Discours de Justice for Myanmar, lu par Greta Thunberg lors de la cérémonie du Right Livelihood Award 2025

Discours de Justice for Myanmar, lu par Greta Thunberg lors de la cérémonie du Right Livelihood Award 2025

Traduction d’Info Birmanie, texte d’origine dans la vidéo ci-dessous.

Nazanine Moshiri, présentatrice de la cérémonie

Justice for Myanmar est un collectif anonyme. Ils révèlent les liens financiers internationaux qui soutiennent la junte militaire du Myanmar. Leur travail est tellement dangereux qu’ils ne peuvent pas montrer leur visage et nous ne pouvons même pas entendre leur voix.

Nous espérons qu’ils nous regardent et nous écoutent ce soir.

Malheureusement, les représentants de Justice for Myanmar, comme vous pouvez le voir aux sièges vides derrière moi, ne peuvent pas être présents ce soir car révéler leur identité mettrait leur vie en danger. C’est pourquoi ils reçoivent le prix en leur absence.

Mais ils nous ont demandé de nous assurer que Greta Thunberg, lauréate du Right Livelihood et militante pour la justice climatique, soit ici pour lire leur discours d’acceptation.

Greta Thunberg

Nous sommes profondément honorés d’être reconnus par la Right Livelihood Foundation aux côtés de lauréats du Pacifique, de Taïwan et du Soudan, dont le travail nous inspire.

Nous acceptons ce prix au nom du peuple courageux du Myanmar qui, depuis près de cinq ans, depuis la tentative de coup d’État brutale de l’armée, s’oppose à la junte avec une résistance inébranlable, une grande dignité et d’immenses sacrifices.

Ce prix leur appartient. Il appartient aux jeunes qui défilent dans les rues, déterminés à construire un avenir sans tyrannie.

À ceux qui cherchent encore la justice après des décennies d’oppression. Aux lanceurs d’alerte qui risquent tout pour dire la vérité. À ceux qui ont donné leur vie pour que d’autres puissent vivre libres de la brutalité militaire, et aux innombrables personnes qui continuent de se battre pour une démocratie fédérale fondée sur la paix et la justice pour tous.

Nous nous tenons à leurs côtés.

Depuis la tentative de coup d’État illégale de 2021, l’armée a déclenché une campagne de terreur : massacres, torture, violences sexuelles, frappes aériennes et incendies de villages. Même les enfants ne sont pas épargnés. Ces crimes sont commis par les mêmes responsables du génocide contre les Rohingyas, dans une impunité totale. Pourtant, malgré l’horreur, le courage du peuple ne faiblit pas.

Notre mouvement ne s’oppose pas seulement aux généraux qui commettent ces crimes, mais aussi aux gouvernements, entreprises et banques qui financent et facilitent la violence de la junte — et à l’oppression des peuples du monde entier, de la Palestine à l’Ukraine, du Turkestan oriental au Soudan, avec lesquels nous sommes solidaires.

Le Right Livelihood Award confirme que la lutte du Myanmar s’inscrit dans un combat mondial pour la justice et la dignité humaine. Pour démanteler le cartel militaire, nous avons besoin de solidarité et d’action.

En décembre, la junte organisera de fausses élections.

Nous appelons les gouvernements à rejeter cette mascarade et à stopper les flux d’argent, d’armes, d’équipements et de carburant aéronautique qui alimentent la terreur.

Nous appelons les entreprises et les investisseurs : retirez votre argent de l’armée et de ses alliés. Mettez fin à cette complicité. Ne financez pas les atrocités.

Cet honneur renforce notre détermination et envoie un message clair à la junte et à ses soutiens : le monde regarde. La révolution du peuple du Myanmar triomphera.

Greta Thunberg Birmanie

…………………………………….

Nazanine Moshiri, présentatrice de la cérémonie

Merci infiniment à Greta Thunberg d’être venue ce soir pour lire cette déclaration.

Restons au Myanmar : nous avons la chance d’accueillir Montse Ferrer d’Amnesty International, directrice adjointe de la recherche pour l’Asie de l’Est, du Sud-Est et le Pacifique. Découvrons un peu plus la situation actuelle au Myanmar.

Malheureusement, ce n’est presque pas dans l’actualité avec tout ce qui se passe dans le monde. Pouvez-vous nous dire comment la situation a évolué cette année ?

