Visite du Président Thein Sein en Europe : l’Union européenne doit s’assurer que les droits de l’homme figurent bien au cœur du processus de réformes en Birmanie

Visite du Président Thein Sein en Europe : l’Union européenne doit s’assurer que les droits de l’homme figurent bien au cœur du processus de réformes en Birmanie

Communiqué de presse d’Info Birmanie – 5 mars 2013

 Le président birman, Thein Sein, est en visite officielle aujourd’hui à Bruxelles où il devrait rencontrer les hauts dignitaires de l’Union européenne. Si cette visite de Thein Sein en Europe met en lumière les progrès accomplis par la Birmanie, elle est également dangereuse en ce qu’elle accorde une trop grande légitimité à un gouvernement toujours contrôlé par les militaires, qui continue de commettre de graves violations des droits de l’homme.

En dépit de changements bienvenus en Birmanie, le pays connaît toujours un des pires bilans en matière de droits de l’homme dans le monde, et durant les deux dernières années, les violations des droits de l’homme pouvant être assimilées à des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont en fait augmenté. La Birmanie n’est pas une démocratie. Le pays est toujours gouverné par un gouvernement soutenu par l’armée, et pratiquement toutes les lois répressives sont encore en place.

Dans une déclaration faite le 16 février 2013, suite à une récente mission en Birmanie, Tomas Ojea Quintana,  le Rapporteur spécial de l’ONU a déclaré: «…des manquements importants sur le plan des droits de l’homme persistent sans  qu’aucune réponse n’y soit apportée ». Le Rapporteur spécial a également souligné l’utilisation continue de la torture dans les prisons birmanes.

Dans sa dernière résolution datant de novembre 2012, l’Assemblée Générale des Nations Unies sur la Birmanie s’est déclarée « préoccupée par la persistance des violations des droits de l’homme, notamment les détentions arbitraires, les disparitions forcées, les confiscations de terres, les viols et autres formes de violence sexuelle, la torture et les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que des violations du droit international humanitaire, et engage le Gouvernement du Myanmar à redoubler d’efforts pour y mettre un terme. »

L’hyper optimisme de la communauté internationale vis-à-vis des réformes, l’assouplissement des sanctions et l’afflux des investisseurs encouragent le gouvernement de Thein Sein à penser qu’il n’est pas nécessaire d’entamer des changements fondamentaux pour faire de la Birmanie un pays démocratique et de mettre fin aux violations des droits de l’homme.

S’il faut pourtant se réjouir de la libération de près de 700 prisonniers politiques depuis mai 2011, le nombre croissant de détentions arbitraires donne à réfléchir. Depuis janvier 2012, il y a eu au moins

200 arrestations politiquement motivées. Le gouvernement actuel utilise en effet la législation pour persécuter et intimider les personnes qui osent exprimer des opinions contraires aux intérêts de l’État. La récente loi autorisant les rassemblements pacifiques ne contribue guère à protéger les manifestants, mais donne plutôt au gouvernement un cadre juridique lui permettant de procéder à des arrestations arbitraires et de mettre sous silence les voix dissidentes.

De nombreux groupes ethniques sont toujours piégés dans un cycle perpétuel de violations des droits de l’homme et de violences militaires.

Au mois de décembre 2012,  l’Etat Kachin a connu la plus grave intensification du conflit depuis le début de la guerre en juin 2011. Dans cet Etat, situé aux frontières de la Chine, l’armée birmane utilise avions de combat, hélicoptères et tirs de mortiers de façon répétée. Les attaques ont débuté à la veille de Noël dans une région majoritairement peuplée de chrétiens. Alors que les Occidentaux ferment les yeux sur ce conflit, en quête d’accords commerciaux avec le gouvernement de Thein Sein, l’armée cible sans retenue les populations civiles.

 

Parallèlement une crise profonde touche l’Etat d’Arakan, où des violences confessionnelles ont surgi entre les Rohingyas musulmans et les bouddhistes arakanais.  Selon les chiffres officiels, 178 personnes ont été tuées et  115 000 autres ont été déplacées durant les troubles. La plupart des personnes déplacées appartiennent à la communauté Rohingyas. Ils vivent dans des camps surpeuplés dans des conditions sordides n’ayant pas un accès suffisant à la nourriture et aux besoins de base. Les violences dans l’État d’Arakan ont mis en évidence l’incapacité du gouvernement birman à mettre en œuvre des réformes visant à s’attaquer aux causes fondamentales des tensions communautaires et de la discrimination raciale. Les autorités birmanes doivent prendre les mesures nécessaires afin de mettre un terme à ces violences et aux politiques de ségrégation, sans discrimination, et assurer la protection et assistance aux Rohingyas et aux arakanais.

Sans des réformes institutionnelles, législatives et constitutionnelles, la Birmanie ne sera jamais véritablement libre, et sans accord politique avec les groupes ethniques, la Birmanie ne connaîtra jamais la paix.

L’Union Européenne doit rester vigilante et ne pas se laisser aveugler par les développements actuels qui ont lieu en Birmanie et par des intérêts économiques prédominants. Au contraire, elle doit s’assurer que les droits de l’homme figurent bien au cœur du processus de réformes du pays.