Discours de Zue Padonmar lors de la 59ème sessions du Conseil des droits de l’Homme

Discours de Zue Padonmar lors de la 59ème sessions du Conseil des droits de l’Homme

Traduction de la prise de parole de Zue Padonmar, militante des droits humains et des femmes et première secrétaire du Conseil de sécurité intérimaire de l’État Karenni lors de la 59ème session du Conseil des droits de l’Homme, à Genève en juin 2025

Mesdames et Messieurs les délégués, c’est un grand honneur pour moi de vous parler de la situation désastreuse des droits humains dans mon pays, le Myanmar/Birmanie. Je remercie le Haut-Commissaire et le Rapporteur spécial, pour l’attention constante qu’ils portent à la crise au Myanmar/Birmanie.

Je m’appelle Zue Padonmar. Je suis défenseuse des droits humains et des droits des femmes, originaire de l’état Karenni, une petite région de l’est du Myanmar, à la frontière de la Thaïlande.

Je suis ici pour vous faire part des souffrances inimaginables de mon peuple, aux mains de la junte militaire illégitime. Je tiens également à souligner l’extraordinaire résilience des peuples Karenni et de l’ensemble du Myanmar/Birmanie, et leur aspiration à la démocratie fédérale et au respect des droits humains.

L’Etat Karenni est devenu un champ de bataille. J’ai moi-même survécu aux attaques aériennes de l’armée birmane. Tous les jours la junte cible délibérément les civils au moyen d’avions de chasse, d’hélicoptères et d’artillerie lourde, bombardant régulièrement les écoles, édifices religieux et camps de déplacés.

En dépit de son annonce d’un cessez-le-feu temporaire suite au séisme dévastateur du 28 mars, le jour-même la junte continuait ses attaques contre les civils. Depuis le séisme, la junte a mené plus de 980 frappes aériennes et attaques d’artillerie, tuant plus de 600 personnes et en blessant 1 300 autres.

Les mines restent toujours une menace majeure : depuis le début de l’année, un civil a été tué et huit ont été blessés rien que dans l’état Karenni.

Nous devons faire face aux arrestations arbitraires, à la torture et aux violences sexuelles liées aux conflits. Les femmes et les jeunes filles sont particulièrement vulnérables, victimes de viols collectifs et d’autres formes d’abus de la part des soldats de la junte.

La survie est extrêmement difficile pour la population.

Plus de 3,5 millions de personnes ont été déplacées dans tout le pays. Les familles n’ont plus de maison où retourner. La junte fait preuve d’un mépris total pour la vie humaine. En dépit des souffrances immenses de son peuple, elle détourne l’aide humanitaire à son profit. Elle entrave l’acheminement de l’aide vitale vers ceux qui en ont le plus besoin. Les intervenants en première ligne font de leur mieux pour combler le vide, mais ce n’est pas suffisant.

Pourtant il y a de l’espoir. Je peux témoigner de l’incroyable résilience de notre peuple.

Nos demandes sont claires : la fin du régime militaire et de l’impunité, la mise en place d’un système démocratique fédéral, la reconnaissance internationale et le soutien des structures de gouvernance civiles.

Ces quatre dernières années, notre détermination n’a fait que se renforcer.

En fait, notre vision collective de l’avenir, la démocratie fédérale, est déjà en train de voir le jour. Dans l’état Karenni, nous sommes en train de mettre en place des structures de gouvernance civile. En 2023, nous avons établi le Conseil de sécurité intérimaire de l’État Karenni-IEC.

L’IEC est un gouvernement intérimaire décentralisé qui assure l’implication des communautés et leur participation aux processus de décision à tous les niveaux, tout en veillant à ce que les femmes occupent 35 % des postes de direction.

En dépit des challenges innombrables, nous fournissons des services d’urgence, de l’aide humanitaire, des services éducatifs et de santé et nous établissons l’état de droit à travers tout l’Etat Karenni.

Dans tout le Myanmar/Birmanie, de nouvelles institutions sont établies qui fournissent de l’aide et construisent l’état de droit. Nos efforts construisent les fondations du futur fédéral pour le Myanmar/Birmanie.

Mesdames et Messieurs les délégués, nous avons besoin de toute urgence du soutien de votre gouvernement.

  • Tout d’abord, nous avons besoin de votre aide pour sauver des vies et soulager les souffrances humaines.

Les coupes récentes dans l’aide humanitaire internationale ont eu un effet dévastateur sur les vies de nos populations vulnérables. Les gouvernements et les donateurs doivent non seulement fournir des fonds suffisants mais également travailler de concert avec les autorités ethniques et les organisations locales de la société civile afin d’apporter l’aide à ceux qui en ont le plus besoin.

  • Deuxièmement, nous avons besoin de votre soutien pour mettre en place des institutions démocratiques à partir de la base.

Nous avons besoin de votre reconnaissance et de votre soutien technique. Nous avons également besoin que vous vous engagiez à nos côtés et que vous nous aidiez à relever les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés. Nous avons besoin que vous reconnaissiez notre vision d’un Myanmar/Birmanie fédéral et démocratique.

  • Enfin, nous avons besoin de votre soutien pour isoler la junte et mettre fin à ses attaques contre notre peuple.

Stoppez le flux d’armes et de carburant d’aviation vers le régime militaire, dont il se sert pour nous attaquer. Coupez-lui tout accès à l’argent, utilisé pour financer son oppression. Aidez-nous à faire en sorte que les auteurs de ces crimes répondent de leurs actes en vertu du droit international.

Mesdames et Messieurs les délégués, ne fermez pas les yeux sur les souffrances que nous endurons. Je vous demande, ainsi qu’à votre gouvernement, de déployer des efforts concertés pour nous soutenir dans notre lutte contre cette dictature militaire inhumaine.

