l’UE rouvre son marché à la Birmanie

l’UE rouvre son marché à la Birmanie

Depuis le 19 juillet 2013, la Birmanie bénéficie de nouveau d’un régime d’accès préférentiel au marché de l’Union européenne (UE). Le 17 Septembre 2012, la Commission européenne avait adopté la proposition visant à rétablir le régime de préférences commerciales « Tout sauf les armes » en Birmanie. La réintégration de la Birmanie dans le Système de préférences généralisées (SPG) permet à la Birmanie d’exporter ses produits sans droits de douane ni quotas sur le marché européen, à l’exception des armes et des munitions. En 1997, la Birmanie a été suspendue du SPG en raison de violations graves et systématiques des conventions internationales relatives au travail forcé. Alors que la Birmanie a récemment modifié ses lois sur le travail forcé et a pris des mesures en vue de son éradication, notamment avec la signature d’un plan d’action sur trois ans avec l’Organisation internationale du Travail (OIT), il demeure établit que le travail forcé ou obligatoire continue d’être imposé dans la pratique dans de nombreuses régions du pays, en particulier par l’armée, comme le confirment de nombreux rapports.[1]

L’Union Européenne (UE) a déjà reconnu que les entreprises européennes doivent respecter des normes élevées de responsabilité sociale dans leurs échanges commerciaux et leurs investissements en Birmanie. Le 15 Juin 2012, les commissaires européens Catherine Ashton et Karel De Gucht, en appelant à  la réintégration de la Birmanie dans le Système de préférences généralisées, ont noté que «les investissements responsables et le commerce bilatéral  sont des éléments essentiels pour aider le pays à se rétablir et à prospérer ». Cette annonce fait écho à la déclaration du Conseil européen du 23 Avril 2012 qui conclut que le commerce et les investissements futurs des entreprises européennes en Birmanie doivent « promouvoir des pratiques s’élevant aux plus hautes normes d’intégrité et de responsabilité sociale des entreprises », se référant spécifiquement aux lignes directrices de l’OCDE pour les entreprises multinationales, aux principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme et à la nouvelle stratégie de l’UE en matière de responsabilité sociale des entreprises pour la période 2011-2014. Ces déclarations sont les bienvenues, mais,  à ce jour l’UE n’a toujours pas pris les mesures leur donnant effet.

Nous sommes vivement préoccupés par le passé de corruption et de violations des droits de l’homme (notamment de travail forcé) directement liées au commerce et aux investissements en Birmanie, en particulier s’agissant des projets dans les domaines  pétroliers et gaziers et des infrastructures.  Il ne fait aucun doute que la levée des sanctions internationales et la restauration des préférences commerciales vont de pair avec l’intérêt grandissant que manifestent les entreprises européennes à investir dans les ressources naturelles afin de faire des affaires en Birmanie. Cet engouement est encouragé par des lois d’investissement flexibles, de faibles coûts de main-d’œuvre et un manque de législation adéquate, ou de réglementation relative à la responsabilité publique des entreprises. Certains prétendent toujours que la présence de sociétés «occidentales» aiderait à établir des normes élevées en matière de transparence et de responsabilité, même si l’expérience en Birmanie à largement démontré le contraire

Il est extrêmement important que toute nouvelle entreprise investissant en Birmanie soutienne et participe au développement économique et social de la nation sur le long terme.  L’UE devrait exiger des sociétés qui font des affaires en Birmanie de faire respecter les normes relatives aux droits de l’homme. Des mesures contraignantes fortes de  responsabilisation et de transparence financières en Birmanie devraient être mises en place, avec la société civile, s’appuyant sur les instruments existants tels que les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et les Lignes directrices de l’OCDE pour les entreprises multinationales.

