Comment un proche partenaire d’Airbus, AVIC, fournit des armes à l’armée birmane et ce qu’Airbus devrait faire à ce sujet
Le géant français de l’aérospatiale Airbus est un investisseur et un partenaire d’ Aviation Industry Corporation of China-AVIC, un fournisseur clé d’aéronefs de l’armée birmane, qui sont utilisés pour commettre des crimes internationaux.
Airbusted, un rapport conjoint avec Justice For Myanmar, détaille les affaires d’AVIC avec l’armée birmane et les liens d’Airbus avec AVIC. Malgré le rôle évident d’AVIC dans l’armement de la junte birmane, Airbus a non seulement maintenu, mais augmenté ses investissements et sa collaboration avec les entreprises d’AVIC.
Justice For Myanmar et Info Birmanie demandent à Airbus d’utiliser son influence pour faire pression sur AVIC afin qu’elle cesse toute activité avec l’armée birmane, ou qu’Airbus se désengage de manière responsable.
« Airbus ferme les yeux depuis trop longtemps sur les affaires douteuses conclues par AVIC avec la brutale junte militaire du Myanmar.
« Avec la documentation et les rapports crédibles des Nations Unies sur la crise des droits humains au Myanmar, Airbus devait savoir que son partenaire commercial clé, AVIC, fournissait des aéronefs, des armes et des services de maintenance technique à la junte du Myanmar.
« Airbus et ses États actionnaires doivent mettre fin au flux d’armes d’AVIC vers l’armée génocidaire du Myanmar, ou s’assurer qu’Airbus cesse définitivement ses activités avec AVIC.
« Comment prendre au sérieux les condamnations de l’Espagne, de l’Allemagne et de la France si leurs investissements soutiennent la junte au Myanmar ?
Yadanar Maung, porte-parole de Justice For Myanmar
…………………………………………………………
« De multiple outils ont été mis en place, en France, au niveau européen et international pour garantir la responsabilité des entreprises. Notre enquête établit de sérieux doutes sur la capacité d’Airbus à les respecter sur la conflit birman.
« Airbus n’est pas une entreprise comme les autres, de par sa production liée à la défense et du fait de l’identité de ses actionnaires fixes : des Etats. Les gouvernements français, espagnol et allemand ont une responsabilité et un devoir d’agir lorsque le partenaire d’Airbus est lié à des crimes de guerre.
« Les gouvernements français, espagnol et allemand, aux côtés de l’Union Européenne ont condamné les atrocités commises en Birmanie. Aujourd’hui ils ont l’occasion de montrer leurs capacité d’actions, en cohérence avec leurs discours, valeurs et prise de sanctions.
Johanna Chardonnieras, coordinatrice d’Info Birmanie
Une nouvelle enquête révèle l’existence d’entreprises soutenant l’armée de l’air birmane, qui commet des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en toute impunité.
Traduction française par Info Birmanie, du communiqué de presse de Justice For Myanmar du 29 août 2024 : « Justice for Myanmar reveals global network enabling Myanmar military’s use of ATR aircraft »
Justice For Myanmar a mis au jour un réseau mondial d’entreprises qui ont permis à l’armée birmane d’acquérir et d’exploiter au moins dix Avions de Transport Régional (ATR) de fabrication française à partir de 2013.
L’armée a utilisé ces appareils pour transporter des troupes
et des armes utilisées pour commettre des crimes internationaux, ainsi que pour
la surveillance et la reconnaissance.
L’enquête révèle que des sociétés internationales, des
courtiers en armes militaires privés et des compagnies aériennes commerciales
ont transféré des avions ATR à l’armée, en dissimulant dans certains cas
l’utilisateur final, dans une tentative apparente d’échapper aux sanctions.
Des entreprises birmanes et des entreprises internationales
ont également aidé l’armée en achetant des pièces détachées et en fournissant
des services de maintenance.