Je vous remercie de l’attention que vous portez au peuple du Myanmar/Birmanie.

Vous pouvez retrouver la prise de parole de Zue Padonmar h en anglais ici (à 1h05), ainsi que d’autres prises de parole sur la situation birmane.

Discours de Noor Azizah lors de la 59ème sessions du Conseil des droits de l’Homme

Discours de Noor Azizah lors de la 59ème sessions du Conseil des droits de l’Homme

Traduction de la prise de parole de Noor Azizah, co-fondatrice et directrice du plaidoyer de la Rohingya Maìyafuìnor Collaborative Network, lors de la 59ème session du Conseil des droits de l’Homme, à Genève en juin 2025

Monsieur le Président, Haut-Commissaire, Monsieur le Rapporteur, Chèr.e.s distingué.e.s délégué.e.s

Je viens de rentrer de Cox’s Bazar, le plus grand camp de réfugiés au monde et je n’oublierai jamais ce que j’y ai vu.

Dans un abri sous une chaleur écrasante, une mère Rohingya m’a dit qu’elle ne dort plus depuis des jours, non pas à cause de la chaleur ou de la faim, mais par peur. Elle reste éveillée chaque nuit pour surveiller ses filles et ses garçons: « Je leur dis de ne pas pleurer, de ne pas bouger, parce que l’obscurité ne pardonne pas à des femmes comme nous ». Elle ne va pas aux toilettes après le coucher du soleil. Les femmes qui y vont, se font violer aux abords des latrines.

J’ai rencontré un petit garçon, Abdul Rahman, âgé d’à peine trois ans. Il a reçu une balle dans la jambe, alors qu’il fuyait pour passer la frontière. Son père a été exécuté sous ses yeux. Sa mère l’a porté, couvert de sang, pour traverser la rivière Naf. Elle ne savait pas s’il survivrait.

Dans une clinique MSF, j’ai vu aussi cinq jeunes filles. Elles venaient toutes d’accoucher. Aucune n’avait plus de 15 ans. Toutes étaient devenues mères après un viol. Il ne s’agit pas juste d’une crise, c’est un appel à protéger, un appel à la justice, pour mettre fin à l’effacement de tout un peuple.

Pendant ce temps les rations alimentaires sont réduites, plus de 6 500 centres de formation ont fermé, un demi-million d’enfants errent sans but, et sont exposés à la traite d’êtres humains, aux blessures, au désespoir.

Dans ce climat d’abandon, une nouvelle pression dangereuse s’exerce. Des pressions discrètes s’opèrent sur les réfugiés pour qu’ils rentrent au Myanmar/Birmanie. Mais rentrer vers quoi ?

Selon le Rapporteur, l’Etat Rakhine est toujours une zone de guerre. Les civils Rohingyas sont bombardés et arrêtés, ils disparaissent. Le rapport du Haut-Commissaire est clair : les conditions pour un retour volontaire en toute sécurité et dignité n’existent pas.

Pourtant il est presque impossible de quitter les camps, moins de 1% bénéficie d’un programme de ré-installation. La protection juridique est limitée et l’aide est en train de diminuer drastiquement. Les familles font donc face à un choix impossible: entreprendre un voyage à haut risque pour traverser la mer vers la Malaisie et l’Indonésie ou bien rester prisonnières dans un néant sans fin et un avenir flou.

Soyons clairs: un retour sans garantie des droits n’est pas une solution. Un retour à la surveillance, aux prisons à ciel ouvert, à une situation d’apatridie, ce n’est pas une solution.

Les réfugiés Rohingyas le savent. Ils le répètent :  « Nous ne retournerons au Myanmar/Birmanie qu’en qualité de citoyens, en tant qu’êtres humains, et dans la dignité« .

Le futur Myanmar/Birmanie doit inclure les Rohingyas, ce n’est pas une option. C’est une urgence. Mais nous devons être inclus dès à présent et non pas ajoutés plus tard. Nous ne sommes pas des étrangers, nous faisons partie du peuple du Myanmar/Birmanie.

Pour aller de l’avant, j’exhorte respectueusement les États Membres à:

  • Développer les réinstallations dans des pays tiers,
  • Fournir une protection juridique, des services éducatifs et des moyens de subsistance à ceux qui ne peuvent pas rentrer,
  • Augmenter l’aide humanitaire, notamment dans l’État Rakhine, où l’insécurité alimentaire est à la hausse.
  • Soutenir la justice transitionnelle
  • Et veiller à ce que tout processus politique au Myanmar/Birmanie comprenne tous les groupes ethniques, notamment les Rohingyas et ce, depuis le début.

Je voudrais terminer en disant ceci : l’apatridie ce n’est pas une catastrophe naturelle, c’est de la violence. Une violence délibérée, intentionnelle, imposée par la loi, les frontières et le silence.

Pour y remédier, il faut plus que des politiques, il faut une volonté politique, il faut du courage, il faut écouter ceux qui ont survécu aux flammes et qui sont encore là, debout, aujourd’hui.

Nous n’attendons pas en silence, nous sommes en train de nous organiser, de reconstruire, de montrer la voie. Nous ne sommes pas juste des victimes, nous sommes des visionnaires.

Ne laissons pas ce jour être une occasion de plus pour le monde de détourner le regard. Mais plutôt celle ou nous sommes enfin vus et crus.

Je vous remercie.

Vous pouvez retrouver la prise de parole de Noor Azizah en anglais ici (à 1h13), ainsi que d’autres prises de parole sur la situation birmane.

Conclusion par Noor Azizah


Merci, Monsieur le Président, et merci au Rapporteur spécial pour vos efforts inlassables et votre engagement continu à établir la vérité face aux crimes atroces en cours.