Les codes de conduite non contraignants se sont révélés être des outils inefficaces et seraient dangereusement inappropriés en Birmanie. Compte tenu du niveau de corruption généralisé et d’un piètre bilan en matière de droits de l’homme, il est essentiel de veiller à ce que les nouveaux échanges et  investissements ne contribuent pas aux problèmes du pays, comme le travail forcé. Cela pourra être fait notamment par : la mise en place d’exigences contraignantes pour évaluer et corriger toute incidence négative des investissements sur les droits de l’homme ; la publication des revenus et des activités des entreprises; la création d’instruments de plaintes efficaces et de règlement des différends.[2]

À toutes les étapes, les entreprises qui investissent ou qui opèrent en Birmanie doivent accepter la nécessité de travailler ouvertement et en collaboration avec, entre autres, les syndicats. Le droit de former ou d’adhérer à un syndicat et de négocier collectivement les conditions de travail seront parmi les droits de l’homme les plus menacés en Birmanie.

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Propositions de la Confédération syndicale internationale pour  la réintégration de la Birmanie dans le  système de préférences généralisées de l’Union européenne : 

La Confédération syndicale internationale encourage tous les syndicats à promouvoir la proposition suivante auprès leurs gouvernements respectifs.

Ce que nous demandons :

Une  législation spécialement appliquée à la Birmanie assurant une responsabilisation des entreprises, contribuant à la fois au développement durable tout en favorisant le travail dans des conditions décentes – particulièrement dans un pays où les violations des droits de l’homme et du travail restent monnaie courante et où l’Etat de droit est quasi inexistant – afin que les investisseurs soient tenus responsables de leurs agissements.

  • Les entreprises doivent respecter les droits de l’homme, ce qui signifie ne pas porter atteinte aux droits fondamentaux des populations et traiter les violations engendrées par certaines pratiques. Toute entreprise qui fait des affaires en Birmanie (via le commerce ou l’investissement) seraient tenus de respecter les normes internationales en matière de droits de l’homme, notamment celles identifiées par l’Organisation internationale du travail (OIT) relatives aux au travail, à la protection de l’environnement et à la corruption. Le champ d’application de cette exigence devrait s’appuyer sur les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme et les Lignes directrices de l’OCDE pour les entreprises multinationales (ainsi que des directives de l’OCDE relatives aux investissements dans les zones à déficit de gouvernance et des zones propices aux conflits, la Convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers et la Convention des Nations Unies contre la corruption) Les entreprises ont également une responsabilité supplémentaire pour éviter ou atténuer les effets négatifs de leurs impacts sur les droits de l’homme liés à leurs activités, ou aux produits et services offerts par leurs partenaires commerciaux. Cette obligation s’étend à toutes les relations commerciales liées à des activités commerciales, de produits ou services.
  • Les entreprises seraient tenues de mettre en œuvre des procédures équitables  approfondies et crédibles de garantie des droits de l’homme, afin d’évaluer tous les impacts réels ou potentiels indésirables liés au commerce ou aux investissements, y compris ceux des partenaires commerciaux, et de publier cette évaluation sur un site internet centralisé (maintenu par un organisme expert faisant autorité) avant de finaliser l’investissement.  Les Principes directeurs de l’ONU applicables aux études de l’impact des accords de commerce et d’investissement sur les droits de l’homme est également instructif pour guider les composantes d’une évaluation compétente. Il est primordiale qu’une telle réglementation procédurale s’appuie à la fois sur des experts indépendants (comme l’OIT) et les groupes concernés, notamment les syndicats.Les entreprises seraient également tenues de divulguer leurs partenariats commerciaux directs ou indirects, y compris leurs chaînes d’approvisionnement en Birmanie.
  • Lorsque des impacts négatifs réels ou potentiels sont identifiés, un plan d’action pour remédier ou prévenir ces effets dans un délai raisonnable doit être publié et accompagné par une étude d’impact. Ce plan d’action devrait être élaboré en consultation avec les groupes concernés, y compris les syndicats, et être mis à leur disposition dans les langues concernées. En outre, l’entreprise doit établir et maintenir un processus permettant d’identifier ses impacts environnementaux et sur les droits de l’homme. Les entreprises ont une obligation continue de fournir des garanties procédurales, notamment par la publication de rapports ou de  bilans d’activités annuels. Le public doit également être en mesures d’accéder et de commenter ces rapports.
    Certains secteurs économiques portent un risque plus élevé de violation des droits de l’homme et de l’environnement – notamment les industries extractives, du bois et les grands projets d’infrastructure. Toute entreprise ayant des activités dans ces secteurs, ainsi que les autres secteurs qui peuvent être identifiés comme étant à risque élevé après une évaluation initiale secteur par secteur, devrait faire l’objet d’un examen et se soumettre à une procédure d’autorisation  de ses plans d’action par un groupe d’experts indépendants avant le début du partenariat économique.
  • Les entreprises devraient consentir à un processus d’examen en cas de  violation de ces  exigences et ce, indépendamment d’une une action en justice qui pourrait être engagée devant un tribunal compétent. Les personnes concernées ou leurs représentants pourraient porter plainte auprès d’un organe d’experts faisant autorité. La plainte devrait être examinée conjointement avec toutes les preuves et, un rapport final comprenant des recommandations spécifiques, le cas échéant, sera publié. Des efforts devraient d’abord favoriser l’implication volontaire de l’entreprise afin de mettre en place un plan d’assainissement compatible avec les recommandations. Si aucun plan n’est préparé ou s’il n’est pas appliquée dans son intégralité, alors l’entreprise serait tenu d’accepter un examen par un arbitrage ad hoc, à la demande du plaignant afin de rendre la, décision exécutoire. Les prestataires pourraient aussi demander réparation devant les tribunaux. Nous recommandons que toute législation accorde explicitement  aux tribunaux du pays d’origine de l’entreprise la compétence pour entendre les réclamations civiles et pénales commises en Birmanie.
  • Les entreprises ne seraient pas autorisées à inclure des  termes dans leurs accords  avec le gouvernement birman qui menacent de limiter la capacité du gouvernement birman à réglementer ou à faire respecter les lois relatives à ces droits dans le cadre de cette proposition.