Des entreprises établies dans l’Union Européenne – notamment ATR et Sabena Technics en France et Axis Flight Simulation Systems en Autriche – ont permis la poursuite des opérations de vol des avions ATR de l’armée en assurant la réparation des principaux composants, en fournissant des pièces de rechange et des éléments clés, et en permettant la formation des pilotes de l’armée de l’air birmane au pilotage d’avions ATR.
Ces activités ont eu lieu malgré les mesures restrictives de
l’UE à l’égard du Myanmar en vigueur au cours de la période examinée et
renforcées en 2018.
Des entreprises de Singapour ont permis la poursuite des
opérations aériennes des avions ATR au Myanmar en fournissant des pièces de
rechange essentielles, y compris après la tentative de coup d’État de l’armée.
Air KBZ – rebaptisée Mingalar Aviation, détenue par le
groupe de crony 24 Hour, a joué un rôle central en transférant deux avions ATR
à l’armée de l’air et en permettant au courtier en armes International Gateways
Group d’utiliser son nom pour acheter deux autres ATR à Vietnam Airlines avant le
coup d’État.
Air KBZ a également loué au moins deux ATR à l’armée pour un
usage commercial, lui procurant une source de revenus.
Le conglomérat de crony KT Group, lié à l’armée, a négocié
l’acquisition de deux avions ATR pour l’armée, par l’intermédiaire de sa
filiale MWG Limited, établie dans les îles Vierges britanniques.
D’autres avions ATR ont été fournis par le conglomérat de
crony Htoo Group, qui a en outre assuré la maintenance d’au moins six des ATR
de l’armée de l’air.
Justice For Myanmar demande aux gouvernements d’empêcher
d’urgence l’armée de l’air birmane et ses courtiers d’accéder aux pièces
détachées et de remplacement, de recevoir une formation pour le personnel
navigant et la maintenance et d’accéder aux instructions nécessaires au
maintien en service de ses avions ATR.
Des sanctions ciblées et coordonnées devraient être étendues
à toutes les entreprises birmanes qui soutiennent la flotte d’ATR de l’armée,
notamment le 24 Hour Group, le KT Group, l’International Gateways Group et le
Htoo Group.
Les mesures existantes doivent être appliquées aux
violations directes et indirectes passées et présentes.
Les entreprises internationales doivent cesser toute activité avec les négociants en armes et les compagnies aériennes civiles birmanes qui soutiennent la junte.
Yadanar Maung, porte-parole de Justice For Myanmar, déclare :
« Il est inacceptable que l’armée birmane ait pu acquérir des avions ATR, des pièces détachées et des services de maintenance pendant de nombreuses années alors qu’elle commettait un génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité en toute impunité.
« La junte utilise maintenant ces avions pour transporter ses troupes et ses armes dans le cadre de sa campagne de terreur à l’échelle nationale, soutenant des attaques indiscriminées contre les civils qui s’apparentent à des crimes de guerre.
« ATR et d’autres entreprises internationales ont manqué à leurs responsabilités en matière de droits humains en ne faisant pas preuve de la diligence requise pour empêcher l’utilisation de leurs produits par l’armée birmane.
« Les gouvernements doivent prendre des mesures urgentes pour que l’armée de l’air birmane ne puisse plus utiliser les – au minimum – dix avions ATR sur lesquels elle s’appuie pour mener ses attaques brutales contre des enfants, des écoles, des cliniques et des communautés entières.
« Cela doit impliquer de couper l’accès de l’armée aux pièces détachées, à la formation et à l’assistance technique pour ses avions ATR.
« L’utilisation d’avions français par l’armée birmane pour commettre des crimes internationaux montre également que l’Union européenne doit étendre et mieux appliquer ses mesures restrictives à l’égard du Myanmar.
« Singapour doit également faire davantage pour empêcher l’armée d’accéder aux biens et aux technologies à double usage et pour cesser d’autoriser les courtiers en armes de l’armée birmane d’opérer sur son territoire.