Montse Ferrer, Amnesty International

Absolument. La situation est malheureusement sombre. Depuis le coup d’État il y a presque cinq ans, le conflit ne cesse de s’aggraver, et 2025 ne fait pas exception. Nous avons vu un nombre record de frappes aériennes, dont beaucoup constituent des crimes de guerre. Beaucoup ont touché des infrastructures civiles : écoles, hôpitaux, lieux religieux.

Il y a quelques semaines, une frappe aérienne a touché une école en plein jour, tuant des dizaines d’enfants. En plus de cela, des milliers de prisonniers politiques subissent torture et mauvais traitements, et certains sont morts en détention en 2025.

De plus, comme l’a mentionné Justice for Myanmar, les élections à venir sont largement considérées comme une mascarade, et toute personne qui s’exprime contre celles-ci fait face à des sanctions brutales.

Enfin, il y a eu une réduction massive de l’aide humanitaire après le tremblement de terre qui a frappé la région de Sagaing, affectant durement les civils et les personnes déplacées.

— Le tremblement de terre n’a presque pas fait la une, n’est-ce pas ?

— En effet.

Nazanine Moshiri, présentatrice de la cérémonie

Justice for Myanmar mène de nombreuses enquêtes clandestines. J’en ai mené moi-même lorsque je travaillais pour le Conseil de sécurité de l’ONU. Ce qu’ils font est extrêmement dangereux, et toute identification pourrait leur coûter la vie.

Quels sont les risques pour des groupes comme eux ? Expliquez-nous.

Oui. Le fait qu’ils ne soient pas ici en est la preuve. Les risques sont tout simplement mortels — pour eux, leurs familles, leurs amis. Leur travail pourrait être réduit au silence.

Que pouvons-nous faire ?

Beaucoup de choses, spécifiquement pour le Myanmar /Birmanie — et j’ai parlé avec Justice for Myanmar, donc certains messages viennent d’eux.

Premièrement, et particulièrement pour le public suédois : informez-vous.

Justice for Myanmar et le Comité Birman de Suède ont récemment publié un rapport montrant que de nombreux fonds de pension suédois sont investis dans des entreprises liées à la junte. Informez-vous et vérifiez où va votre argent.

Deuxièmement : ce message vaut pour la Suède mais aussi pour le reste du monde. Exigez de vos gouvernements qu’ils arrêtent de couper l’aide. Le gouvernement suédois l’a fait. Les États-Unis aussi.

De nombreux pays réduisent leur aide au moment où c’est le plus crucial : les défenseurs des droits humains, les civils touchés par les frappes, les réfugiés… ont besoin de soutien. Ce n’est vraiment pas le moment de réduire l’aide.

Présentation de Justice for Myanmar

Il y a près de cinq ans, l’armée du Myanmar a tenté un coup d’État pour annuler les élections générales de 2020, qui avaient donné une victoire écrasante à la Ligue Nationale pour la Démocratie.

Depuis, l’armée a répondu à la résistance nationale par une campagne de terreur : massacres, arrestations arbitraires, frappes aériennes et bombardements, viols et violences sexuelles, torture, et incendies systématiques de villages.

Nous, Justice for Myanmar, sommes un groupe clandestin utilisant la recherche judiciaire, la visualisation de données et le suivi des flux financiers pour exposer le cartel militaire du Myanmar et démanteler les réseaux économiques qui alimentent la brutalité, la corruption et les souffrances massives.

L’armée consolide son pouvoir non seulement avec des armes mais aussi avec l’argent — des milliards provenant des banques, des champs pétrolifères et de sociétés étrangères. Notre travail s’attaque directement à cette architecture. Nous ne faisons pas que documenter : nous la fragilisons. Nous déclenchons des sanctions, des désinvestissements et des mesures d’imputabilité.

Nos enquêtes ont révélé des livraisons de carburant aéronautique, des contrats d’armement, des systèmes de surveillance télécom, et des opérations bancaires offshore. Chaque révélation brise une part de la complicité mondiale et entraîne de réelles conséquences.

Le retrait d’Adani du Myanmar, les sanctions contre des magnats locaux, le désinvestissement d’Airbus d’un partenaire chinois, les actions de fonds de pension qui ont ébranlé les entreprises liées à la junte.

Nous imaginons un Myanmar libre de la tyrannie, où la lutte actuelle pour une démocratie fédérale, la justice et la paix devient la réalité de demain.