Les violences sexuelles comme arme de guerre

Les violences sexuelles comme arme de guerre

Le 16 avril, un nouveau rapport des Nations Unies place la Birmanie sur LISTE NOIRE. Une liste où sont répertoriés les gouvernements et groupes rebelles armés « soupçonnés de manière crédible » d’avoir commis des viols et autres violences sexuelles lors d’un conflit. 

Le rapport, présenté lundi au Conseil de sécurité, indique que des actes de violences sexuelles auraient été perpétrés lors d’opérations militaires en octobre 2016 et en août 2017, après une série d’attaques insurgées par des membres de la minorité ethnique Rohingya. L’ONU a depuis décrit ces opérations de sécurité comme «nettoyage ethnique».

Deux jeunes filles Ronhingya, dans un camp au Bangladesh ©Thet Swe Win

Le viol : une stratégie dans les conflits

Les violences sexuelles sont une arme de guerre. Elles servent de stratégie pour humilier, terroriser et punir collectivement, ici, la communauté Rohingya. Selon Human Right Watch, le viol est un outil puissant de nettoyage ethnique : il fait fuir les victimes loin de leur foyer, et les traumatise pour empêcher le retour. Les femmes victimes de ces sévices sont confrontées à la nudité forcé, à l’esclavage, contractent des maladies sexuellement transmissibles et certaines tombent enceintes…

Dans l’état d’Arakan, « la violence n’a pas épargné les femmes, y compris les femmes enceintes, qui sont considérées comme des gardiennes  source de transmission de l’identité Rohingya, ainsi que sur les jeunes enfants, qui représentent l’avenir du groupe ethnique », a déclaré Guterres avant d’ajouter « Cela peut être lié à un récit contagieux alléguant que les taux de fécondité est très élevés chez les Rohingya, ce qui représenterait une menace pour la population. »

En novembre, Pramila Patten, Représentante spéciale du Secrétaire général des Nations Unies pour la violence sexuelle dans les conflits, a visité des camps de Rohingya au Bangladesh où elle a entendu des témoignages de «presque toutes les femmes et filles» victimes de viol, de viols collectifs, de fouilles corporelles, de nudité forcée, de harcèlement et d’enlèvement pour esclavage sexuel. Alors que les forces de sécurité pillaient et incendiaient leurs villages, de nombreuses Rohingya, qui sont tombées enceintes de leurs violeurs, sont parties à pied pour une longue et dangereuse traversée de la frontière.

En décembre, Pramila Patten avait rencontré Aung San Suu Kyi, la dirigeante de facto de la Birmanie et plusieurs responsables militaires pour obtenir des engagements face à ces violences. Le gouvernement birman a refusé à plusieurs reprises de se prononcer. L’année dernière un ministre de l’État de Rakhine a répondu aux allégations en disant:

«Regardez les femmes qui font ces réclamations – quelqu’un voudrait-il les violer? »

Le rapport du secrétaire général soulève aussi que ces violences sexuelles ont également été utilisés dans les récents combats dans les Etats Kachin et Shan.

Une mère et ses enfants au milieu des abris dans un camp au Bangladesh ©Thet Swe Win

Le Tatmadaw : le +1 d’une longue liste

Le rapport place 51 groupes gouvernementaux, rebelles et extrémistes sur cette liste noire. Parmi eux, 17 sont originaires du Congo, dont les forces armées et la police nationale, sept de Syrie, y compris les forces armées et les services de renseignements, six de la République centrafricaine et du Sud-Soudan, cinq du Mali, quatre de Somalie, trois du Soudan, un d’Irak et un du Myanmar. Boko Haram est également recensé, mais comme opérant dans plusieurs pays. 

« L’inscription de la Tatmadaw est une étape attendue et bienvenue », a déclaré Joan Timoney, directrice principale du plaidoyer et des relations extérieures à la Commission des femmes pour les réfugiés , dans un communiqué. 

« L’impunité, la discrimination et le déni de citoyenneté sont au cœur de la crise des réfugiés qui connaît la croissance la plus rapide au monde. »

Ce rapport tombe alors que le gouvernement birman a annoncé qu’il avait rapatrié le premier groupe de réfugiés Rohingya – une famille de cinq personnes – selon un accord de rapatriement signé par le Bangladesh et la Birmanie en novembre. Mais le commissaire au rapatriement et au secours aux réfugiés du Bangladesh, Abul Kalam, a qualifié cette annonce de « propagande », tandis que l’agence des Nations Unies pour les réfugiés a déclaré qu’elle n’avait aucune connaissance préalable de l’affaire.

Lundi, le Conseil de sécurité a également entendu l’avocat des Rohingyas, Razia Sultana, qui a exhorté le Conseil à renvoyer la situation de la Birmanie devant la Cour pénale internationale pour crimes contre les Rohingya et d’autres groupes minoritaires.

Parmi de nombreuses recommandations, il a appelé le Conseil de sécurité à considérer la violence sexuelle liée au conflit comme un motif de statut de réfugié et à remédier aux insuffisances de financement des programmes de violence sexuelle et sexiste et de santé sexuelle et reproductive.

P.A.