Yadanar Maung, porte-parole de Justice For Myanmar
Le mot « crony ou cronies » est tiré de l’expression
anglaise « crony capitalism » qui pourrait être traduite comme
« capitalisme de connivence ». En Birmanie, on parle de cronies
lorsqu’on désigne les magnats de la finance et de secteurs clés de l’économie
birmane entretenant des relations de copinage avec les hauts gradés de la junte
militaire. Ils sont essentiels à l’existence la junte birmane qui s’est infiltrée,
à la manière d’un cartel, dans de nombreux pans de l’économie birmane, lui
offrant ressource et pouvoir.
Info Birmanie et Justice
For Myanmar demandent urgemment au gouvernement français d’enquêter sans délai
sur les avoirs de Theint Win Htet en France, de les geler et d’évaluer s’il y a
lieu de remettre en question son droit de séjour en France.
Le 3 avril 2024, les
avocats français William Bourdon et Lily Ravon, agissant en tant que conseils
pour Justice For Myanmar, ont signalé Theint Win Htet aux autorités françaises
en leur demandant de geler tous ses avoirs sur le territoire français et d’envisager
le retrait de son droit de séjour en France. Ils ont également écrit à HEC
Paris pour demander à l’école d’informer les autorités françaises sur les sources
de financement de Theint Win Htet et d’envisager de révoquer son admission.
HEC bénéficie du statut
d’Etablissement d’Enseignement Supérieur Consulaire (EESC) et, à ce titre, la
CCI Paris Ile-de-France est l’un de ses principaux actionnaires. Le 5 avril
2024, Info Birmanie et Justice For Myanmar ont écrit à la CCI Paris Ile-de-France
pour faire part de leurs préoccupations concernant la présence de Theint Win
Htet à HEC, HEC Investment Club et International Consulting Club, du soutien
implicite des nombreux chefs d’entreprise et institutions qui siègent au
conseil d’administration que cette admission à HEC pourrait impliquer, et des risques
liés à l’utilisation des connaissances et du réseau mis à disposition de Theint
Win Htet dans le contexte birman.
Theint Win Htet est membre de la famille fondatrice du Shwe Byain Phyu Group of
Companies, un conglomérat en relation avec l’armée birmane. D’après son profil
LinkedIn, elle a été admise à HEC Paris, une école de commerce française
réputée.
Le groupe Shwe Byain Phyu est un important
conglomérat qui entretient des liens étroits avec l’armée birmane, notamment un
partenariat pour l’importation de pétrole avec Myanma Economic Holdings Limited
(MEHL), une société sanctionnée par l’Union Européenne (UE), et des intérêts
dans les secteurs de l’exploitation minière et du bois, qui sont désormais
dominés par des entreprises d’État sous le contrôle de la junte, sanctionnées
également par l’UE.
En raison des affaires de
sa famille avec la junte militaire birmane et de ces consortiums, les États-Unis ont sanctionné le 31 janvier 2024 Theint
Win Htet, son frère Win Paing Kyaw, ses parents Thein Win Zaw et Tin Latt Min,
ainsi que le Shwe Byain Phyu Group of Companies. Dans l’annonce de ces sanctions,
les États-Unis ont noté le rôle de Theint Win Htet, de son frère et de sa mère
dans « diverses entreprises
étroitement liées au régime ».
En 2022, le groupe Shwe
Byain Phyu a pris le contrôle de Telenor Myanmar,
rebaptisé ATOM Myanmar, mettant en péril les données personnelles de millions
d’utilisateurs, alors que la junte tente de renforcer la surveillance dans le
cadre de sa campagne de terreur contre le peuple de Birmanie.
Depuis le coup d’État de
l’armée, Theint Win Htet est actionnaire et gérante de One Telecom Company Limited, une société créée lors
de l’acquisition de Telenor Myanmar par Shwe Byain Phyu. En 2023, Theint Win
Htet a effectué un stage chez ATOM Myanmar en tant qu’analyste financière.
Theint Win Htet a
également détenu des parts dans Min Shwe Myine Enterprise Limited, une société
pétrolière du Myanmar qui a formé un consortium en 2022
pour « trouver des fournisseurs
fiables en Russie afin de renforcer le partenariat Myanmar-Russie ».
