L’agence de presse Reuters a réussi à obtenir la première version d’un plan d’action du gouvernement birman qui risque d’aggraver les politiques discriminatoires envers les musulmans Rohingyas de Birmanie. En effet, il envisage de les priver de citoyenneté et de conduire de force plus de 130 000 réfugiés dans de nouveaux camps temporaires.
Le plan d’action a pourtant été mis en place suite aux pressions de la communauté internationale qui s’en satisfait. En effet, elle le juge préférable à l’inaction du gouvernement birman, alors qu’il pourrait conduire des milliers de Rohingyas à vivre dans une situation de détention à durée illimitée.
Le gouvernement prévoit ainsi de construire des camps fermés et d’y détenir les résidents musulmans de l’État d’Arakan qui ne sont pas en possession de papiers d’identité valides, qui refusent de s’identifier en tant que “Bengali”, ou qui sont disqualifiés du processus d’«évaluation de la citoyenneté» (voir ci-dessous).
Le choix est clair : accepter leur classification ethnique en tant que « bengalis » et potentiellement accéder à la citoyenneté, ou rester en détention.
La réinstallation de l’ensemble de la population Rohingya déplacée est prévue pour avril et mai 2015, c’est à dire juste avant la mousson. À aucun moment le plan n’envisage la possibilité que les Rohingya déplacés puissent retourner dans leurs foyers d’origine ou qu’ils puissent être autorisés à réintégrer les zones habitées par les populations bouddhistes.
Enfin, le plan du gouvernement prévoit de demander à ce que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) « reloge les aliens illégaux ailleurs » (dans des pays tiers). Ce que le HCR dit être impossible.
Le gouvernement met tout simplement en place les mesures de ségrégation proposées par les extrémistes bouddhistes. En témoigne le projet qui ne reconnait même pas le terme « Rohingya », mais se réfère aux bengalis, dans un effort d’annihilation du peuple Rohingya.
UN ACCÈS À LA CITOYENNETÉ PRESQUE IMPOSSIBLE
En 1982, la junte militaire a adopté une loi sur la citoyenneté, privant les Rohingyas de leur nationalité. Plus de trente ans après, les 800 000 Rohingyas vivant en Birmanie sont toujours apatrides. Face aux pressions de la communauté internationale, le gouvernement a mis en place pendant l’été 2014 un processus «d’évaluation de la citoyenneté» des Rohingyas. Celui-ci n’est accessible qu’aux Rohingyas qui renient leur appartenance ethnique et le processus n’a pour l’instant permis d’accorder la citoyenneté qu’à un très petit nombre de personnes.
Entre juin et août, dans les camps de personnes déplacées dans le district de Myebon, dans l’État d’Arakan, environ 3 000 personnes avaient demandé la citoyenneté. Ils ont en grande partie été déboutés de leurs demandes, soit parce qu’ils refusaient de s’identifier comme «bengalis», soit parce qu’ils avaient perdu leurs papiers d’identité à la suite des violences de 2012. Parmi les 209 personnes qui ont obtenu des papiers, 40 personnes déplacées, reconnues comme étant de l’ethnie Kaman (musulmane), ont acquis la pleine citoyenneté, tandis que 169 Rohingyas ont acquis la citoyenneté par naturalisation. Acquérir la nationalité par naturalisation comme défini dans la loi de 1982, donne des droits limités. Un projet de loi vise par exemple à retirer aux personnes qui ne disposent pas de la pleine nationalité, le droit de se présenter aux élections ou de créer un parti politique. Enfin dans les cas de naturalisation, la citoyenneté peut être retirée si la personne « porte atteinte aux autres ressortissants » ou simplement si elle est suspectée «d’avoir des liens en dehors du pays ».
Les activistes estiment que moins de 5% des Rohingyas pourront obtenir la nationalité birmane grâce à ce processus. Qu’adviendra-t-il des plus de 760 000 autres Rohingyas ?
UN EXODE MASSIF DES ROHINGYAS
Cette situation désespérée a conduit à un exode de masse des Rohingyas. Depuis 2012, 100 000 Rohingyas auraient déjà fui l’État d’Arakan par bateau, fuyant les violences.
Selon Chris Lewa, directrice du Groupe de défense des Rohingyas « Arakan Project », il y a eu une déferlante de départ depuis le 15 octobre dernier, puisqu’on estime que 900 Rohingyas auraient fui chaque jour dans des cargos surpeuplés. Cela représente 10 000 personnes en 10 jours…