes aux rédacteurs

Les normes internationales ne visent pas à décourager l’approvisionnement dans des zones sensibles ou à haut risque. Elles encouragent plutôt les entreprises à s’y approvisionner en faisant preuve du niveau de vigilance et de prudence adéquat. Pourtant, les législateurs européens ont choisi d’établir une liste indicative des zones de conflit et à haut risque, ce qui peut se traduire par des déséquilibres du marché et amener à négliger les risques émergeant en dehors de ces zones.

Non contents de limiter le nombre d’entreprises concernées par la loi à quelques centaines seulement, les États membres de l’UE tentent de sous-traiter leurs responsabilités en termes de mise en œuvre, en plaçant les initiatives de l’industrie privée au cœur de la loi. Les entreprises qui adhèrent à des programmes reconnus sont automatiquement considérées comme respectant la règlementation et comme à « faible risque » par les autorités chargées de faire appliquer l’accord.

Aux termes de l’accord politique, les trois institutions poursuivront les négociations sur la mise en œuvre technique. Ce processus devrait durer plusieurs mois.

Pour plus d’informations, veuillez contacter (signataires au niveau français) :

AIETEC

Lala Hakuma Dadci +33 (0)1 43 71 22 22 / lala-hakuma.aitec@reseau-ipam.org

Amnesty International France

Véronique Tardivel + 33 (0)1 53 38 65 41 / + 33 (0)6 76 94 37 05 / vtardivel@amnesty.fr

CCFD-Terre Solidaire

Karine Appy + 33 (0)6 66 12 33 02 / +33 (0)1 44 82 80 67 / k.appy@ccfd-terresolidaire.org

Info Birmanie

Cécile Harl +33 (0)7 62 80 61 33 / cecile@info-birmanie.org

Sherpa

Lisa Rieux + 33 (0)6 60 29 59 64 / communication@asso-sherpa.org