Selon les sources de Justice
For Myanmar, les dépenses de Theint Win Htet pour financer son mode de vie et
ses études en France sont prises en charge par sa famille.
Info Birmanie et Justice
For Myanmar appellent l’UE à imposer d’urgence des sanctions au groupe Shwe Byain
Phyu et à ses propriétaires et directeurs, dont Theint Win Htet, et à renforcer
ses sanctions ciblées pour bloquer l’accès de la junte aux fonds, aux armes,
aux équipements et au carburant d’aviation, en coordination avec ses alliés.
Yadanar Maung,
porte-parole de Justice For Myanmar, déclare :
« Le fait que Theint
Win Htet puisse étudier en France est un nouveau signe du grave manque de
coordination des sanctions imposées après la tentative illégale de coup d’État
de l’armée. »
« La présence de
Theint Win Htet en France compromet les sanctions de l’UE à l’encontre des
partenaires commerciaux du groupe Shwe Byain Phyu et les sanctions des
États-Unis à l’encontre de Theint Win Htet et des membres de sa famille. »
« La France devrait
rapidement enquêter et geler tous les avoirs en France appartenant à Theint Win
Htet ou aux membres de sa famille et lui interdire l’accès au territoire
français. »
« Depuis plus de trois ans, le peuple du Myanmar résiste courageusement à la tentative de coup d’État manqué de l’armée. La France devrait se ranger du côté du peuple et envoyer un message clair selon lequel les complices de la junte birmane ne sont pas les bienvenus sur son territoire. »
Johanna Chardonnieras, coordinatrice d’Info Birmanie,
déclare :
« L’intégration à HEC
d’une étudiante sous sanctions américaines pour ses liens avec la junte
militaire birmane, responsable de graves violations des droits humains, est
symptomatique du laisser-faire en place sur le dossier birman. »
« En partageant ses
connaissances et son réseau avec Theint Win Htet, HEC, sa direction, son
conseil d’administration et ses actionnaires font preuve, au mieux, d’un manque
flagrant de diligence dans la procédure d’admission, au pire, d’un mépris pour
la lutte du peuple birman pour la liberté. »
« C’est depuis la
France que Theint Win Htet continue d’exercer son actionnariat dans le groupe
Shwe Byain Phyu, générant des revenus pour la junte et contribuant à la
répression sanglante de ses concitoyens. Il appartient donc au gouvernement
français de prendre les mesures qui s’imposent, en corollaire de ses
condamnations répétées des crimes et exactions commis par la junte militaire et
ses déclarations répétées de soutien au peuple birman. »
Info Birmanie se joint à la Blood Money Campaign et à de nombreuses organisations de la société civile birmane pour demander des sanctions sur le carburant d’aviation, les assurances et la maintenance des aéronefs de la junte. Les attaques aériennes ont quintuplé sur les cinq derniers mois, selon l’ONU, et les victimes sont les civils birmans, avec des frappes sur les espaces publics tels que les hôpitaux, les écoles et les lieux de culte. Il est temps d’agir.
“ Si les avions ne peuvent pas voler, ils ne peuvent pas bombarder ”
Organisations de la Société Civile Birmane
C’est une chaîne d’approvisionnement internationale qui permet aux avions de la junte d’effectuer des frappes aériennes contre sa population : nous pouvons agir. Demandons des sanctions sur le carburant d’aviation, les assurances et la maintenance.
Demandez à votre député.e d’agir en lui envoyant la lettre ci-dessous. Vous trouverez les contacts de votre député.e ici et de votre député.e au parlement Européen ici.
Partagez cette page, nos posts sur les réseaux sociaux et la vidéo ci-dessous. #BanJetFuelExportsToMM #SanctionAviationFuel #AvecToiMyanmar
……………………………………………………………………………………………………
Je vous écris pour demander à votre gouvernement et à l’Union Européenne de faire tout ce qui est en son pouvoir pour mettre fin à la fourniture de carburant d’aviation à l’armée birmane.