Alors que nous concluons la discussion d’aujourd’hui, je tiens à saluer le travail important réalisé par de nombreux États membres et mécanismes pour maintenir le Myanmar/Birmanie à l’ordre du jour. Ce n’est pas un travail facile. Mais je dois aussi dire franchement et avec un profond respect que l’inquiétude n’est tout simplement pas suffisante.

La situation au Myanmar/Birmanie ne fait pas que se détériorer. On la laisse se détériorer. Il ne s’agit pas seulement d’une urgence humanitaire. C’est le manque de responsabilité, le manque de volonté politique et l’incapacité à s’attaquer aux causes profondes qui ont rendu cette violence possible pour la communauté à laquelle j’appartiens.

Pour les Rohingyas ce ne sont pas des échecs, mais des réalités vécues dans leur chair : des familles échouées en mer, des femmes confinées dans des camps derrière des barbelés, des enfants nés en exil qui n’ont toujours pas de citoyenneté ou d’identité légale. Il ne s’agit pas d’incidents isolés mais d’un schéma permanent.

Aujourd’hui je demande donc instamment à ce Conseil et à tous les États membres de faire preuve de clarté, et de soutenir les recommandations du rapporteur spécial.

Cela signifie qu’il faut veiller à ce que les voix des Rohingyas, et pas seulement celles des organisations qui parlent de nous, soient au centre de toutes les conversations sur la gouvernance future, la responsabilité et le rapatriement.

Cela signifie qu’il faut utiliser tous les mécanismes internationaux et régionaux disponibles pour faire pression en faveur de la protection des civils dans l’ensemble du Myanmar/Birmanie, y compris les minorités ethniques des communautés Kachin, Karen, Shan et Chin.

Cela signifie qu’il faut reconnaître que le rapatriement sans garanties de sécurité, de justice et de rétablissement des droits n’est pas une solution. C’est un risque.

Excellences, nous ne voulons pas que l’on se souvienne de nous uniquement à travers des récits de souffrances. Nous voulons participer à l’élaboration de solutions. Les Rohingyas ne sont pas des victimes passives. Nous sommes des survivants qui ont de la dignité, de la perspicacité et le droit de rentrer chez eux en pleine possession de leur identité et de leurs droits.

Ne nous retrouvons pas ici l’année prochaine avec les mêmes mises à jour, les mêmes avertissements et les mêmes conclusions.

Je vous remercie de votre attention.

Airbus se désengage d’une entreprise d’armement chinoise à la suite d’une campagne internationale

Airbus se désengage d’une entreprise d’armement chinoise à la suite d’une campagne internationale

Justice For Myanmar et Info Birmanie se félicitent de cette initiative et demandent à Airbus d’utiliser ses activités en Chine comme levier pour mettre fin à la fourniture d’armes à l’armée birmane.

Justice For Myanmar et Info Birmanie se félicitent de la décision d’Airbus de se désengager d’AviChina Industry & Technology Company Limited (AviChina), dont elle était le principal actionnaire international avec 5,03 %. L’investissement était évalué à 140 millions de dollars américains au 30 juin 2024.

Ce désinvestissement fait suite à une vaste campagne impliquant des organisations de la société civile, des groupes de grève, des syndicats, des manifestants et des particuliers du monde entier, qui ont fait campagne pour qu’Airbus use de son influence sur Aviation Industry Corporation of China (AVIC) afin qu’elle mette fin à ses relations commerciales avec l’armée de Birmanie (Myanmar), ou qu’elle se désinvestisse.

Un rapport publié en septembre 2024 par Justice For Myanmar et Info Birmanie a révélé l’investissement significatif d’Airbus dans la filiale d’AVIC cotée en bourse, AviChina Industry & Technology Company Limited.

Les produits d’AviChina comprennent l’avion léger d’entraînement et d’attaque K-8 et l’avion polyvalent Y-12, qui continuent tous deux d’être utilisés par l’armée de l’air birmane pour des frappes aériennes indiscriminées dans l’ensemble du pays.

Airbus a achevé son désinvestissement d’AviChina le 1er avril 2025 et l’a reconnu dans les informations financières publiées pour la période de trois mois se terminant le 31 mars. Dans une réponse par courriel à Justice For Myanmar et Info Birmanie, un porte-parole d’Airbus a confirmé : « Airbus SE a achevé la vente de la totalité de ses actions dans AviChina Industry & Technology Company Limited, une filiale d’Aviation Industry Corporation of China (AVIC). Airbus ne détient aucune participation dans AVIC ».

L’entreprise a refusé de faire d’autres commentaires, invoquant une plainte en cours auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) aux Pays-Bas concernant les relations commerciales entre Airbus et AVIC, plainte déposée par une organisation de la société civile birmane.

Airbus reste un investisseur important dans l’industrie aéronautique chinoise, malgré la stratégie bien documentée de la Chine en matière de fusion entre le militaire et le civil. Comme le précise le rapport d’Airbusted, Airbus exploite de multiples entités juridiques en Chine, y compris des coentreprises, en grande partie avec AVIC et ses filiales.

Les partenariats d’Airbus avec des entreprises contrôlées par AVIC sont incompatibles avec les responsabilités d’Airbus en matière de diligence raisonnable dans le domaine des droits humains, car les entreprises opérant sous le contrôle d’AVIC continuent de fournir des armes – y compris des avions militaires – à l’armée birmane. Ce faisant, AVIC risque d’aider et de cautionner les crimes internationaux commis par l’armée de Birmanie.

On ne sait toujours pas dans quelle mesure, et si, Airbus a utilisé son influence sur AVIC pour s’opposer à la poursuite des exportations d’armes vers la junte birmane.

