Que penser de la gestion de la crise des inondations par le gouvernement birman ?

Que penser de la gestion de la crise des inondations par le gouvernement birman ?

Cet été la Birmanie a été touchée par des pluies torrentielles, que le pays n’avait pas connu depuis des décennies. Rivières en crue, glissements de terrain, villages isolés, maisons et champs engloutis, infrastructures détruites : il s’agit de la plus grave catastrophe naturelle depuis le Cyclone Nargis de 2008. Les inondations ont affecté 12 des 14 régions et États entre le mois de juin et le mois d’août et ont été aggravée le 31 juillet par le passage du cyclone Komen dans le sud du pays.

Au moins 117 personnes auraient trouvé la mort dans les inondations et le bilan ne cesse de s’alourdir. Selon les autorités birmanes, 400 000 foyers au moins ont été obligé de quitter leur domicile et 1,6 millions de personnes ont été « gravement affectées » par la catastrophe.

Alors qu’en Birmanie la saison des plantations a commencé, plus de 300 000 hectares de terres arables sont sous les eaux et des centaines de milliers de paysans ont perdu leurs semences et même parfois leur bétail. D’ici quelques mois, la Birmanie rencontrera des difficultés pour nourrir sa population. En attendant, de nombreuses zones ne sont accessibles que par voie aérienne et l’aide humanitaire peine à arriver jusqu’aux populations isolées qui manquent de nourriture et d’eau potable.

Alors que les élections générales auront lieu dans moins de 3 mois, cette catastrophe ravivent les souvenirs du référendum pour la constitution qui avait eu lieu quelques jours après le cyclone Nargis. Ce dernier avait fait 140 000 morts et provoqué des dégâts gigantesques à travers le pays. Après avoir bloqué l’aide internationale pendant trois semaines, la junte militaire avait maintenu le référendum alors que le pays venait de vivre l’une des pires catastrophes de son histoire. La constitution – toujours en place et largement contestée – avait été approuvée, malgré les irrégularités, par 92% des votes, selon la junte.

7 ans après, qu’en est-il ? Dans un premier temps les autorités birmanes ont minimisé l’ampleur des inondations puis la gestion de la crise a pris une dimension politique et des allures de campagne électorale. Au début du mois d’août, le gouvernement et l’opposition, soucieux  de montrer leur réactivité, ont multiplié les initiatives pour secourir les populations affectées et ont largement fait appel à l’aide internationale. Les autorités birmanes ont mis à disposition des secouristes des hélicoptères, des avions et des bateaux pour leur permettre d’atteindre les zones isolées. Par ailleurs, des militaires ont été déployés sur le terrain pour aider les villageois.

« La réponse du gouvernement a été trop lente, mais comparée à celle de Nargis, c’est un énorme changement » a déclaré l’analyste politique Kyaw Lin Oo. Il semblerait que la gestion des inondations a redoré l’image de l’armée birmane et permis au gouvernement de gagner en crédibilité en vue des élections.

Toutefois, l’efficacité du plan d’action des autorités en cas de catastrophe naturelle – défini par la loi en 2013 – reste largement critiquée puisque les opérations de secours peinent à atteindre les zones les plus impactées. De plus, les autorités ont menacé de poursuivre en justice ceux qui diffuseraient “de fausses informations sur le désastre naturel avec l’intention d’effrayer le peuple”. Ces intimidations, rappellent l’attitude des militaires en 2008 qui arrêtaient les travailleurs humanitaires indépendants et toutes personnes critiquant leur gestion de la crise.

À l’image de la politique menée par le gouvernement birman, la réponse à la crise reste très inégalitaire. Info Birmanie a reçu des informations de ses partenaires de l’État d’Arakan –  l’un des deux états les plus pauvres et les plus touchés par la catastrophe –  indiquant que les autorités avaient évacué une partie des arakanais bouddhistes et leur avaient fourni une aide humanitaire, alors qu’elles avaient abandonné la minorité musulmane des Rohingyas à son sort. Ses conditions de vie, notamment dans les camps de déplacés, en font pourtant l’une des communautés les plus exposées aux catastrophes naturelles. La majorité des décès ont par ailleurs eu lieu dans l’État d’Arakan.

Par ailleurs le groupe extrémiste Ma Ba Tha s’est hissé sur le devant de la scène en organisant une grande collecte de don destinée à venir en aide aux victimes des inondations. Il a déjà récolté plus de 35 000 euros et commencé ses opérations de secours.

Alors que le déblaiement a commencé, la destruction des infrastructures et des voies de transports dans de nombreuses régions, ne permet pas de répondre correctement aux besoins. Le manque d’eau potable, la multiplication des maladies et l’augmentation du prix des produits de première nécessité (à commencer par les denrées alimentaires), menacent des centaines de milliers de personnes. Le retour à la normal devrait prendre plusieurs années.

Le gouvernement birman doit faciliter l’acheminement de l’aide et la reconstruction pour tous, sans négliger les zones ethniques isolées. Il doit protéger tout particulièrement les groupes les plus vulnérables, comme les femmes, les enfants, les handicapés, les personnes âgées et les minorités ethniques et religieuses. Les opérations de secours et de reconstruction doivent être menées de façon inclusive et en ligne avec les principes humanitaires internationaux. Le Forum des Organisations de la société civile a publié une déclaration appelant le gouvernement à « utiliser le budget de l’État de façon transparente et méthodique sans discriminations ni corruption ».

La communauté internationale, les donateurs et les autorités birmanes doivent travailler en collaboration avec les organisations locales qui sont les mieux placées pour répondre aux besoins des populations les plus vulnérables.

Selon le Think Tank allemand Germanwatch la Birmanie a été le 2ème pays le plus impacté par les effets du changement climatique entre 1994 et 2013. La tendance ne risquant pas de s’inverser, les autorités birmanes doivent prendre des mesures sur le long terme pour améliorer leur réponse aux catastrophes naturelles et surtout réfléchir aux moyens d’en limiter l’impact sur la population.

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