L’armée birmane a profité du soi-disant processus de réforme, avec la levée des sanctions, pour développer et moderniser son armée de l’air. Cette force aérienne est maintenant utilisée pour bombarder aveuglément des civils, détruisant des maisons, des hôpitaux, des lieux de cultes et des écoles.
L’arrêt du ravitaillement de l’armée en carburant d’aviation serait l’une des mesures les plus efficaces pour réduire les violations du droit international et faire face à la crise humanitaire grandissante en Birmanie. Une grande partie des quelque trois millions de personnes contraintes de fuir leur domicile depuis le coup d’État militaire de 2021 a fui à cause des frappes aériennes croissantes de l’armée ou de la menace de ces dernières.
Des sanctions doivent être appliquées pour :
1. Empêcher les entreprises françaises et européennes d’être impliquées dans tout aspect de la fourniture de carburant et de pièces d’aviation à la Birmanie, y compris les services d’assurance, de réassurance, d’accréditation, de certification ou de maintenance
2. Sanctionner les entreprises birmanes impliquées dans la fourniture de carburant d’aviation à l’armée
“ Si les avions ne peuvent pas voler, ils ne peuvent pas bombarder ”O
Même si des entreprises françaises ne sont pas impliquées dans la fourniture de carburant d’aviation, le rôle de chef de file de votre gouvernement dans la coordination des sanctions contre l’armée birmane signifie qu’il est probable que vous soyez en mesure de persuader l’Union Européenne, les États-Unis, le Canada et d’autres pays de se joindre à la France. Nous avons également constaté que même si les entreprises asiatiques ne sont pas techniquement couvertes par les sanctions européennes, dans la pratique, nombre d’entre elles choisissent de suivre ces sanctions en tout état de cause, afin d’éviter les risques – comme c’est le cas de United Overseas Bank (UOB), banque singapourienne ayant fermé les comptes de Myanmar Airways International (MAI) dès juillet 2023.
Les sanctions créeront également une incertitude quant à l’approvisionnement, ce qui, en soi, pourrait contribuer à réduire l’utilisation de la puissance aérienne par l’armée birmane.
Sanctionner la fourniture de carburant d’aviation à la Birmanie peut signifier que les vols intérieurs seront cloués au sol, mais cet inconvénient est minime par rapport à la crise humanitaire et des droits humains que l’approvisionnement en carburant d’aviation permet. Ces sanctions bénéficient également d’un large soutien en Birmanie et sont demandées par la société civile birmane.
L’aide humanitaire ne sera pas affectée car les vols intérieurs ne sont pas utilisés pour l’acheminement. Les vols d’aide internationale peuvent se ravitailler dans les pays voisins s’ils n’ont pas assez de carburant pour les vols de retour et la majeure partie des organisations humanitaires internationales travaillant sur la Birmanie sont désormais basées en Thaïlande.
Ces dernières semaines, l’utilisation de la puissance aérienne contre les civils s’est intensifiée, faisant de plus en plus de victimes et aggravant la crise humanitaire déjà dramatique. Comme l’a rappelé Tom Andrews, rapporteur spécial de l’ONU sur la Birmanie le 19 mars “Au cours des cinq derniers mois, les frappes aériennes contre des cibles civiles ont quintuplé”. La réduction de l’approvisionnement en carburant et de la maintenance de la flotte doit maintenant être l’un de vos principaux objectifs pour accroître la pression sur les militaires birmans et réduire leur capacité à attaquer la population civile birmane.
La France doit agir, conformément à la résolution A/HRC/55/L.17 prise par le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies demandant de s’abstenir d’exporter, de vendre ou de transférer du carburant d’aviations, des biens et technologies de surveillance et des armes moins meurtrières, y compris des biens à double usage.
Il faut agir maintenant pour épargner les vies des civils birmans.
Traduction du discours de Tom Andrews, présentant son dernier rapport au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies à Genève le 19 mars 2024.