Pourtant, en vertu des normes internationales relatives aux entreprises et aux droits humains – notamment les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme et les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales – Airbus devrait user de son influence pour faire pression sur AVIC afin qu’elle cesse toute relation commerciale avec l’armée de Birmanie (Myanmar) ou, en cas d’échec, qu’elle se désengage de manière responsable de ses partenariats avec AVIC.

En Birmanie, les attaques aériennes aveugles se sont poursuivies alors même que les secouristes recherchaient des survivants à la suite du tremblement de terre dévastateur dit de Sagaing, qui a frappé le pays en mars 2025.

L’armée de l’air birmane ne peut mener sa campagne de terreur aérienne que grâce à la fourniture continue d’avions et d’armes associées, de matériel essentiel et de services de maintenance, de réparation et de révision par des partenaires étrangers.

En investissant dans AviChina, Airbus soutenait financièrement et profitait du développement continue et de la commercialisation d’avions militaires par AviChina et de l’exportation de ces derniers vers l’armée birmane.

Yadanar Maung, porte-parole de Justice For Myanmar :

« Le désinvestissement d’Airbus envoie un signal fort à AVIC et au gouvernement chinois : la fourniture d’avions militaires et d’armements associés à la junte birmane a un coût financier et un coût réputationnel. »

« La Chine reste le principal fournisseur d’armes, de biens à double usage, de technologies et de formations à l’armée birmane. Cette complicité doit cesser. »

« Il est impératif qu’Airbus prenne des mesures supplémentaires et utilise l’influence qu’il a sur AVIC en Chine pour qu’il cesse tout soutien à l’armée birmane, ou qu’Airbus mette fin à ses activités avec AVIC. »

Johanna Chardonnieras, coordinatrice d’Info Birmanie :

« Ce désinvestissement doit être un signal d’alarme pour les autres entreprises, en particulier les entreprises européennes, directement ou indirectement impliquées avec la junte birmane. Il existe un cadre juridique aux niveaux national, européen et international, ainsi qu’une vaste documentation sur les crimes de guerre commis par la junte birmane, que les entreprises ne peuvent plus ignorer. »

« Le désinvestissement discret d’Airbus d’AviChina ne marque pas la fin d’une responsabilité, mais plutôt une prise de conscience. Il appartient désormais à nos institutions, en particulier aux institutions françaises, espagnoles et allemandes dont les gouvernements sont les trois principaux actionnaires d’Airbus, de faire toute la lumière sur les contrats et les liens entre Airbus et le groupe AVIC et ses filiales. »

« Les outils juridiques, tels que les sanctions européennes et le devoir de vigilance, doivent être appliqués. Lorsque nos institutions ne les appliquent pas, elles mettent en péril leur crédibilité, reléguant l’application de leurs décisions aux acteurs de la société civile. »

Ce communiqué de presse est disponible en français, en anglais et en birman.

Pour plus d’information :

Lire notre rapport Airbusted, disponible en français et anglais.

L’article de Disclose « Birmanie : Airbus impliqué dans l’armement de la junte militaire »



Une réponse basée sur les communautés locales au tremblement de terre, est la seule réponse possible

Une réponse basée sur les communautés locales au tremblement de terre, est la seule réponse possible

Tribune de Khin Ohmar, publié en anglais sur DVB le 28 avril 2025. Traduction en français par Info Birmanie.

Le tremblement de terre dévastateur de Sagaing qui a frappé la Birmanie (Myanmar) le 28 mars a ajouté une nouvelle vague de dévastation dans un pays déjà en crise. Pour de nombreuses personnes dans le monde, ce tremblement de terre apparaît comme la dernière d’une série de catastrophes naturelles. Mais pour le peuple birman, il s’agit d’une nouvelle plaie ouverte pour une nation qui souffre déjà de la violence et de l’oppression d’une junte militaire brutale.

Toute tentative de réponse à cette catastrophe doit commencer par une constatation fondamentale : il ne s’agit pas simplement d’une urgence humanitaire, mais d’une urgence politique. Il ne peut y avoir de reconstruction efficace et éthique si l’on permet aux responsables de la souffrance de contrôler la solution tout en continuant à détruire des vies par des bombardements et des meurtres. 

Pourtant, certaines propositions – comme celle récemment publiée dans le Jakarta Post par William Sabandar – suggèrent de confier à la junte militaire un rôle central dans la reconstruction, à condition qu’elle fasse preuve de « transparence et de responsabilité ». Cette proposition, au-delà d’être naïve, est dangereuse.

L’aide ne doit pas passer par la junte

Depuis 2021, l’armée birmane mène une campagne de terreur contre la population, sous la forme d’une punition collective, pour avoir rejeté catégoriquement sa tentative de coup d’État. 

Elle a bombardé des écoles et des villages, brûlé des maisons, pris pour cible des médecins et bloqué l’accès à l’aide humanitaire utilisée comme une arme de guerre. Aucun contrôle technique ni aucune bonne intention ne peut assainir l’aide fournie par cette junte.

Nous avons déjà vu cela par le passé. Lors du cyclone Nargis en 2008, la junte de l’époque a d’abord bloqué l’aide internationale et manipulé la crise pour consolider son pouvoir, tandis que l’aide apportée à la suite du cyclone Nargis a permis aux familles et aux proches des militaires d’en tirer un profit personnel et d’accumuler des richesses. 

La différence aujourd’hui est que cette junte est une entité criminelle qui lutte contre le gouvernement légitime de Birmanie (Myanmar) et son peuple.

M. Sabandar affirme que la junte doit s’engager dans la reconstruction après post catastrophe et que la « transparence et la responsabilité » peuvent garantir l’efficacité. Mais le mouvement de résistance et la société civile birmane sont mieux informés. 

Une véritable transparence est impossible avec une junte au passé endémique de corruption qui assassine des enfants, viole des femmes, emprisonne des journalistes, bombarde des civils et emprisonne des représentants élus du gouvernement. 

