L’organisation extrémiste Ma Ba Tha enfin pointée du doigt en Birmanie

L’organisation extrémiste Ma Ba Tha enfin pointée du doigt en Birmanie

L’organisation bouddhiste ultranationaliste Ma Ba Tha fait depuis le début du mois de juillet l’objet de vives critiques. Alors que sous le gouvernement de Thein Sein elle agissait en toute impunité, elle commence à être pointée du doigt par le gouvernement de la Ligue Nationale pour la Démocratie (LND) pour ses discours de haine et ses incitations à la violence contre les minorités musulmanes.

Également connue sous les noms de « 969 » puis d’Association pour la Protection de la Race et de la Religion, l’organisation s’est fait connaître en 2012, lorsque les tensions interreligieuses ont donné lieu à des actes de violence conduisant à plus de 200 morts et au déplacement d’au moins 140 000 personnes, majoritairement de la minorité musulmane des Rohingyas. En 4 ans, Ma Ba Tha a mené des campagnes de haine à travers tout le pays et est devenue extrêmement populaire. Son influence et ses liens privilégiés avec le pouvoir lui ont permis de faire adopter des lois pour restreindre les droits des minorités non bouddhistes. L’organisation, accusée d’être utilisée par le gouvernement de Thein Sein, a par ailleurs soutenu ouvertement le parti des héritiers de la junte militaire lors des élections de novembre 2015, arguant qu’il s’agissait de la seule formation politique capable de protéger le Bouddhisme contre « l’islamisation de la Birmanie ».

La Birmanie compterait 90% de bouddhistes et 5% de musulmans mais, après 50 ans de dictature, les discours de propagande fonctionnent à merveille. Jusqu’à présent, peu de personnes semblaient disposer à hausser le ton contre l’organisation extrémiste, mais les événements de ces 3 dernières semaines semblent enfin marquer un tournant.

Supporters-of-the-ma ba tha

Le premier ministre (LND) de la région de Rangoun, Phyo Min Thein, un proche d’Aung San Suu Kyi, a déclaré que l’organisation Ma Ba Tha n’était « pas nécessaire » puisque la Birmanie disposait déjà d’une autorité bouddhiste à l’échelle étatique : le Comité Sangha Maha Nayaka. En réaction, Ma Ba Tha a menacé d’organiser une grande manifestation contre le gouvernement s’il  ne réprimandait pas Phyo Min Thein et ne condamnait pas ses propos avant le 14 juillet. La LND n’a pas cédé au chantage et Ma Ba Tha a renoncé à ses menaces, préférant annoncer que la déclaration du ministre de Rangoun semblait être un commentaire isolé, qui ne reflétait en rien la position du gouvernement.

Toutefois, le 12 juillet, le Comité Sangha Maha Nayaka a désavoué publiquement Ma Ba Tha, déclarant que l’organisation ne fonctionnait pas en accord avec les règles monastiques du Comité et que celui-ci ne l’avait jamais reconnue comme un groupe officiel. Le 14 juillet, à l’issue de 2 jours de réunion avec les représentants des supérieurs bouddhistes, le ministre birman des Affaires Religieuses a surenchérit en déclarant : « Le futur de Ma Ba Tha pourrait être incertain s’il diffuse des discours de haine créant des conflits interreligieux […] ou interraciaux. ». Il a ensuite demandé au Comité de prendre des mesures à l’encontre des membres de Ma Ba Tha impliqué dans des discours de haine susceptibles de « provoquer de l’animosité et des conflits au sein du peuple birman », ajoutant « il est vraiment important d’avoir de la stabilité et du développement dans le pays ».

C’est ensuite la société civile birmane qui s’est mobilisée contre l’organisation. L’association Thet Da Saunt, a déposé une plainte devant les autorités de Rangoun pour diffamation. La poursuite concerne une manifestation organisée en 2015 par Wirathu, figure de proue de Ma Ba Tha, pendant laquelle il avait traité la Rapporteur Spéciale pour les Droits de l’Homme de « pute », après qu’elle ait dénoncé l’adoption de lois discriminantes sur la protection de la race et de la religion.

Enfin, depuis la semaine dernière, de nombreuses personnalités de la communauté bouddhiste ont condamné Ma Ba Tha, probablement pour s’en distancer. Plusieurs moines ont indiqué qu’ils avaient initialement perçu l’organisation comme protectrice du bouddhisme puis s’étaient rendu compte que l’organisation était radicale et très proche de l’USDP, le parti politique lié à l’armée. « La majorité de la communauté Sangha [communauté spirituelle birmane] ne soutient pas Ma Ba Tha mais alors que les bons moines disciplinés gardent le silence et évitent les disputes, les moines de Ma Ba Tha sont vaniteux. », a déclaré le responsable d’un monastère de Mandalay au journal Myanmar Now. Un des leaders de la révolution de Safran, a aussi dénoncé la mauvaise influence de Ma Ba Tha qui « crée des désaccords entre les moines », et ajouté « ils doivent arrêter leur travail car ils vont à l’encontre de la volonté de la majorité des moines ».

Pour que la Birmanie puisse parvenir à une société juste au sein de laquelle la diversité ethnique et religieuse soit respectée par tous, le gouvernement de la LND doit lutter contre les discours de haine à l’encontre des minorités et mettre fin à l’impunité des groupes extrémistes. Les annonces du mois de juillet laissent espérer que le gouvernement prendra bientôt des mesures concrètes.