Je comprends que la communauté internationale se concentre sur plusieurs évolutions difficiles à travers le monde. Mais je vous implore, en tant que Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, de diriger votre attention et celle des Nations Unies sur la crise au Myanmar. Si les droits de l’Homme signifient quelque chose, alors ce qui se passe actuellement au Myanmar requiert l’attention et l’action des Nations Unies, y compris du Conseil de sécurité, et si le Conseil de sécurité n’agit pas, alors les États membres des Nations Unies qui se soucient des droits de l’Homme, y compris le les États membres de ce Conseil doivent agir ensemble.
Il y a d’abord une bonne nouvelle à annoncer. Le vent tourne au Myanmar et il tourne en raison de l’opposition généralisée des citoyens à la junte et de la multiplication des victoires sur le champ de bataille des forces de résistance.La junte militaire perd son territoire et ses bases, elle perd des troupes. Elle perd sa capacité à promouvoir la fiction selon laquelle elle est en quelque sorte légitime ou qu’elle peut unir le pays par la force. La junte contrôle désormais moins de la moitié du Myanmar et a perdu des dizaines de milliers de soldats en raison de pertes, de capitulations ou de défections depuis qu’elle a lancé son coup d’État militaire il y a plus de trois ans.
La mauvaise nouvelle est que, bien que désespérée, la junte reste extrêmement dangereuse. Le massacre de civils se poursuit grâce à des armes de guerre puissantes et sophistiquées obtenues à l’étranger.Au cours des cinq derniers mois, les frappes aériennes contre des cibles civiles ont quintuplé, soit une multiplication par cinq. Le nombre de personnes tuées ou blessées par les mines terrestres a plus que doublé, 2,7 millions de personnes ont été déplacées et 1 million de plus devraient l’être cette année, 1 million.
18,6 millions de personnes, dont 6 millions d’enfants, ont besoin d’une aide humanitaire. Lorsque je suis devenu rapporteur spécial (sur le Myanmar), ce chiffre était d’un million – 1 million avant le coup d’État.
Aujourd’hui, la junte a lancé un programme de recrutement militaire forcé, enlevant parfois des jeunes hommes dans les rues. Cela pousse les jeunes à se cacher, à fuir le pays ou à rejoindre les forces de la résistance. Des jeunes qui ne veulent pas se laisser entraîner dans la campagne de brutalité de la junte.
Les membres assiégés de la communauté rohingya sont particulièrement touchés et subissent désormais les bombardements continus des forces de la junte. Mais contrairement à la plupart des habitants du Myanmar, il est interdit aux Rohingyas de se mettre en sécurité. Hier, 23 Rohingyas, dont de très jeunes enfants, ont été tués lors du bombardement d’un village rohingya dans l’État de Rakhine.
Ces horribles attaques et autres violations systématiques des droits humains contre la communauté rohingya se poursuivent sans relâche, malgré les mesures provisoires prononcées par la Cour internationale de justice dans l’affaire de génocide intentée par la Gambie et auxquelles se sont ralliés plusieurs membres de ce Conseil.
Aujourd’hui, la junte tente de forcer les jeunes rohingyas à faire l’inimaginable : rejoindre l’armée même qui commet ces attaques incessantes et qui a commis un génocide contre leur communauté, forçant des centaines de milliers de personnes à traverser la frontière avec le Bangladesh.
Monsieur le président, les actions de la junte militaire ont des conséquences non seulement sur la population du Myanmar, mais également sur la région et, bien sûr, sur le monde entier.
Des milliers de personnes désespérées continuent de fuir vers les pays voisins. Les avions de combat de la junte ont violé l’espace aérien des voisins du Myanmar, des bombes ont atterri au-delà des frontières, les soldats de la junte ont fui pour se mettre en sécurité hors du Myanmar, les réseaux criminels internationaux ont trouvé refuge au Myanmar.
Le Myanmar est désormais le premier producteur d’opium au monde et un centre mondial d’opérations de cyber-arnaque qui asservissent des dizaines de milliers de personnes et victimisent un nombre incalculable de personnes dans le monde. Soyons honnêtes, la réponse de la communauté internationale à ces développements ne fonctionne pas. L’apaisement ne fonctionne pas. Engager la junte sans conditions ne fonctionne pas et cet échec a un impact mondial et doit changer.
