Un an après les violences anti-musulmanes de Meitkila : Les discours haineux inspirent des lois discriminatoires

Un an après les violences anti-musulmanes de Meitkila : Les discours haineux inspirent des lois discriminatoires

Déclaration du Réseau européen pour la Birmanie

Un an après le début des violences anti-musulmanes à Meiktila, les membres du Réseau Européen pour la Birmanie expriment leurs vives préoccupations face à la montée des discours de haine, mais aussi face aux projets de lois discriminatoires, proposés par des groupes extrémistes bouddhistes et soutenus par le Président.

 Les personnes déplacées par les violences de Meiktila  vivent toujours dans des camps, sans aucune perspective de retour. Le gouvernement ne s’étant pas attaqué aux discriminations anti-musulmanes, il est peu probable qu’elles soient en mesure de retourner chez elles en toute sécurité, même si de nouvelles habitations sont reconstruites.

 Les propositions de loi en cours d’élaboration par le gouvernement de Thein Sein, à la demande du Président du Parlement, Shwe Mann, comprennent une loi qui vise à restreindre la liberté de mariage des non-bouddhistes avec des bouddhistes et une loi qui souhaite limiter le nombre d’enfants auquel une femme musulmane peut donner naissance. Ces lois violent les standards internationaux en matière de droits de l’homme inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

 En défendant ceux qui incitent à la violence et qui promeuvent des discours de haine à l’encontre des musulmans et des autres minorités, ainsi qu’en soutenant les lois qu’ils proposent, le Président et son gouvernement, légitiment leurs points de vue. Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme en Birmanie s’en inquiète dans son dernier rapport de Mars 2014:

 « Le Rapporteur spécial craint que le gouvernement ne s’acquitte pas de son obligation internationale relative aux droits de l’homme pour lutter contre l’incitation à la violence fondée sur la haine nationale, raciale ou religieuse. Des groupes politiques, religieux et communautaires ont mené, en toute impunité, des campagnes extrêmement bien organisées et coordonnées d’incitation à la discrimination, à l’hostilité et à la violence contre les Rohingyas et les autres minorités musulmanes. Le gouvernement a le devoir, en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme, d’enquêter sur la nature et l’étendue des préjudices causés à des personnes et des groupes sur une base de haine raciale ou religieuse et en raison d’incitation à la violence et à l’hostilité, et d’obliger les auteurs de ces violations à répondre de leurs actes et à les punir en conséquence. »

 Le Réseau Européen pour la Birmanie appelle le gouvernement birman et la communauté internationale à étudier les recommandations du Plan d’action de Rabat et le récent rapport sur ??les discours de haine du Rapporteur spécial de l’ONU sur la liberté de religion ou de conviction, et à mettre en œuvre ces recommandations en Birmanie.

 Les membres du Réseau Européen pour la Birmanie appuient aussi la recommandation du Rapporteur spécial qui préconise de suivre la Recommandation Générale 35 du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale sur la lutte contre les discours de haine raciale.

 Nous exhortons le gouvernement birman à mettre en œuvre la Recommandation Générale 35, mais aussi à respecter la Convention sur l’élimination de la discrimination raciale. Nous demandons instamment à tous les partis politiques en Birmanie de soutenir publiquement la mise en œuvre complète en Birmanie de la Recommandation Générale 35.

 Nous attirons l’attention sur la nécessité d’une législation efficace qui puisse aider à traiter la question des discours de haine tout en garantissant que les libertés civiles ne soient pas réduites. Une légalisation conforme à la recommandation générale 35 devrait être adoptée :

 «  Déclarer délits punissables par la loi et de sanctionner efficacement:

a)  Toute diffusion d’idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale ou ethnique, par quelque moyen que ce soit;
b)  L’incitation à la haine, au mépris ou à la discrimination envers des membres d’un groupe racial ou ethnique en raison de la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine nationale ou ethnique;
c)   Les menaces ou l’incitation à la violence contre des personnes ou des groupes pour les motifs énoncés ci-dessus;
d)  L’expression d’insultes, de moqueries ou de calomnies à l’égard de personnes ou de groupes, ou la justification de la haine, du mépris ou de la discrimination pour les motifs énoncés à l’alinéa b, lorsque ces actes s’apparentent clairement à de l’incitation à la haine ou à la discrimination;
e)  La participation à des organisations ou des activités qui encouragent la discrimination raciale ou y incitent. »

Les membres du Réseau Européen pour la Birmanie appellent l’Union européenne et le reste de la communauté internationale à faire comprendre au gouvernement birman que le maintien de relations diplomatiques positives dépendra de sa volonté de suivre la Recommandation Générale 35 et de se conformer à ses obligations internationales en matière des droits de l’homme.

La communauté internationale devrait également indiquer clairement que les deux lois en cours d’élaboration, pour limiter les mariages inter-religieux et le nombre d’enfants des musulmans, sont inacceptables et incompatibles avec les obligations internationales de la Birmanie. Ce projet de loi est discriminatoire à l’égard des minorités religieuses et de toutes les femmes, indépendamment de leur religion.

Il apparaît clairement que le gouvernement birman et les partis politiques d’opposition sont réticents ou incapables de commencer à s’attaquer aux discriminations religieuses, aux discours de haine et aux violences anti-musulmanes. La communauté internationale doit donc tout faire pour aider davantage, y compris en exerçant une pression, afin de s’assurer que tous les dirigeants politiques de Birmanie comprennent l’urgence d’une intervention pour lutter contre l’intolérance religieuse, les discours de haine et l’incitation à la violence en Birmanie.

Les membres du Réseau européen pour la Birmanie appellent l’Union européenne et le reste de la communauté internationale à organiser une conférence internationale  sur ce thème, comptant sur la participation de personnalités de haut rang  avec un soutien financier et une expertise internationale et menant à un plan d’action spécifique.

La lutte contre ce problème croissant devrait constituer une priorité, faute de quoi, l’exacerbation des violences et la mise en place de politiques discriminatoires à l’égard des minorités religieuses et ethniques de Birmanie seront inévitables.

Organisations signataires :

Actions Birmanie (Belgique)
Austrian Burma Center
Association Suisse-Birmanie
Building Social Democracy in Burma (A project under ASD Sweden)
Burma Action Ireland
Burma Aktion Germany
Burma Campaign UK
Burmese Rohingya Organisation UK
Christian Solidarity Worldwide
Info Birmanie (France)
Norwegian Burma Committee
Society for Threatened Peoples (Allemagne)
Swedish Burma Committee