Ce dont le pays a besoin, ce n’est pas d’un engagement avec la junte, mais d’une réorientation de l’aide là où elle est la plus efficace: les organisations communautaires/locales, les prestataires de soins de santé en zone ethniques et les réseaux humanitaires transfrontaliers qui opèrent sous le feu depuis des années et parviennent toujours à atteindre les personnes dans le besoin.

L’ASEAN n’est pas la solution

Les appels lancés à l’Association des Nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) pour qu’elle dirige l’effort de reconstruction au niveau régional font écho à une stratégie familière mais vouée à l’échec. Depuis la tentative de coup d’État illégal de 2021, l’ASEAN a évoqué à plusieurs reprises son consensus en cinq points, sans pour autant prendre de mesures significatives pour le mettre en œuvre. 

Elle a refusé de reconnaître la cause première – l’armée birmane – et, au contraire, a accordé à la junte illégale une fausse légitimité et un espace intolérable sur la scène régionale.

Le consensus inefficace de l’ASEAN a entamé sa quatrième année d’échec le 24 avril. Proposer aujourd’hui que l’ASEAN soit l’acteur principal de la réponse au tremblement de terre en Birmanie (Myanmar), c’est ignorer ces quatre années d’échec. 

Pire encore, cela risque de légitimer une junte que la population birmane a rejetée avec force et à une écrasante majorité. Un « rôle de leader » régional dans ce contexte servirait de couverture à la poursuite des crimes atroces et à le militarisation de l’aide par l’armée.

L’ASEAN n’est pas neutre – elle a été complice des atrocités commises par la junte. Même pendant et après la rencontre entre le président de l’ASEAN et le chef de la junte Min Aung Hlaing à Bangkok, les attaques terrestres et aériennes contre les civils se sont poursuivies dans les zones touchées par le tremblement de terre et au-delà, sans tenir compte de l’appel au cessez-le-feu lancé par l’ASEAN. 

Depuis le tremblement de terre, la junte a mené au moins 207 attaques, dont 140 frappes aériennes et 24 barrages d’artillerie, ciblant délibérément les civils.  

Depuis sa propre déclaration de « cessez-le-feu » du 2 avril, la junte a tué au moins 161 personnes et en a blessé près de 300 autres. Compte tenu du mépris de longue date de l’armée pour la vie humaine, il est on ne peut plus clair que celle-ci n’a absolument aucune volonté politique réelle de fournir une aide efficace ou d’instaurer une paix durable.

L’ASEAN et la communauté internationale dans son ensemble ne doivent pas exploiter la catastrophe du tremblement de terre pour normaliser les relations avec la junte, lui accorder une fausse légitimité, approuver son simulacre d’élections ou faire avancer les tentatives de « dialogue inclusif » qui permettront de légitimer à nouveau l’armée et de prolonger les crises. 

Au lieu de cela, l’ASEAN doit fournir une aide par le biais de canaux frontaliers, directement par l’intermédiaire d’organisations communautaires/locales et d’humanitaires de première ligne, en collaboration avec les organisations de la société civile (OSC), le NUG et les ERO.

En outre, l’ASEAN et la communauté internationale dans son ensemble doivent prendre des mesures concrètes et immédiates pour mettre fin aux attaques terrestres et aériennes de la junte en imposant un embargo global sur les armes, incluant le carburant d’aviation et les biens à double usage.

Si nous voulons vraiment soutenir le rétablissement et la reconstruction de la Birmanie (Myanmar), nous devons aller au-delà des formules diplomatiques régionales inefficaces et écouter les personnes qui risquent tout pour leur avenir. 

Si l’ASEAN souhaite réellement parvenir à une solution à long terme pour la Birmanie (Myanmar), la seule façon d’avancer est de soutenir pleinement les efforts inlassables du peuple pour parvenir à un avenir pacifique et durable, débarrassé de la tyrannie militaire.

On ne peut pas mieux reconstruire sous les bombes

Sabandar suggère de tirer des leçons de la reconstruction de l’Indonésie après le tsunami à Aceh ou de la réponse au tremblement de terre de Nias en 2005. Mais ces comparaisons sont profondément erronées. 

L’Indonésie disposait alors d’un gouvernement fonctionnel et légitime, désireux de collaborer de bonne foi avec les acteurs nationaux et internationaux.

Aujourd’hui, la Birmanie (Myanmar) n’est pas gouvernée mais ruinée par une junte qui est non seulement illégitime mais qui commet activement des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre contre sa population.

L’expression « reconstruire en mieux » a un sens dans un environnement post-conflit ou post-catastrophe où règnent la paix et la stabilité. En Birmanie (Myanmar), les bombes continuent de tomber.

Des communautés entières sont déplacées non pas par des forces naturelles, mais par des frappes aériennes et des attaques au sol menées constamment et délibérément par la junte. 

Il ne peut y avoir de reconstruction, ni d’avenir meilleur, tant que la violence ne cessera pas et que l’on ne s’attaquera pas aux causes profondes de la souffrance.

Obstruction et militarisation de l’aide par la junte

La militarisation de l’aide par la junte ne peut pas être jugée en fonction de la présence de soldats de la junte qui bloquent les routes avec des armes ou qui pilent les cargaisons d’aide. La situation n’est pas aussi simple et directe qu’Andrew Nachemson le dépeint dans Foreign Policy.

Elle peut se manifester sous de nombreuses formes. La rétention de l’aide, la distribution inéquitable, les restrictions, l’arrestation des travailleurs humanitaires, la saisie ou la menace de saisie de l’aide, l’extorsion et le blocage de l’information font tous partie de l’obstruction et de la militarisation.