Il y a près de trois ans, l’ASEAN a convoqué une réunion d’urgence sur la crise à laquelle participait le chef du coup d’État, le général Min Aung Hlaing. Ce qui en est ressorti s’appelle le consensus en cinq points, dont le premier était de mettre fin à la violence. Mais l’encre de ce document était à peine sèche lorsque le général en chef est retourné au Myanmar et a considéré le document comme de simples suggestions. Sa campagne de meurtres et de chaos s’est accélérée. Depuis, plus de 4600 civils ont été tués, plus de 2,4 millions ont été déplacés.
L’ASEAN et ses dirigeants ont tenté à maintes reprises de dialoguer avec la junte pour mettre fin à cette crise. L’année dernière, par exemple, l’Indonésie, en tant que présidente de l’ASEAN, a facilité des centaines d’engagements avec les parties prenantes de l’ASEAN, y compris la junte. J’ai le regret de dire que ces tentatives vigoureuses et bien intentionnées d’engagement n’ont pas mis fin aux tueries.
Je crois que la conclusion inévitable à tirer est la suivante : pour que l’engagement réussisse, certaines conditions préalables sont impératives et la première de ces conditions préalables est que la violence doit cesser. Ce point, l’un des cinq points du consensus de l’ASEAN, doit être respecté et devenir une réalité. La communauté internationale doit saper la campagne meurtrière de la junte en lui refusant d’acheter les armes et de disposer de l’argent dont elle a besoin pour poursuivre sa campagne.
Il y a maintenant de bonnes et de mauvaises nouvelles. Bonne nouvelle à signaler sur ce front : dans un document de séance que j’ai publié l’année dernière, «The Billion Dollar Death Trade», j’ai discuté des sources d’armes de la junte.
Parmi eux, 138 entités basées à Singapour avaient transféré des armes d’une valeur de 254 millions de dollars à la junte. J’ai bien précisé qu’il n’y avait aucune preuve que le gouvernement de Singapour était impliqué ou même était au courant de ce commerce et, c’est tout à son honneur, le gouvernement de Singapour a immédiatement lancé une enquête. Je suis très heureux d’annoncer que les transferts d’armes par Singapour, et les entités basées à Singapour, ont chuté de 83 %.
D’autres États membres des Nations unies ont pris des mesures pour priver la junte d’armes et d’argent et ces mesures ont eu un impact, mais elles ont également été lentes. Elles ont été progressives, non coordonnées et réactives. Cela doit cesser et j’appelle à la création immédiate d’une coalition d’États pour établir une stratégie coordonnée et ciblée de sanctions afin de protéger le peuple du Myanmar.
J’aimerais souligner trois autres étapes cruciales, avant de conclure mes remarques, qui peuvent être prises immédiatement.
Premièrement, une stratégie d’aide humanitaire qui apporte rapidement et efficacement l’aide dont ils ont désespérément besoin à ceux qui en ont le plus besoin, y compris ceux qui se trouvent dans les zones de conflit et qui n’ont actuellement que peu ou pas d’accès à cette aide.
Deuxièmement, mettre fin à l’impunité pour les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité. J’exhorte les États membres à la Cour pénale internationale à référer la situation du Myanmar au procureur de la CPI en vertu de l’article 14 du Statut de Rome, en lui demandant d’ouvrir une enquête. Les responsables des atrocités commises au Myanmar doivent savoir qu’ils devront rendre des comptes.
Troisièmement, investir dès maintenant pour préparer la transition du Myanmar. Je demande instamment que l’on soutienne ceux qui construisent un cadre politique permettant aux populations riches et diverses du Myanmar de s’émanciper tout en affirmant que les droits de l’Homme, l’égalité et la justice sont la voie de la paix.
Monsieur le Président, le vent tourne au Myanmar et il tourne grâce au courage et à la ténacité du peuple du Myanmar. Il est temps que la communauté internationale prête attention à la situation du Myanmar et prenne des mesures coordonnées et fortes qui permettront à ces populations de saisir cette opportunité. Ils ne méritent rien de moins.