Vision et place de la femme dans la société birmane

Vision et place de la femme dans la société birmane

« Pour te conformer à l’idéal féminin, tu dois rester à la maison avec tes parents, et travailler, cuisiner, laver le linge, faire le travail domestique. Tu dois porter ton longyi très long, jusqu’au niveau des chevilles.

Tu ne dois jamais te disputer avec tes aînés. Tu dois avoir de bonnes manières et ne pas répondre. Tu dois parler tout bas et ne jamais rire bruyamment. Ce n’est pas bien de rire beaucoup si tu es une femme ! Et tu ne dois pas sortir la nuit. Voilà comment être parfaite, comment être une « bonne » femme. »[1]

« Le statut d’un chien mâle est supérieur à celui d’une femme »
Proverbe traditionnel birman

jeunes Karen @Timothy Syrota
jeunes Karen
@Timothy Syrota

LE POIDS DES RELIGIONS 

Les religions sont une clé importante pour comprendre la place accordée aux femmes en Birmanie, tant leur rôle demeure aujourd’hui influent. Le bouddhisme Theravada (du petit véhicule) reste la religion dominante, pratiquée par plus de 85% de la population, en particulier les Bama, les Shan et les Môn. Si les valeurs enseignées par Bouddha sont l’amour, la compassion, la non-violence et la tolérance, certaines règles instaurées par le bouddhisme restreignent cependant la liberté des femmes -dans leur pratique religieuse mais aussi dans la plupart des aspects de leur vie quotidienne.

Le statut des bonzesses est ainsi beaucoup moins prestigieux que celui des moines. Les thilashin ne sont par exemple pas autorisées à animer des cérémonies pour les laïcs, et reçoivent souvent moins de respect, matérialisé par des offrandes et des présents. Leur journée est consacrée à la méditation et la prière ainsi qu’à la préparation de repas pour les autels de Bouddha et pour les moines des monastères voisins. Leur statut demeure encore peu reconnu, souvent assimilé à celui de simples laïques. Si les hommes peuvent espérer atteindre le Nirvana en devenant moines, les femmes doivent en revanche être réincarnées en homme pour y accéder. Ainsi lorsqu’elles font leurs dévotions, les femmes récitent une prière afin de renaître homme dans une vie future.

De manière générale, les femmes bouddhistes se voient refuser l’accès à certains temples et à certaines cérémonies. Dans les pagodes, le lieu de prière des femmes est parfois séparé de celui des hommes. Toutes ces différences instaurées dans la pratique religieuse ont des répercussions sur le statut des femmes dans leur communauté.

Crédit: Laurent Parienti
Crédit: Laurent Parienti

 LA SUPRÉMATIE DU « PHON« 

La supériorité des hommes est justifiée par une qualité qui ferait défaut aux femmes, le phon, généralement traduit par « gloire » : cette force spirituelle particulière symbolise chez les hommes leur droiture, leur honnêteté et leur capacité à contrôler leurs désirs. Elle les place de facto au-dessus des femmes dans l’échelle des réincarnations.

Pour augmenter leurs chances de renaître homme, les femmes, considérées comme des êtres vils car ancrées dans la chair, doivent protéger le phon de leurs maris, de leurs fils ou de leurs pères. Ainsi, pour ne pas diminuer le phon d’un homme, une femme ne doit jamais laver ses sous-vêtements en sa présence. De même, une épouse ne doit pas dormir à droite de son mari (car le phon de l’homme se trouverait dans son bras droit). Elle doit veiller à ne jamais se placer au-dessus de lui (gripper en haut d’un toit ou d’un arbre par exemple) ou l’humilier publiquement. Les femmes doivent donc être « modestes » et se conformer à des restrictions pour préserver l’autorité et le pouvoir des hommes.

Dans la religion musulmane, l’idée que les femmes sont une menace à la chasteté et à l’honneur de la gent masculine prévaut également. Ainsi ne reçoivent-elles en général qu’une éducation limitée par rapport aux garçons et sont soigneusement écartées des sphères de pouvoir au sein de leur communauté. Dans nombre de communautés Rohingyas, les femmes sont encouragées à être mariées le plus tôt possible et à rester au foyer.

La religion chrétienne – l’Eglise anglicane/baptiste – importée par les missionnaires colonialistes dans les Etats Kachin, Chin, Karen et Karenni anciennement animistes, ne laisse pas plus de place ni de libertés aux femmes. A l’exception des communautés Chin, les femmes ne peuvent pas être pasteur et ne sont pas encouragées à prendre des responsabilités autres que familiales.

LE MODÈLE FAMILIAL TRADITIONNEL

« Le mari est Dieu et le fils le maître »
Proverbe birman

@Daniel Julie
@Daniel Julie

Si le droit familial birman repose sur le principe bouddhiste d’égalité entre tous les êtres humains (le Dhammathat), la réalité du modèle familial en diverge largement. Ce sont souvent les institutions coutumières de chaque ethnie qui priment sur le droit national, en ce domaine.

L’homme occupe ainsi la position dominante de chef de famille. Le Conseil d’Etat pour la Paix et le Développement (SPDC, le nom officiel de la junte), dans ses publications, affirmait et encourageait clairement cette conception des rôles familiaux, où le domaine domestique est réservé aux femmes. Le manque de participation des femmes dans la sphère publique est ainsi justifié par le fait que les femmes ne désireraient contrôler que les finances de la famille.

« Le chef de famille est le père, mais c’est l’épouse qui joue un rôle important dans l’éducation des enfants. Au Myanmar, les traditions et les coutumes attendent des femmes qu’elles soient maîtresses des économies, préparent les repas et s’occupent des enfants [2]« 

Une femme n’a en général que deux alternatives : vivre avec un mari ou rester chez ses parents. Pour une veuve, le remariage est souvent plus difficile que pour un homme.

L’idéal féminin, comme dans la plupart des cultures à travers le monde, est donc une femme mariée pour toujours avec le même homme. Généralement, on attend des jeunes femmes qu’elles se marient entre 21 ans et 25 ans, avec un homme plus âgé qu’elles -dix à quinze ans de plus. Il est rare que la famille n’intervienne pas dans le choix du mari, de manière plus ou moins coercitive.

[1] Source: Rapport « la situation des femmes de Birmanie », Association Les Amis de la Birmanie : CINT 94, Gathering Strength

[2] Source : Situation des travailleurs migrants, Human Right Year Book, 2005.

Pour en savoir plus:
 Rapport « La situation des femmes de Birmanie », Association Les Amis de la Birmanie, Sarah ASTIER