Un bilan mitigé de la conférence de paix en Birmanie

Un bilan mitigé de la conférence de paix en Birmanie

La Birmanie connaît des conflits ethniques depuis son indépendance, en 1948. Les minorités, qui représentent près de 40% de la population, attendent de réels efforts de la part du nouveau gouvernement démocratiquement élu afin que le processus de paix soit relancé et que les bases de la fondation d’une Union Fédérale soient débattues. La conseillère d’Etat Aung San Su Kyi a fait de la réconciliation nationale son principal objectif et a dédié ses premiers mois à l’organisation de la Conférence de Panglong du XXIe siècle qui vient de se tenir du 31 août au 3 septembre. La Ligue Nationale pour la Démocratie a réussi à réunir autour d’une table les différents acteurs concernés : le gouvernement, le parlement, la Tatmadaw (armée birmane), 17 groupes ethniques armés dont certains n’ont pas signé l’accord de cessez-le-feu du précédent gouvernement, des partis politiques, des organisations ethniques ainsi que quelques observateurs de la société civile.

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Chaque représentant disposait de dix minutes pour exprimer ses attentes quant au dialogue politique. 72 représentants des différentes parties prenantes ont ainsi eu l’opportunité de s’exprimer à tour de rôle, ce qui a poussé de nombreux participants à dénoncer l’absence de débat pendant ces négociations. Ils ont essentiellement évoqué l’établissement d’une Union Fédérale démocratique, les questions de sécurité et de désarmement, la participation des femmes, l’amélioration de l’égalité ethnique, la souveraineté ou encore le droit à l’auto-détermination. De nombreux appels ont également été lancés pour rappeler le besoin urgent de réviser la constitution de 2008. L’UNFC – qui représente les groupes ethniques armés n’ayant pas signés l’accord de cessez-le-feu du précédent gouvernement – a proposé la réorganisation des forces armées nationales sous une administration civile.

Les tensions entre le gouvernement, la Tatmadaw et les groupes ethniques armés, étaient vives. La Tatmadaw a profité de l’occasion pour rappeler l’importance de son rôle dans l’actuel gouvernement et de fait dans le processus de paix. Elle a tout d’abord empêché la participation des armées Kokang, Ta’ang et d’Arakan, avec lesquelles elle est en conflit. Puis lors de son intervention, l’armée birmane a précisé que la fondation d’une Union Fédérale Démocratique ne pourrait se faire que sur la base de la constitution de 2008 ainsi que sur les principes de l’accord de cessez-le-feu d’octobre 2015.

Initialement prévue pour cinq jours, la conférence n’a finalement duré que 4 jours, illustrant les difficultés auxquelles devront faire face les organisateurs des prochaines conférences de paix pour que les négociations avancent. Par ailleurs, de nombreuses confusions logistiques ont eu lieu pendant la Conférence de Panglong et ont provoqué un sentiment d’inégalité chez les leaders ethniques. La puissante Armée Wa, invitée comme participante, s’est vue reléguée au statut d’observateur et a décidé de se retirer des négociations dès le 2ème jour, démontrant une confiance limitée envers le processus. Lors du diner gouvernemental officiel, les représentants Karens et Kachins ont obtenu des tables au second rang, alors que tous les autres représentants se trouvaient au premier rang. Si ces erreurs semblent mineures, le contraste entre les statuts renforce les disparités.

Les membres des organisations de la société civile bénéficiaient d’un simple statut d’observateur et répondaient au nombre de 50, un nombre encore faible et un statut qui ne leur a pas permis de prendre part aux négociations. Alors que la société civile a un réel rôle à jouer au sein même du processus de paix, le gouvernement prévoit un forum qui se tiendrait avant la prochaine rencontre des négociations, pendant lequel ses membres pourraient présenter leurs opinions et leurs suggestions. Si l’attention est louable, ses représentants s’accordent à dire que leur participation doit être plus active. Ban Ki Moon, présent lors de la cérémonie d’ouverture, a également évoqué la nécessité de favoriser la participation des femmes.

Comme c’était attendu, aucune décision n’a été prise lors de la Conférence de Panglong si ce n’est qu’une prochaine rencontre aura lieu dans six mois. Entre temps, les différents acteurs devraient se retrouver afin d’amorcer le dialogue politique national en finalisant son cadre, au niveau régional et étatique. Lors de la séance de clôture, le gouvernement a encouragé les groupes ethniques armés à signer l’Accord de cessez-le-feu National avant la prochaine conférence. En effet, si certains groupes ethniques armés non-signataires de cet accord ont pu participer à la Conférence de Panglong, ils ne pourront prendre part aux prochaines négociations de paix s’ils ne signent pas l’Accord de cessez-le-feu. De leur côté, des représentants de l’Armée Kokang urgent le gouvernement d’assurer l’inclusion de l’Alliance de Nord (l’Armée Arakan, l’Armée Ta’ang et l’armée Kokang).