Depuis deux années, le gouvernement birman et les autorités thaïlandaises ont entamé les discussionsconcernant rapatriement des réfugiés birmans. La Birmanie reste pourtant mal préparé pour le retour de ses réfugiés en raison de l’instabilité persistante dans les zones ethniques et le manque de mesures de protection du gouvernement birman pour assurer le rapatriement des réfugiés en toute sécurité.
La situation des réfugiés birmans en Thaïlande : un traitement et des conditions de vie dénoncés par Human Rights Watch
L’organisation Human Rights Watch a récemment publié un rapport sur la situation des personnes réfugiées en Thaïlande : il apparaît que la politique suivie par la Thaïlande à l’égard des réfugiés sur son territoire – politique sans fondement juridique – expose ces personnes à des traitements arbitraires et abusifs, les mettant en situation d’être exploitées ou arbitrairement arrêtées et expulsées[2].
Le sort des réfugiés birmans (qui forment le plus important groupe de réfugiés vivant actuellement en Thaïlande) est particulièrement inquiétant. Après examen du traitement et des conditions de vie des réfugiés birmans dans les camps installés sur la frontière birmano-thaïe et des Birmans vivant à l’extérieur de ces camps qui ne sont pas considérés officiellement comme des réfugiés, ainsi qu’après une étude de l’impact des changements politiques intervenus récemment en Birmanie sur les perspectives de rapatriement des réfugiés et sur les obstacles qui subsistent dans la résolution de ce très ancien problème, il apparaît que « la Thaïlande présente aux réfugiés birmans un choix inique, entre croupir pendant des années dans des camps situés dans des zones isolées et travailler hors de ces camps sans aucune protection contre une éventuelle arrestation suivie d’expulsion ». Bill Frelick, directeur du programme Réfugiés à Human Rights Watch et co-auteur du rapport, affirme également.
La Thaïlande, n’ayant pas ratifié la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et ne disposant d’aucune loi sur les réfugiés ou de procédures opérationnelles en matière d’octroi du droit d’asile, considère les réfugiés de toutes nationalités vivant hors des camps de réfugiés spécifiquement destinés aux Birmans comme étant dans le pays en situation illégale. L’absence de mesures de recensement des réfugiés dans les camps, mesures qui garantirait une protection minimale à ces derniers, rend ces personnes particulièrement vulnérables[3].
Les personnes réfugiées qui vivent dans les camps sont soumises à l’incertitude, à la peur et endurent un sentiment d’impuissance. « Au bout de tant d’années passées sous un régime de restriction de circulation et de dépendance de l’aide extérieure, de nombreux résidents des camps subissent des violences familiales, souffrent de dépression et d’autres problèmes sociaux et psychologiques ». A cela s’ajoutent des souffrances physiques : certains camps de réfugiés sont surpeuplés et manquent de moyens de subsistance de base (nourriture, tentes, etc.), car les bailleurs de fonds internationaux ont reporté leur attention sur des programmes d’aide à l’intérieur de la Birmanie.
D’importants obstacles demeurent au retour des réfugiés
Le rapport d’Human Rights Watch stipule qu’après des décennies de conflits ethniques armés et de répression en Birmanie, les récents changements – y compris la signature d’accords préliminaires de cessez-le-feu entre le gouvernement birman et presque tous les groupes armés non étatiques – font entrevoir la possibilité que les ressortissants birmans réfugiés dans les camps en Thaïlande le long de la frontière puissent regagner leur pays. Mais d’importants obstacles demeurent, dont l’absence d’accords politiques solides, la présence de champs de mines et le refus de la Birmanie de permettre au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) de travailler du côté birman de la frontière.
La restriction des mouvements des réfugiés birmans dans les camps et l’interdiction de travailler imposées par la politique thaïlandaise ont conduit à des dysfonctionnements sociaux et ne sont pas sans conséquence. Human Rights Watch affirme que les réfugiés risquent d’être très mal préparés pour une bonne réintégration dans leurs communautés d’origine lorsqu’ils regagneront leur pays. Il s’avère donc urgent de mettre en œuvre les meilleurs moyens de préparer les réfugiés à un futur retour en toute sécurité et à une bonne réintégration en Birmanie.
Face aux changements de la situation politique en Birmanie, les bailleurs de fonds internationaux des programmes humanitaires sont enclins à travailler directement dans le pays, auprès des autorités, délaissant ainsi les ONG qui travaillent le long de la frontière avec les populations réfugiées. La baisse des budgets alloués aux associations situées en Thaïlande a des conséquences désastreuses sur les conditions de vie des personnes réfugiées, tant au niveau des soins médicaux prodigués à des milliers de réfugiés qu’au niveau des projets éducatifs. « Désormais, les réfugiés ne reçoivent que 80 % du minimum requis en aliments et autres », confie Sally Thompson, directrice adjointe du Thai Burma Border Consortium, une organisation qui fournit des rations alimentaires et autres produits de première nécessité à 145 000 réfugiés.