Les témoignages sur l’obstruction, la manipulation ou la militarisation de l’aide par la junte varient selon les personnes qui en ont fait l’expérience ou qui en ont été témoins, selon les différents contextes de ces personnes et le statut de ces organisations, et surtout selon les personnes qui sont prêtes à s’exprimer.

Dans ce cas, les expériences et les récits des principaux bénéficiaires ou des communautés touchées doivent être sérieusement pris en compte. Nous ne pouvons pas juger superficiellement et affirmer que la junte « ne fait peut-être pas obstacle à l’aide en cas de catastrophe, malgré ses mauvais antécédents », comme l’indique le sous-titre de l’article de Nachemson. Certains habitants de Sagaing et de Mandalay se sont même exprimés sur le fait qu’ils ne recevaient aucune aide.

Nous ne pouvons pas non plus mettre de côté l’armement de la junte et le blocage de l’aide aux personnes déplacées à l’intérieur du pays (IDP) qui fuient les frappes aériennes et les attaques d’artillerie.

À ceux qui affirment que l’armée ne bloque pas l’aide aux victimes du tremblement de terre, je pose la question suivante : qu’en est-il de l’aide d’urgence aux personnes déplacées fuyant les bombardements dans les zones touchées par le tremblement de terre, comme à Sagaing ?

Selon des rapports locaux, les autorités de la junte dans certaines régions ont spécifiquement donné pour instruction de ne pas distribuer d’aide aux personnes déplacées qui ont fui les zones de conflit.

Nous voyons des internautes partager des messages sur les réseaux sociaux et des reportages dans les médias, y compris des photos de communautés touchées par le tremblement de terre et vivant dans des sites temporaires sous des tentes fabriquées localement, qui ne sont pas destinées à l’aide en cas de catastrophe et sont distribuées par des groupes d’aide locaux.

Pendant ce temps, des tentes de secours internationales sont fournies aux survivants de l’immeuble Sky Villa qui s’est effondré, en raison de leur statut économique et social élevé.

Même les agences de l’ONU publient sur leurs réseaux sociaux des photos de personnes vivant sous ces tentes fabriquées localement. Il faut maintenant se poser la question : Où sont les tentes de secours données par la communauté internationale ?

Le ministère des affaires étrangères de la junte n’a cessé d’annoncer des dons internationaux en espèces et en nature pour venir en aide aux victimes du tremblement de terre, notamment de la part du Japon et de l’Union européenne. 

L’appel à la transparence et à la responsabilité, y compris à une distribution juste et équitable de l’aide, n’a pas pour but d’aggraver la situation, comme certains pourraient le penser, mais de garantir que l’aide parvienne aux communautés touchées comme prévu et comme elle devrait l’être.

Les acteurs de l’aide internationale font également preuve de partialité et de discrimination dans leur approche des parties prenantes locales. Ces agences internationales ne disposent pas, ou ont peur de mettre en place, des mécanismes de contrôle pour s’assurer que l’aide remise à la junte n’est ni exploitée ni manipulée.

Cela signifie que ces agences prennent injustement des décisions présomptueuses selon lesquelles l’aide passant par le NUG, les OSC et les organisations communautaires/locales indépendantes de la junte sera utilisée à d’autres fins que l’aide humanitaire. Cette approche enfreint déjà les principes humanitaires d’impartialité et de neutralité.

Comme l’ont écrit 270 OSC dans une déclaration, « Nous insistons sur le fait que ces efforts de secours en cas de catastrophe, par l’intermédiaire de tout partenaire de mise en œuvre, ne doivent pas être exploités, manipulés ou instrumentalisés par la junte militaire à des fins politiques et militaires. Nous demandons instamment aux Nations unies, aux pays voisins et à l’ensemble de la communauté internationale de se souvenir de l’histoire douloureuse de la Birmanie (Myanmar), marquée par la manipulation de l’aide par l’armée en cas de catastrophe naturelle, et d’agir fermement pour protéger les communautés touchées et vulnérables de l’exploitation et de nouvelles souffrances. Le peuple birman mérite une aide qui allège ses souffrances, et non une aide exploitée en son nom ou utilisée comme arme contre lui.« 

Une réponse par peuple, et non une « aide humanitaire » mené par la junte

À quoi ressemble donc une réponse juste et efficace ?

Elle commence par la reconnaissance des véritables représentants du peuple birman: le mouvement de résistance démocratique dirigé par le NUG, le Conseil consultatif de l’unité nationale, les organisations de résistance ethnique, les groupes de femmes, les leaders de la jeunesse et les acteurs de la société civile. Ce sont ces voix qui doivent façonner le rétablissement, et non les généraux qui ont créé la crise.

Les groupes de la société civile, les défenseurs des droits humains et les activistes n’ont pas attendu ; ils se sont mobilisés et ont lancé des missions d’aide d’urgence dans le cadre de leur approche de solidarité « de personne à personne » dès les premières 24 heures suivant le séisme, tout en alertant la communauté internationale et en préconisant des solutions pour une réponse efficace.

Une déclaration commune des OSC recommande que l’aide soit acheminée par l’intermédiaire des groupes communautaires/locaux, des ERO et du NUG, simplement parce que la plupart des zones touchées sont sous le contrôle effectif de la résistance, tandis que les villes les plus gravement touchées, comme Naypyidaw, Mandalay et Sagaing, sont sous le contrôle de la junte ; certaines zones voisines ont un contrôle alterné entre les deux parties.

Les « dommages sévères ou importants » causés par un tremblement de terre ne se mesurent pas en fonction du nombre de morts et du nombre de gratte-ciel qui se sont effondrés, comme ce que le monde a vu à Mandalay ou à Naypyidaw, où les informations sur les destructions ont été bloquées par la junte, puis rapportées par de courageux journalistes citoyens et des médias indépendants.

