L’Union européenne doit faire preuve de prudence dans la levée des sanctions envers la Birmanie

Info Birmanie accueille favorablement la décision prise par l’Union européenne (UE) le 24 janvier de suspendre l’interdiction de visa visant les membres éminents du gouvernement birman. Cette mesure est une réponse adéquate aux récentes évolutions qui ont eu lieu en Birmanie. Elle montre la volonté de dialogue des pays membres de l’UE envers le régime birman et leur volonté de soutenir un élan de réforme visant à la mise en place d’un processus de démocratisation. Cependant, Info Birmanie est vivement préoccupée par la forte possibilité de voir une levée des sanctions beaucoup plus conséquente dans les mois qui viennent, comme semble l’indiquer certaines discussions au sein de l’UE.

Si les changements qui ont eu lieu en Birmanie doivent être salués, des mesures plus profondes doivent encore être entreprises par les autorités birmanes :

? Bien qu’un nombre important de prisonniers politiques aient été récemment libérés, un grand nombre d’entre eux seraient toujours derrière les barreaux. Une levée prématurée des sanctions pourrait compromettre les perspectives de libération de ces prisonniers politiques, alors même qu’aucune réforme législative visant à abolir les lois qui ont permis leur incarcération n’a été entreprise par le gouvernement.

? Si des accords préliminaires de cessez-le-feu ont été signés avec plusieurs groupes armés ethniques[1], des attaques armées continuent à être perpétrées par des soldats de l’armée birmane à l’encontre de civils dans l’État kachin et ce, malgré l’ordre donné par le Président Thein Sein de mettre un terme à ces attaques. Une pacification à l’échelle nationale est indispensable afin de reconstruire la confiance entre les deux parties. Cette confiance est nécessaire à la mise en place d’un dialogue politique avec les minorités ethniques.

? Alors que des changements positifs et bienvenus sont intervenus en Birmanie, les lois qui sous-tendent le système de répression des autorités envers leur population sont toujours en place. Comme le rappelle Aung San Suu Kyi, la Constitution confère aux militaires un pouvoir bien trop important[2].  Elle ne permet pas l’établissement d’un processus politique inclusif, libre et démocratique.

Nous rappelons à l’Union européenne que la libération de TOUS les prisonniers politiques, ainsi qu’une pacification des conflits à l’échelle nationale sont les premières étapes nécessaires à la création d’un environnement propice à l’instauration d’un véritable dialogue pouvant mener à la résolution des problèmes politiques dans le pays. Enfin, la tenue d’élections libres et démocratiques en avril sera également un critère d’évaluation de l’évolution du processus de démocratisation du pays.

D’après Isabelle Dubuis, coordinatrice d’Info Birmanie, « La levée d’un trop grand nombre de sanctions de façon trop rapide reviendrait à anéantir le peu de levier diplomatique détenu par l’Union européenne pour encourager la poursuite de réformes par les autorités birmanes. Nous demandons instamment à l’Union européenne de s’assurer que la levée de chaque sanction correspond à un changement concret et profond et se fait en concertation avec l’opposition birmane, emmenée par Aung San Suu Kyi. Les concessions faites par les membres de l’UE doivent être proportionnelles à l’importance des réformes entreprises par les autorités birmanes. »



[1] La Karen National Union (KNU) et la SSAS (Shan State Army North)

[2] Interview d’Aung San Suu Kyi par Lally Weymouth, Washington Post, 21 janvier 2012.