Le 10 septembre, le Thailand Burma Border Consortium (TBBC) a publié une déclaration indiquant qu’il « était trop top » pour promouvoir le retour des personnes déplacés et que l’éventuel rapatriement des réfugiés devait se faire de façon volontaire, avec la garantie de leur sécurité et dignité. [4]
« Le retour des personnes réfugiées ne doit se faire qu’avec leur consentement et la garantie de leur sécurité et dignité »
L’anxiété et l’incertitude règnent concernant l’éventuel rapatriement en Birmanie des réfugiés des camps thaïlandais. Bien qu’il existe de nombreux acteurs ayant un rôle majeur dans la prise de décision pour savoir quand et comment ce processus aura lieu, aucun n’est plus important que les réfugiés eux-mêmes.
C’est pourquoi un groupement d’organisations locales karen a publié une prise de position collective, rappelant que « les réfugiés ont le droit de faire des choix libres sur où, quand et comment ils vont retourner dans leur patrie »[5].
Ce document décrit les conditions préalables et les processus nécessaires à la réussite du retour volontaire des réfugiés de plusieurs camps situés à la frontière birmano-thaïe.
Les conditions préalables et le processus de rapatriement sont définis afin que soient respectées la sécurité, la dignité et la volonté des personnes réfugiées, notamment :
- la réalisation d’un règlement politique entre les groupes ethniques armés et le gouvernement birman,
- un accord sur un cessez-le-feu,
- la garantie de la sécurité des personnes,
- le retrait de toutes les troupes de l’armée birmane et des milices,
- la fin des violations des droits de l’homme,
- l’abolition de toutes les lois oppressives
- la résolution des problèmes de propriété foncière.
« Nous sommes encouragés par les changements en Birmanie, mais il y a de nombreuses améliorations qui devraient se produire avant que les réfugiés soient en sécurité pour rentrer »,
Dah Eh Kler de l’Organisation des Femmes Karen (KWO).
« Nous avons fui les combats et les abus commis par l’armée birmane. Nous savons que les trêves sont encore fragiles et ne comprennent pas encore un code de conduite exécutoire, les troupes sont encore tout autour de nos anciens villages, le long de mines et autres dangers. Nous espérons que nous pouvons rentrer à la maison un jour prochain, mais il n’est tout simplement pas possible dans les conditions actuelles dans les domaines de Karen. »
Dah Eh Kler de l’Organisation des Femmes Karen (KWO).
En dépit de la situation difficile à laquelle les réfugiés sont confrontés en Thaïlande, le processus de leur retour doit être effectué dans le strict respect international des réfugiés et conformément aux droits humains. Les organismes des Nations Unies et les donateurs doivent veiller à ce que les gouvernements thaïlandais et birman impliquent les réfugiés et les organisations communautaires de réfugiés dans chacune des étapes de la consultation, de la préparation, de la planification et de la mise en œuvre de rapatriement.
La transparence est la clé de ce processus. Les réfugiés doivent avoir à leur disposition autant d’informations que possible sur les conditions de vie dans leur lieu de retour. Ne pas informer les réfugiés serait injuste et créerait davantage d’anxiété et de confusion parmi eux. Cela ne conduirait pas à un processus conforme au droit international relatif aux réfugiés et aux droits humains.
[1] AFP (13 Sep 12) Thailand says Myanmar preparing for refugee return; Irrawaddy (26 Sep 12) After decades of waiting, refugees grow anxious about return
[2] Rapport intitulé « Le traitement par la Thaïlande des réfugiés et des demandeurs d’asile est improvisé et inadéquat » (« Ad Hoc and Inadequate: Thailand’s Treatment of Refugees and Asylum Seekers ») paru le 13 septembre 2012.
[3] Sur les 140.000 personnes vivant dans les neuf camps de réfugiés établis le long de la frontière birmane, seul 60% des réfugiés ont été enregistrés officiellement par le gouvernement thaï. Ce dernier « n’a traité que très peu de nouveaux dossiers de réfugiés dans ces camps depuis le milieu de l’année 2006, n’a toujours pas immatriculé les 40% restants de la population des camps ».
[4] TBBC (10 Sep 12) TBBC visits Rangoon/Yangon; Irrawaddy (12 Sep 12) Reforms make refugee return more likely: TBBC; Irrawaddy (14 Sep 12) Refugee could go back within one year: Thailand
[5] Propos de Ko Shwe de l’Environnement Karen et le Réseau d’action sociale (Kesan).