Enfin, le cadre très fragile des relations industrielles en Birmanie crée un risque accru pour les entreprises d’être directement associées ou de contribuer aux abus. Pour renforcer ce cadre, les entreprises seraient tenues de prendre des mesures proactives pour améliorer la liberté d’association, notamment en s’engageant auprès des syndicats à adopter et promouvoir la transparence, une attitude ouverte envers leurs activités (ou exiger que leurs partenaires commerciaux prennent des engagements de ce type). Cela comprend, entre autres, le droit d’accès aux travailleurs et à leur lieu travail, en s’abstenant de tout acte qui aurait pour effet de décourager les travailleurs à l’exercice de leurs droits de l’homme à former ou à s’affilier à un syndicat et de négocier collectivement, ou d’empêcher toute véritable opportunité de négocier collectivement et de faire en sorte que des installations soient disponibles pour les activités syndicales.


[1] See, e.g, The Chin Human Rights Organization, Forced Labour in Chin State and Sagaing Region: 2011-2012, August 27, 2012; Physicians for Human Rights, Bitter Wounds and Lost Dreams: Human Rights Under Assault in Karen State, Burma, August 2012; The Arakan Project, Forced Labour Still Prevails: An Overview of Forced Labour Practices in North Arakan, Burma (Nov. 2011-May 2012), June 2012.

[1] See, e.g, The Chin Human Rights Organization, Forced Labour in Chin State and Sagaing Region: 2011-2012, August 27, 2012; Physicians for Human Rights, Bitter Wounds and Lost Dreams: Human Rights Under Assault in Karen State, Burma, August 2012; The Arakan Project, Forced Labour Still Prevails: An Overview of Forced Labour Practices in North Arakan, Burma (Nov. 2011-May 2012), June 2012; Shan Human Rights Foundation, Monthly Newsletter (Forced Labour Continues), September 2012.

[2] The government of Burma also has an international duty to protect people from human rights violations by third parties, including businesses. Governments should strongly encourage the government of Burma to ensure that its laws give full effect to this duty.  Additionally, governments should encourage the government to ensure that revenues from trade and investment are directed to support long-term economic and social development, including education, health and social services.