Il ne s’agit pas ici de savoir quelles sont les zones les plus durement touchées, mais de constater que des zones échappant au contrôle de la junte ont aussi subi le tremblement de terre, et que l’aide internationale ne peut pas et n’atteindra pas ces zones par l’intermédiaire de la junte. C’est là que nous voyons la nécessité d’acheminer l’aide internationale par l’intermédiaire des groupes d’aide locaux.

L’aide internationale doit être redirigée par l’intermédiaire de réseaux humanitaires locaux de confiance qui opèrent indépendamment de la junte. En particulier, pour que l’aide parvienne aux communautés des zones touchées sous le contrôle de la résistance, les acteurs de l’aide internationale doivent collaborer avec le NUG, les ERO et la Force de défense du peuple (PDF), car de nombreuses zones touchées par le tremblement de terre de Sagaing au-delà des villes de Sagaing et de Mandalay ne sont pas sous le contrôle de la junte, mais sous le contrôle du mouvement de résistance avec des administrations menées par la population.

Les associations ethniques frontalières et les OSC locales ont prouvé à maintes reprises qu’elles pouvaient apporter leur aide de manière efficace, éthique et digne.

Sur le plan diplomatique, la communauté internationale doit cesser d’hésiter. Elle doit reconnaître officiellement le NUG et accroître son soutien aux mécanismes qui obligent les dirigeants de la junte à rendre des comptes, par le biais de sanctions, d’actions en justice et de renvois à des processus judiciaires internationaux tels que la Cour pénale internationale (CPI). Ne pas agir de manière décisive n’est pas de la neutralité, c’est de la complicité.

Ce moment exige une boussole morale

Au lendemain d’une catastrophe sismique aussi dévastatrice, il est naturel de vouloir aider à reconstruire et soigner. Mais en Birmanie (Myanmar), la guérison ne peut se faire sans justice ; le rétablissement ne peut se faire sans obligation de rendre des comptes. La reconstruction ne peut se faire tant que la junte continue à créer des décombres.

Les habitants de Birmanie (Myanmar) ne sont pas des victimes passives. Ils mènent leur propre résistance, organisent eux-mêmes les secours et la reconstruction, conçoivent leur propre avenir et s’efforcent de le réaliser.

Il est temps que la communauté internationale suive leur exemple, et non celui des généraux qui leur ont infligé cette catastrophe.

Urgence : séisme en Birmanie

Urgence : séisme en Birmanie

Vendredi 28 mars, 12h50 (heure locale)

Un séisme de magnitude 7,7 frappe l’ensemble du pays. C’est le séisme le plus puissant enregistré en Birmanie depuis des décennies. Son épicentre est à 14 km de la ville de Sagaing et 16 km de la deuxième ville du pays : Mandalay. Le séisme a frappé en plein cœur d’une zone urbaine, densément peuplée, s’étire du nord au sud et a un impact jusqu’à Bangkok (Thaïlande) et la province chinoise du Yunnan.

La zone géographique impactée est colossale et la population birmane fait déjà face une « litanie de souffrances humaines », avec une crise humanitaire d’ampleur, conséquence du coup d’Etat de la junte le 1er février 2021 ayant déclenché une répression et une guerre d’une violence extrême. Les nouvelles émergent lentement de Birmanie qui subissait déjà des coupures de réseaux imposées par la junte. Le monde découvre les images des piscines qui vacillent sur les toits des immeubles de luxe et l’effondrement d’un immeuble en construction à Bangkok, piégeant des dizaines de travailleurs que nous supposons en grande partie birmans – mais les informations de Birmanie tardent à arriver .

Les zones touchées par le tremblement de terre comprennent les régions de Sagaing, Mandalay, Magwe et Bago, l’est et le sud de l’État Shan, ainsi que Naypyidaw. La quantité d’informations reçue varie grandement selon les zones (celles sous contrôle des forces anti-junte subissaient déjà des coupures de communication) mais dès les premières images, l’ampleur des ravages matériels et humains ne fait aucun doute.

Immeuble, hôpitaux, maisons, écoles, mais aussi lieux de cultes se sont effondrés sous le choc du séisme, qui continue trois jours après de faire des répliques. Les lieux de culte des minorités religieuses, chrétiens et musulmans, sont particulièrement touchés ; cela fait des décennies qu’ils n’arrivent pas à obtenir des autorisations de rénovation, encore moins de construction de nouveaux lieux dans les plaines centrales. En cette période de ramadan, le séisme a frappé à l’heure de la prière des mosquées pleines, datant majoritairement du 19ème siècle. Plus de 50 mosquées dans les régions de Sagaing et Mandalay se seraient effondrées.

Les quelques équipes de secours qui ont pu avoir des visas pour l’instant se sont retrouvées bloquées plusieurs jours sur Yangon. A ce moment-là, les routes sont difficilement praticables certes ; mais la voie fluviale est inactive (les capitaines étant pris pour cible par la junte) et l’aéroport de Mandalay est fermé par la junte. Résultat une seule proposition : Naypyidaw dont l’aéroport a pourtant été bien plus endommagé que celui de Mandalay.  La junte a donc monopolisé l’aide vers sa capitale militaire, au détriment des zones densément peuplées de Sagaing et Mandalay. Selon nos informations, de petits avions sont désormais autorisés sur Mandalay, aucune aide internationale n’arrive à Sagaing et les visas et autorisations sont extrêmement rares et difficiles à obtenir pour les humanitaires.

Dimanche soir, le porte-parole de la junte a annoncé interdire les journalistes étrangers, officiellement du fait des conditions instables du pays.

Le mépris insensible de la junte pour la vie humaine, même face aux ravages causés par le tremblement de terre, témoigne de son inaptitude à superviser l’aide et, plus important encore, de sa volonté de manipuler toute intervention humanitaire.”  | Communiqué de presse cosigné par 265 organisations de la société civile, dont Info Birmanie, disponible en français ici.

Dessin de Lune Ye, Cartooning for Myanmar

Trois jours plus tard, les rescapés font face à un manque d’eau, de nourriture, de soins, d’aide médicale, d’outils mécaniques pour les secours… La population est terrorisée par les répliques du séisme qui continue alors que de nombreux bâtiments menacent de s’effondrer. La majeure partie dort donc dans la rue, mais craint un retour en force de l’armée qui a, dans les semaines précédentes le séisme, kidnappé des jeunes pour la conscription militaire et emprisonné des parents qui refuser de livrer leurs enfants. La junte aurait imposé un couvre feu sur la ville de Mandalay, empêchant les secours de travailler de nuit dans ces précieuses heures post catastrophe.

Le risque d’épidémie du fait de l’absence d’eau potable et d’hygiène est très élevé et des barrages ont été endommagés. S’ils ne sont pas réparés à l’arrivée de la saison des pluies, les catastrophes pourraient s’enchaîner. Le NUG a annoncé une cessation de ces activités militaires offensive pour deux semaines ; cette annonce n’a malheureusement pour le moment pas été suivie par l’armée qui continue ses attaques, ni d’autres groupes anti-junte.

L’appel à l’aide internationale de la junte a tourné court, comme lors des précédentes catastrophes naturelles tels que le cyclone Mocha en 2023 et le typhon Yagi en 2024. En pleine campagne de propagande, la junte a continué à bombarder sa population à la suite du séisme !

Bilan provisoire

Dimanche 30, le nombre de victimes documentés par DVB était déjà de 2928, et ce malgré les multiples difficultés d’informations et de communication. Le bilan du tremblement de terre pourrait se situer entre 10 000 et 100 000 morts, a estimé l’institut géologique des États-Unis. L’agence a émis une alerte rouge pour le nombre estimé de morts et estime que cela pourrait réduire le PIB jusqu’à 70 %.

Nous appelons à

  • La plus grande vigilance sur l’instrumentalisation de l’aide humanitaire internationale par la junte et l’utilisation de la catastrophe à des fins de légitimation politique, qui a une longue histoire de militarisation de l’aide comme détaillé dans ce communiqué co-signé par 265 OSC, dont Info Birmanie.
  • L’aide doit atteindre l’ensemble des victimes, y compris dans les zones hors du contrôle de la junte et impliquer l’ensemble des acteurs, y compris le Gouvernement d’Unité Nationale (NUG), les Organisations Révolutionnaires Ethniques (ERO) et la société civile
  • Des observateurs internationaux indépendants doivent être acceptés pour rendre compte de la distribution de l’aide sur l’ensemble des territoires impactés.
  • Avant la saison des pluies des équipes d’experts et maîtres d’ouvrage doivent être déployés pour vérifier les infrastructures, notamment les barrages.
  • La libération du personnel médical birman emprisonné par la junte, le rétablissement de leur licence et la réouverture des hôpitaux fermés par l’armée – notamment les sept hôpitaux privés à Mandalay forcés à la fermeture car accusés d’employer des professionnels de la santé du mouvement de désobéissance civile. La compétence de l’ensemble du personnel de santé est nécessaire pour faire face à la crise, tout comme l’utilisation de l’ensemble des infrastructures encore en état de mobilisation.
  • Le rétablissement des connexions internet et des communications, permettant la coordination de l’aide et l’information aux survivants ainsi que la levée des restrictions sur la communication, l’information et la presse (censure, pare-feu, interdiction de VPN…).
  • Un cessez-le-feu immédiat et de longue durée doit être mis en place, incluant une cessation des offensives en cours de l’armée contre la population, particulièrement les attaques aériennes et fluviales qui entravent les efforts d’aide d’urgence et prennent encore d’autres vies birmanes.
  • L’aide humanitaire doit privilégié le transfrontalier et la réouverture des aéroports et l’instauration d’une voie fluviale sécurisée est capital, notamment sur l’Irrawaddy permettant à l’aide humanitaire d’atteindre les populations le long de la faille sismique de Sagaing.
  • Une grande vigilance des médias vis à vis des informations transmises par le régime militaire birman et saluons le courage et la ténacité des journalistes birmans, ainsi que l’engagement de la presse internationale pour faire sortir une information juste et vérifiée sur la Birmanie malgré l’extrême répression de la liberté de la presse et d’expression dans le pays.
  • Les efforts diplomatiques, humanitaires et médiatiques doivent s’inscrire sur le long terme. Le nombre de décès dus à la catastrophe risque d’augmenter massivement dans les semaines qui suivent le séisme et l’impact du cataclysme sera à long terme.

Appel aux dons

Face à l’ampleur de la catastrophe, Info Birmanie et Doh Atu-Ensemble pour le Myanmar s’associent pour une collecte de dons, destinée en totalité aux réseaux d’entraides et d’assistances locaux de la région de Sagaing et de Mandalay, sans intermédiaire.

Les dons collectés serviront exclusivement à répondre aux besoins essentiels des victimes du séisme. Nous concentrerons notre aide sur :

  • l’alimentation : distribution de rations alimentaires et d’eau potable aux familles sinistrées
  • les soins médicaux : achat de médicaments, premiers secours et prise en charge des blessés
  • les abris d’urgence : fourniture de bâches, couvertures et matériel pour protéger les familles déplacées
  • les articles de première nécessité : vêtements, produits d’hygiène, couches pour bébés et lampes solaires

Nous comptons sur votre solidarité en cliquant ici. Aidez-nous à leur venir en aide. Chaque geste compte.

Dessin par THA, Cartooning for Myanmar